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  • Le vol du Navigateur (1986)

    Un film de Randal Kleiser

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    Production Disney méconnue, Flight of the Navigator est un innofensif film familial, piochant allègrement dans les succès qui l'on précédés de peu. Un jeune garçon, David, s'y lie d'amitié avec un extra-terrestre bienveillant, après que celui-ci l'ait enlevé puis renvoyé chez lui... huit ans après. David retrouve donc ses parents plus âgés, son petit frère est plus grand que lui, et les synthétiseurs ont remplacé le disco (le gamin trippe sur les Bee Gees et les Beach Boys). C'est, grosso modo, ce que retient le film du décalage de générations potentiel. 

    Une ambiance bonne enfant règne sur tout le film, et l'idée la plus rigolote tient sûrement dans ses premières séquences, où, exploitant les attentes du spectateur, le réalisateur s'attarde sur des éléments dont la forme rappelle une soucoupe volante (un freesbee, une centrale électrique, un ballon dirigeable). 

    Film au budget mini compte-tenu du genre, son top effets spéciaux se situe dans la dernière partie, lorsque le jeune garçon peut piloter un vaisseau extra-terrestre -qui ressemble à une gigantesque madeleine argentée-, survolant une grande partie du monde. Son intérieur chromé, qui a l'air fabriqué avec les restes d'une boule à facettes, rappelle les aveuglants Cylons de la série des 70's, rempli de boutons qui clignotent et d'un animal de compagnie miniature : un Gizmo en taille réduite. 

    Mix improbable entre Retour vers le futur et E.T. l'extra-terrestreFlight of the Navigator est un voyage pas désagréable, mais sans saveur particulière, dans lequel on  se soucie d'ailleurs peu du réel but poursuivi par David (rentrer chez lui, aider l'extra-terrestre, sortir avec Sarah Jessica Parker ?) : une étrangeté 80's made in Disney du temps où, entre Le trou noir (1979), Les yeux de la forêt (1981) ou Tron (1982), la firme ne savait pas trop sur quel pied danser... La récente réapparition, après des années d'invisiblité, d'une édition pirate du film dans les rayonnages des supermarchés, ne fait que confirmer son statut de film oublié, alors même que, à l'instar du Trou noir, un remake a été envisage courant 2009.

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  • Un film, une séquence (2/2) : V pour Vendetta (2006)

    Suite de la précédente note sur l'analyse de séquence de V pour Vendetta :

    Finch voit également d'autres choses, dont le spectateur n'a pas été le témoin : le présentateur télé, décédé entre-temps, brûle l'autorisation de diffusion de son show satirique. Ainsi, la séquence est également utilisée pour "caser" très brièvement des éléments qui n'ont pas pu être placés plus tôt dans le déroulé du film. La séquence nous a montré dès le début que "le grand architecte" était V, positionnant consciencieusement chacun de ses dominos-personnages pour qu'ils fassent ce que V attende d'eux. Finch, avec cette vision, épouse alors celle de V, dans toute sa dimension démiurgique.

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    Finch s'est manifestement connecté avec l'esprit de V, lors de sa première vision d'un chaîne d'événements, se recomposant dans un ensemble cohérent. A l'écran, les connexions sont évidentes thématiquement (les images reconstituent le film dans une myriades de scènes passées et à venir), et graphiquement : elles donnent à voir des éléments au motif récurrent : le V, synonyme du personnage et de son plan, qui s'imprime jusque dans le paysage (un feu d'artifice, une porte de cellule, Evey et V les bras levés vers le ciel, les voies de chemins de fers). Finch a la sensation de tout voir, partout, en même temps : vision totale à l'égale d'un dieu. On retrouve cette notion chère à Alan Moore, créateur de la BD originelle, dans le personnage du Docteur Manhattan, figure éthérée de l'immense Watchmen, qui a également la perception totale du spectre des événements.

