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états-unis - Page 7

  • Birdman (2015)

    Un film de Alejandro González Iñárritu

    poster212x312.jpegDu réalisateur mexicain, je garde des impressions frappantes de 21 grammes (2003), Amours chiennes (2000) et Babel (2006), tourbillons émotionnels empreints d'une rare violence psychologique. Comme ce fut le cas avant la vision d'autres films, la réputation extrêmement flatteuse de Birdman me transportait dans un climat de confiance totale : ce devait être un grand film. Découvert au lendemain de son sacre aux Oscar, j'en garde effectivement une impression très vivace : l'ennui.

    Le fond n'est pas bien nouveau, ni carrément excitant : les affres de la célébrité perdue, la névrose et la guerre des égos d'acteurs détestables... Why not. Cassavetes ne faisant pas autre chose dans les années 70, et je ne trouvais déjà pas ça passionnant, mais passons. Non, le véritable problème du film est de tout céder à la performance, se posant dès le cahier des charges comme un film à récompenses, ce qui n'a pas loupé. Performance des acteurs, tous vociférant, avec à la clé une lecture méta sur la carrière de son acteur principal, so smart (Keaton est Riggan, et alors ? Le réalisateur se permet même une référence éculée au magnifique Boulevard du crépuscule de Wilder, qui s'il partait du même principe, embrassait une histoire bien plus originale en se fondant avec les codes du film noir) ; performance de la caméra, personnage à part entière qui déambule dans un plan-séquence souvent gratuit. Le seul intérêt structurel de Birdman est d'éclater la linéarité du récit malgré la continuité du plan-séquence : on passe donc de la nuit à l'après-midi en un claquement de doigts, en s'en apercevant à peine. Iñárritu retranscrit dès lors une impression d'expérience théâtrale, dans un pur objet de cinéma, accordons-lui cela, mais ce sera tout.

    L'intérêt du personnage du super-héros, juste là pour appuyer le paradoxe entre les blockbusters décérébrés et le cinéma d'auteur exigeant ? Aucun. L'intérêt que Riggan ait réellement des super-pouvoirs ? Aucun. Dans le style Show Business is a bitch, j'ai même préféré l'essai de Cronenberg, Maps to the stars, et ce malgré qu'il fasse partie des pires séances cinéma de 2014, c'est pour dire. Le problème de Birdman, c'est tout y paraît extrêmement calculé. La sincérité, dans tout cela ? Autant regarder à nouveau 21 grammes, Amours chiennes ou Babel, je vous le dis.

  • Flashback Presse Cinéma : Midi-Minuit Fantastique n°3

    16637496345_a4debe9488_m.jpgOctobre 1962. Le troisième numéro de la première revue traitant le genre fantastique avec le sérieux qui lui est d'habitude refusé à l'époque, est anthologique à bien des égards ; d'abord, par son nombre de pages et d'illustrations. 130 pages parsemées d'une quantité astronomique de visuels, tous reliés de près ou de loin à la thématique de ce numéro : King Kong, le film d'aventure séminal de Schoedsack et Cooper. Des photos des trucages de Willis O'Brien, qui avait été très peu diffusé à l'époque de la sortie du film, des planches de visuels promotionnels à destination des cinémas ("Comment faire votre publicité pour King Kong", "hallucinantes statistiques", King Kong porte-bonheur", "un record"...). On est pas loin de penser que tout ce qui avait pu faire surface, en terme de photographies, gravures, dessins, à propos du film, est utilisé dans cette livraison. Les "rencontres" chères à la revue, qui mettent en regard deux oeuvres différentes pour en établir les similitudes, sont très pertinentes ici, notamment dans les ressemblances flagrantes entre le récit de King Kong et celui de Jonathan Swift pour Les voyages de Gulliver. La comparaison entre les dessins de production de Willis O'Brien et les prises effectivement filmées est étonnante, l'une reproduisant l'autre à l'identique.

