Un film de Alejandro González Iñárritu
Du réalisateur mexicain, je garde des impressions frappantes de 21 grammes (2003), Amours chiennes (2000) et Babel (2006), tourbillons émotionnels empreints d'une rare violence psychologique. Comme ce fut le cas avant la vision d'autres films, la réputation extrêmement flatteuse de Birdman me transportait dans un climat de confiance totale : ce devait être un grand film. Découvert au lendemain de son sacre aux Oscar, j'en garde effectivement une impression très vivace : l'ennui.
Le fond n'est pas bien nouveau, ni carrément excitant : les affres de la célébrité perdue, la névrose et la guerre des égos d'acteurs détestables... Why not. Cassavetes ne faisant pas autre chose dans les années 70, et je ne trouvais déjà pas ça passionnant, mais passons. Non, le véritable problème du film est de tout céder à la performance, se posant dès le cahier des charges comme un film à récompenses, ce qui n'a pas loupé. Performance des acteurs, tous vociférant, avec à la clé une lecture méta sur la carrière de son acteur principal, so smart (Keaton est Riggan, et alors ? Le réalisateur se permet même une référence éculée au magnifique Boulevard du crépuscule de Wilder, qui s'il partait du même principe, embrassait une histoire bien plus originale en se fondant avec les codes du film noir) ; performance de la caméra, personnage à part entière qui déambule dans un plan-séquence souvent gratuit. Le seul intérêt structurel de Birdman est d'éclater la linéarité du récit malgré la continuité du plan-séquence : on passe donc de la nuit à l'après-midi en un claquement de doigts, en s'en apercevant à peine. Iñárritu retranscrit dès lors une impression d'expérience théâtrale, dans un pur objet de cinéma, accordons-lui cela, mais ce sera tout.
L'intérêt du personnage du super-héros, juste là pour appuyer le paradoxe entre les blockbusters décérébrés et le cinéma d'auteur exigeant ? Aucun. L'intérêt que Riggan ait réellement des super-pouvoirs ? Aucun. Dans le style Show Business is a bitch, j'ai même préféré l'essai de Cronenberg, Maps to the stars, et ce malgré qu'il fasse partie des pires séances cinéma de 2014, c'est pour dire. Le problème de Birdman, c'est tout y paraît extrêmement calculé. La sincérité, dans tout cela ? Autant regarder à nouveau 21 grammes, Amours chiennes ou Babel, je vous le dis.
Octobre 1962. Le troisième numéro de la première revue traitant le genre fantastique avec le sérieux qui lui est d'habitude refusé à l'époque, est anthologique à bien des égards ; d'abord, par son nombre de pages et d'illustrations. 130 pages parsemées d'une quantité astronomique de visuels, tous reliés de près ou de loin à la thématique de ce numéro : King Kong, le film d'aventure séminal de Schoedsack et Cooper. Des photos des trucages de Willis O'Brien, qui avait été très peu diffusé à l'époque de la sortie du film, des planches de visuels promotionnels à destination des cinémas ("Comment faire votre publicité pour King Kong", "hallucinantes statistiques", King Kong porte-bonheur", "un record"...). On est pas loin de penser que tout ce qui avait pu faire surface, en terme de photographies, gravures, dessins, à propos du film, est utilisé dans cette livraison. Les "rencontres" chères à la revue, qui mettent en regard deux oeuvres différentes pour en établir les similitudes, sont très pertinentes ici, notamment dans les ressemblances flagrantes entre le récit de King Kong et celui de Jonathan Swift pour Les voyages de Gulliver. La comparaison entre les dessins de production de Willis O'Brien et les prises effectivement filmées est étonnante, l'une reproduisant l'autre à l'identique.