    Après une courte pause dans le déroulement effréné des événements, figurée par la question de l'assistant ("Alors vous savez ce qui va se passer ?"), Finch va ensuite décrire une nouvelle prophétie, une "intuition", qui prend une place assez exceptionnelle dans la trame de V pour Vendetta. En effet, le film (et la BD avant ça) nous plonge dans un monde distopique tout ce qu'il y a de plus pessimiste : censure, arrestations arbitraire sans procès, meurtres d'état, uppercuts d'interdits et de peurs assénés à un peuple groggy. De même que V (Hugo Weaving) devient la cible de ce que le comédien incarnait dans Matrix (l'agent Smith), il est amusant de noter que c'est John Hurt, victime du diktat de Big Brother dans l'adaptation de 1984 (Michael Radford), qui joue ici le rôle du grand oppresseur Sutler.

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    L'inspecteur imagine alors un avenir potentiel encore plus sombre. Le spectateur découvre alors des images inédites, une réaction en chaîne provoquée par dérapage -le meurtre d'une enfant portant le masque de la révolution. Les dominos, dont la mise en place est terminée, peuvent tomber. Ce que l'on voit à présent révèle un tout autre schéma de vision, faisant écho aux convictions profondes de Finch, et à la logique du terrorisme. Loin de la figure quasi-héroïque de V que le film nous a vendu jusqu'ici, on découvre le côté sombre de V. La scène des dominos recèle ainsi d'un double-sens : on peut y voir soit la visualisation de la parfaite exécution de son plan et y percevoir une certaine fierté ; ou l'on peut également ressentir la dimension manipulatrice de ces pions, soignement positionnés, qui tombent lorsque V en donne l'impulsion. Alors que le sentiment de Finch penche pour la seconde option, le spectateur lui, est comme galvanisé par l'énergie déployé et la puissance de la construction cinématographique, est plus du côté de V. C'est toute l’ambiguïté du film : prendre pour personnage principal un terroriste et le faire passer pour un super-héros. C'est d'ailleurs pour cela que le film, produit par Warner, une des plus grandes Majors, a une vraie force subversive, toujours celle de l'anomalie dans le système. Un seul domino encore debout, ce sera par cette figure que se clôture la séquence, bouclant avec son début, lorsque V dépose le premier domino. On fait ainsi le tour en moins de 5 minute, d'une perception totale de l'univers de du film, dans sa terrifiante dimension distopique. Si V pour Vendetta, la BD, est un monument, son adaptation également est des plus réussie.

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  • Un film, une séquence (1/2) : V pour Vendetta (2006)

    La révélation de Finch

    "Tout défilait devant mes yeux... une longue suite
    d'événements qui m'a projetée dans le passé... bien avant Larkhill.
    C'était comme si je pouvais voir tout ce qui s'était
    déjà passé... et tout ce qui allait bientôt se passer."

    Inspecteur Finch 

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    La grande réussite de V pour Vendetta (BD comme film) est de jouer avec la temporalité de la narration, multipliant les allers-retours dans le temps et les sous-intrigues ; le film débute par l'exécution de Guy Fawkes, révolutionnaire anglais qui manqua son attentat contre le Parlement de Londres en 1605. Le spectateur découvre ensuite les incidents qui ont frappés l'Angleterre quelques années auparavant, et le sacre du dictateur Sutler (John Hurt). Puis, dans un futur proche, V (Hugo Weaving), un être mystérieux affublé d'un costume de Guy Fawkes, entend faire renaître l'idée de la révolution. Il veut rappeler aux anglais les conditions étranges qui ont présidé à l'élection d'Adam Sutler à la tête du pays, devenu alors un Grand Chancelier tout-puissant. 

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    La séquence qui nous intéresse se situe au début du dernier acte du film ; elle dure 4 minutes, de 1h40' à 1h44', et contient pas moins de 150 plans -soit un tous les 80 centièmes de secondes ! Elle commence par la pose d'un domino par une main toute de noir gantée, celle de V. Presque un an s'est écoulé depuis que V a commis son attentat, la destruction du Palais de Justice Old Bailey ; à son appel, cette date anniversaire doit voir les citoyens se rassembler devant le Parlement. Après une longue enquête, l'inspecteur Finch et son assistant sont dans l'impasse, et V pose la dernière pierre de son plan.