    L'équipe de la revue, dépassant le visuel, se permet de rétablir la vérité sur certaines explications de trucages erronées, visant notamment l'ancestral journal L'Illustration, démontrant par A+B l'absurdité des thèses avancées. Films préhistoriques, comics (Mandrake, Wonder Woman), critiques de films du moment font le reste de la revue, au contenu gargantuesque. On se plaît à lire la critique du très sympathique Moulin de Supplices (Giorgio Ferroni, 1960), et on rêve de découvrir L'antilope d'or, film d'animation russe réalisé en 1954 par Lev Amanatov. Feuilleter le numéro est, comme pour les autres, cette porte ouverte vers un passé ouvertement lointain et pourtant d'une modernité sans pareille, la qualité des écrits et le rêve éveillé permis par les images ne trouvant aucune comparaison aujourd'hui. Ceux qui ont permis la redécouverte de ces trésors de l'histoire du cinéma se fendent même d'un complément inédit avec la partie intitulée L'entracte du Midi-Minuit, composé d'un portfolio de la généreuse Marie Devereux et d'un entretien avec Fellini : extraordinaire, on vous dit !

  • L'inspecteur Harry (1971)

    Un film de Don Siegel

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    Clint Eastwood et son mentor Siegel inventent ici un personnage emblématique d'une certaine Amérique ; c'est une période de changement (droits civiques, émancipation, contre-culture), de violence et de rage, où l'inspecteur Harry Calahan ne se retrouve plus, lui qui semble issu de l'ancien monde : un pistolero égaré entre la bureaucratie, les moeurs libérées et les serial-killers.

    Tous ces décalages explosent lorsque Harry décide de prendre en main un braquage de banque situé en face de son fast-food préféré. Il en sort flingue à la main (le fameux Colt .44 Magnum, "le plus puissant soufflant qu'il y ait au monde"), au beau milieu d'un paysage de fin du monde : bagnoles couchées sur le côté, bouche à incendie éventrée, alarme qui ne cesse de retentir... C'est un solitaire, un asocial qui se trimballe toutes les sales affaires (origine probable parmi d'autre du surnom Dirty Harry), qui découvre que son supérieur, pensant le cadrer après quelques abus passés, lui adjoint un nouveau co-équipier, qui va en voir de toutes les couleurs.

    Avec Harry, la justice est rétablie par l'auto-défense, qui envoie bouler tous les règlements devant la cruauté et la violence des criminels. Les méthodes musclées de l'inspecteur le rapproche dangereusement des criminels qu'il poursuit, comme on pourra le voir plus tard dans un autre film, La corde raide (Richard Tuggle, 1984) ; elles posent également la question du statut mental et psychologique du policier, ce héros qui protège la population des criminels. Ici, Harry est un homme avec ses bons et ses mauvais côtés ; il pourrait être parfaitement antipathique s'il n'avait pas les meilleures lignes de dialogues du cinéma américain des années 70 : la première demi-heure du film est remplie d'un humour très noir et de répliques plus cinglantes les unes que les autres. Son look casual le différencie également des autres flics avec lesquels il partage le même badge : chemise, veste de costard et coiffure un peu longue, Harry se fait rembarrer pour motifs esthétiques à tout bout de champ. Mais Harry n'est pas tant un anti-système qu'un gars aux manières d'une autre époque, moins tolérante, moins ouverte, plus dure. Cette dureté vient d'ailleurs principalement du scénariste original du film, John Milius (plus tard réalisateur de Conan le barbare ou scénariste de la série Rome).

    Le film réussit le grand écart de présenter Harry comme le mal nécessaire, puis en héros bien malgré lui. Il suffit de voir la séquence de sauvetage d'une tentative de suicide pour vérifier qu'il préféreraittuer tout de suite les criminels plutôt que de passer par les rouages sans fin de l'appareil judiciaire. C'est toute la signification d'une réplique qui fera date dans Le retour de l'inspecteur Harry (Clint Eastwood, 1983) : Go Ahead, make my day ! (vas-y, fais-moi plaisir). Un enragé au pays des assassins, le serial-killer Scorpio étant calqué sur le Zodiaque, le tueur qui terrorisait la côte est des Etats-Unis depuis la fin des années 60. Pour tout cela, L'inspecteur Harry reste aujourd'hui un monument de rage et de désespoir typique de la déliquescence des années 70.

    Lecture conseillée : Tolérance zéro, la justice expéditive au cinéma / Fathi Beddiar - éditeur : Bazaar &Co

    Disponibilité vidéo : Blu-ray/DVD - éditeur : Warner Home Video

  • L'homme qui tua Liberty Valance (1962)

    Un film de John Ford

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    John Ford, réalisateur pionnier du western, réalise L'homme qui tua Liberty Valance en forme d'hommage au genre. Le peintre des grands espaces se restreint ici volontairement à un western d'intérieur, dans la plus grande partie du métrage ; Liberty Valance n'en est pas moins le poignant chant du cygne du western hollywoodien classique. 