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    L'objectif principal de la séquence est de montrer toute l'ampleur des actes de V ; il distribue à la population de Londres des costumes de Guy Fawkes (dans un des nombreux jeux de miroir du film, ici entretenu avec une première action au début du film). Des trains entiers acheminent la marchandise vers des "centaines de milliers" de foyers. V est le maître d’œuvre d'un plan global dont lui seul a la clé. Débute alors un montage particulièrement astucieux, qui accélère de façon brusque et virtuose le rythme du film. Un plan est souvent complété par un autre, dans une situation différente : alors qu'une fille va ouvrir après une sonnette à sa porte, c'est Finch que l'on voit ouvrir au transporteur. Plus loin, c'est un vandale, criant "Anarchy in the UK !", qui finit la phrase de Finch, "That's what he wants" ("C'est précisément ce [que V] veut").

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    En quelques secondes, plusieurs jours s'écoulent, mettant en regard Finch et l'assistant d'un côté, et les rues agitées de Londres, de l'autre. A un autre moment, "[V] nous connaît mieux qu'on ne se connaît nous-même" résonne sur les images montrant le premier ministre Creedy acceptant le pacte de V ; ce dernier ayant effectivement pressenti que Creedy accepterait son marché. Les paroles sont parfois en avance sur l'image, résonnant avant même que son orateur ne se montre (comme quand Sutler menace de faire arrêter "tous ceux qui portent un masque", la potentielle victime et son bourreau virtuellement présentés dans le même espace-temps). Les points de vues, déjà, sont multiples ; la temporalité, elle, est respectée, les événements s'enchaînant logiquement et implacablement, dans le grand plan d'ensemble de V, figuré par la construction minutieuse d'un parterre de dominos, la pose de chaque nouvelle pièce scandant la séquence, comme dans la BD. La cadence régulière d'un mécanisme d'horlogerie tapisse le paysage sonore de la séquence, participant ainsi à conférer au plan de V une nature pensée, programmée et inarrêtable.

    Puis, Finch raconte à son assistant sa virée nocturne au complexe médical abandonné de Larkhill, qui constitue le cœur de cette séquence extrêmement complexe. 

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    Dans un premier mouvement, constitué d'accélérations puissantes et de temporisations, Finch décrit son sentiment : au milieu des décombres, dans la nuit, il a une révélation, au sens religieux du terme. Le temps et l'espace s'entrechoquent et se mêlent dans un maelström d'images de ce que l'on a déjà vu (l'arrestation de Guy Fawkes, le baiser échangé par deux jeunes femmes, la rose caractéristique laissée en signature des meurtres, entre autres), et d'autres qui sont inédites et prophétiques, issues de la suite du film : V pris sous le feu d'agents gouvernementaux -évoquant clairement les agents de la Matrice contre Néo, ici dans un retournement de situation qui ne manque pas d'ironie-, Finch et Evey devant le métro rempli d'explosifs, ... La vision de Finch, si elle est prophétique, est aussi omnisciente : il voit des événements auxquels il n'a pas assisté et se voit lui-même, illustrant  un point de vue global qui le dépasse.

    La suite ici

    Sources images : captures d'écran issues du DVD © Warner Bros

  • Jeepers Creepers (2001)

    Un film de Victor Salva

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    Une sœur et son frère doivent passer l'été chez leur parents. C’est le garçon qui s’occupe de la ramener au bercail. La première séquence, en plein cagnard sur une route au milieu de nulle part, on assiste à une discussion anodine dans la voiture ; au second plan déboule à toutes berzingues un camion d’un autre âge. Cette figure menaçante est bien mise en valeur, paradoxalement, par le flou de l'arrière-plan Menace indistincte, le camion apparaît dangereux au spectateur bien avant qu'il fasse le même effet aux personnages. Le côté massif de l’engin rend cette scène très efficace, et on pense d’emblée au chef-d’œuvre du genre, Duel (Steven Spielberg, 1971). 

    Un bolide anonyme aux proportions gigantesques qui se rue sur de pauvres gens qui n’ont rien demandé, voilà qui n’est pas nouveau mais qui produit toujours son petit effet. Ensuite, la découverte des activités suspectes du danger de la route (réduit à une silhouette pas vraiment engageante) continue à faire monter la tension. Cet espionnage furtif est bien rendu par le cadrage utilisé : imprécis, comme pris sur le vif, il cite expressément Massacre à la tronçonneuse. La photo, travaillée mais assez naturelle, joue pour beaucoup dans cette évocation d’un endroit improbable, où les policiers peuvent côtoyer les diseuses de bonne aventure, les barmans, les poivrots de service et le spécimen du jeune-en-détresse. On a ainsi droit à une bonne partie du film complètement réussie ; le monstre est déviant comme c'est pas permis, passant son temps à poursuivre ses victimes pour... sniffer leurs sous-vêtements ! 

    Dès que le monstre apparaît à la lumière, dès qu’on peut bien le voir et le cerner, alors disparaît justement cette tension, cette peur de l’inconnu. Le film devient alors moins efficace. En effet, le maquillage du monstre n’est pas si mal, mais pour nous impressionner encore plus que sa silhouette tapie dans l’ombre, il en aurait fallu beaucoup. Il ressemble alors étrangement à un croisement entre le djinn de Wishmaster (Robert Kurtzman, 1997) et le méchant de Spawn (Mark Z. Dippe, 1997), autant de références qui, cela va sans dire, ne sont pas de la meilleure eau. Décevant également, cette histoire de musique qui provoquerait la mort de quiconque l’entend : c’est ce qui est bien mis en avant, dans la bande-annonce. Ici, rien de tout cela, le thème est juste abordé, et ne concerne de toute façon que le héros. Qu’à cela ne tienne, ça faisait bien longtemps qu’une série B estampillée horreur ne nous avait autant foutu la trouille. 

    Ce qui impressionne dans ce métrage, c’est l’évocation des rapports frère-sœur, traités correctement dans ce genre-ghetto qu’est le film d’horreur. Ce n’est pas un vague clin d’œil, un trait d’humour, mais une psychologie souterraine qui participe à la crédibilité des actions perpétrées par le tandem. 

    Une dernière chose, clin d'oeil presque invisible, hisse le film au niveau des grandes réussites du genre ; au début du film, es deux protagonistes principaux ont pris l’habitude de composer des mots, des expressions avec les plaques d’immatriculations des voitures qu’ils croisent. La leur : SVM 421... comme Save Me. Ces deux-là étaient faits pour souffrir !

  • L'île du docteur Moreau (1977) : du livre... au film

    Un roman de H. G. Wells & un film de Don Taylor

    7131842897_d375f2ebe9_m.jpgDans son roman, Herbert George Wells nous conte l'aventure d'Edward Prendick, seul rescapé d'un naufrage, recueilli par le docteur Moreau et son assistant, Montgomery, sur une île peuplée d'animaux que le docteur importe. Dans le cadre de cette île sauvage et peu rassurante, Prendick découvre peu à peu la réalité  des expérimentations du maître des lieux : transformer des bêtes en hommes dans les atroces souffrances de la vivisection. L'histoire dans son entier nous est transmise par la vue subjective de Prendick, un homme ordinaire dans une situation extraordinaire. Les adjectifs attribués aux personnages rencontrés dans l'île ne font pas longtemps mystère de leur vraie nature : faciès disgracieux et velus, gestes approximatifs, parole limitée. Bien que tenus par des règles -la Loi- édictées par Moreau (pas de sang versé, ne pas marcher à quatre pattes), l'appel instinctif et inévitable de leur corps originel ne se fera pas attendre. Le roman de H. G. Wells se comprend comme une fable sur l'opposition entre nature et culture, entre "civilisation" et "sauvagerie" ; le plus vertueux n'étant forcément pas celui que l'on croit. S'il délaisse volontairement les aspects techniques de la folie de Moreau, c'est que son propos est ailleurs, de même que l'on ne lira pas des pages entières remplies de la théorie de Moreau expliquant son geste. Pas parce qu'il est inexplicable, mais bien parce qu'on peut se le figurer nous-même : dans les mains de fous, la médecine devient l'obsession de recréer la vie, à l'égal de dieu. De façon plus terre-à-terre, son personnage narrateur n'a de toute façon pas le loisir d'observer ce qui se passe dans la "maison de la douleur". 

    Contenant des idées et des possibilités visuelles intéressantes, le roman a été adapté une première fois dans les années 30, dans Island of lost souls, de Erle C. Kenton, avec Charles Laughton et Bela Lugosi ; film à la réputation flatteuse. Il fallu attendre les années 70 pour que les producteurs, sûrement impressionnés par l'avancée significative des effets visuels (les prothèses de John Chambers dans La planète des singes), soient tentés de réaliser un film de monstres ; et, même si le film est assez fidèle au déroulement du roman, c'est bien dans l'esprit d'un creature features que le projet est envisagé. 

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    L'on retrouve le personnage du rescapé, ici renommé Andrew Braddock (Michael York), ainsi que Moreau (Burt Lancaster vieillissant et Montgomery ; M'Ling, un hybride utilisé par Moreau comme serviteur, est également présent, comme la plupart des rôles importans issus du roman. Certaines  scènes sont transcrites quasiment à l'identique, comme celle où Braddock surprend un des serviteurs de Moreau boire dans une flaque à la manière d'un chien ; la caverne où les hybrides du docteur Moreau se terrent, et la séquence sur "la Loi" est également reprise telle quelle. On y observe les fondements de la logique du docteur, qui pense transformer ses animaux grâce à l'inculcation de quelques repères éthiques.

    Le film se démarque du roman sur trois points essentiels : tout d'abord, le personnage joué par Barbara Carrera, qui devient le love interest de Braddock, est une invention du scénariste Al Ramrus ; l'on peut dire que le roman manquait cruellement de personnage féminin, un vrai défaut aux yeux des producteurs. Il ajoute également une raison valable au fait que Braddock ne prenne pas ses jambes à son cou dès qu'il comprend ce qui se passe dans l'île. Le choix de Barbara Carrera, future James Bond girl dans le dissident Jamais plus jamais (Irvin Kershner, 1983), flatte l’œil  ; ne manquez pas, si vous le pouvez, le délicieux hommage de Christophe Lemaire dans le DVD édité par Wild Side. 

    Ensuite, Braddock devient lui aussi la victime des expériences de Moreau ; choix intéressant mais qui demanderait tout de même au bon docteur des mois d'expérimentation pour réussir dans le sens inverse (l'homme devient animal) ce qu'il a déjà beaucoup de mal à accomplir (transformer les animaux en humain). Tout cela rajoute néanmoins une richesse narrative qui ajoute de la valeur à l'adaptation cinématographique ; en effet, Wells, privilégiant les questionnements éthiques de son narrateur, choisit de ne pas développer la dimension action, composante maîtresse dans la conception d'un film, a fortiori fantastique.

    Le dernière différence notable n'est pas un ajout mais une coupe nette à la fin du film ; alors que Wells décrit le retour de son héros à la vie civilisée, et en profite pour achever son discours pessimiste sur le dévoiement sociétal, Don Taylor préfère clôturer son récit sur la fuite de Braddock, son canot embrassant les flots dorés du Pacifique (dans le roman, la construction d'un radeau de fortune occupe une place prépondérante). Le film se pare ainsi d'une tonalité bien plus solaire, même si l'on est loin d'un véritable happy-end.

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    Le passage en revue de ses différences semble donner des points au film, qui pourtant est loin d'être une réussite. La mise en scène est bancale, montrant rapidement et en pleine lumière des maquillages signés John Chambers qui auraient gagnés à être montrés moins ostensiblement. Don Taylor préfère laisser la beauté des Caraïbes inonder l'écran de ses forêts luxuriantes et de sa mer bleu azur, qui contraste fortement avec les abominations commises par Moreau. Cette nature majestueuse, cernant les personnages aux quatre coins du cadre, constitue par elle-même un positionnement antagoniste par rapport à ses expériences ; Moreau ne crée que des monstres.

    Lancaster est sur sa fin de carrière (cohérent avec le personnage qu'il interprète), Michael York balade sa silhouette dégingandée sans trop y croire ; John Chambers confiera plus tard que le soleil des Caraïbes aura eu raison de toute l'application nécessaire à fournir un film correct. C'est dommage, mais on est bien d'accord avec lui.


    Disponibilité vidéo : DVD zone 2 - éditeur Wild Side Video