    Pour signifier la mort du western, ou la mise en image du dernier des vrais westerns, le film commence par sa fin, avec pour rôle principal un cercueil ; son développement ultérieur est tourné vers le passé dans un gigantesque flash-back. Ransom Stoddard (James Stewart), homme politique respecté, raconte une partie déterminante de sa vie alors qu'il se rend aux funérailles d'un mystérieux individu dont, semble-t-il, plus personne ne se souvient.

    Le personnage de Stoddard, lettré et porteur des nouvelles valeurs du droit, est opposé à Tom Doniphon (John Wayne), qui représente l'homme de l'ouest dans toute sa splendeur : l'homme d'action dont l'intelligence plus brute sied bien à un monde qui est en train de s'éteindre, celui où sévit la loi du plus fort. Sur ce équilibre des choses sur le point d'être bouleversé, un homme répand la terreur et incarne le mal absolu : Liberty Valance (Lee Marvin, loup affamé de violence). James Stewart et John Wayne incarnent finalement les deux faces d'une même pièce, l'idéal américain d'une époque et de la suivante. Le passage de témoin est symbolisé par le personnage de Vera Miles (Alice), amoureuse de Tom Doniphon avant de se laisser peu à peu convaincre par la valeur de James Stewart ; il est intéressant de noter que les deux points marquants qui font pencher la balance en sa faveur sont le fait qu'il puisse apprendre à lire à la dame (versant intellectuel), et, deuxième point, sa victoire lors d'un duel pourtant perdu d'avance (versant bravoure). Le film, abandonnant beaucoup de figures imposées du western, devient entièrement symbolique et métaphorique.

    Film-testament du réalisateur, le film insiste finalement plus sur l'opposition de tempérament entre les deux personnages positifs, et par là sur deux visions de l'Amérique. La mélancolie qui transpire nous dit beaucoup sur l'attachement du réalisateur à cette époque révolue où régnait, certes, la loi de l'ouest, mais également des personnes honnêtes et travailleuses, bien que moins "éduquée". Pour tout cela, le film est admirable, et sa ressortie restaurée il y a une paire d'année est un excellent moyen de découvrir ou redécouvrir ce chef-d’œuvre.

    Disponibilité vidéo : Blu-ray/DVD - éditeur Paramount

  • The Blues Brothers (1980)

    Un film de John Landis

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    Après avoir rôdé les personnages de Jake et Elwood Blues dans le Saturday Night Live à partir de 1976, Dan Aykroyd, John Belushi et le reste du groupe arrivent au cinéma, sous la houlette de John Landis. A l'époque, le but des deux acteurs est de faire revivre les grandes heures du blues et de la soul, alors oubliées au profit des genres émergents, la disco et la new-wave entres autres. Dans le défilé incessant de guest-stars que constitue le film, il faut savoir qu'aucune des guest-stars qui peuplent le film, aussi prestigieuses soient-elles, n'avaient de contrat musical : Aretha Franklin, Ray Charles, John Lee Hooker ou encore Cab Calloway ne travaillaient plus ! l'exception notable étant James Brown, à l'apparition remarquée dans le rôle d'un pasteur.

    Co-écrit par Dan Aykroyd et John Landis, le film est une suite de scénettes mettant en scène les deux bad boys dans des aventures loufoques dignes d'un cartoon. La Bluesmobile est indestructible et fait des sauts périlleux, les deux frères se sortent de toutes les crasses imaginables (y compris des attaques au bazooka de Carrie Fischer), et l'histoire tient en ces quelques mots : afin de sauvegarder l'église qui les a reccueillis enfants, Jake et Elwood remontent le groupe des Blues Brothers afin de faire des concerts et rapporter l'argent nécessaire.

    La présence et l'énergie du groupe est toujours palpable aujourd'hui, l'allure de Men in Black avant l'heure restant un look terriblement moderne ; même si les morceaux musicaux constituent la part la plus importante du film, ce dernier ne fut pas considéré comme un véritable film musical : certaines morceaux (Peter Gunn Theme par exemple) rythmant l'action en background music. Le duo emblématique sur séduire les foules, dans ce retour aux sources bienvenue.

    Le film n'est pas une totale réussite artistique pour autant : beaucoup trop long (2h13 au compteur), il a bien 45 minutes de trop, le rythme se perdant des des courses poursuites et autres carambolages interminables (certes chorégraphiés, m'enfin tout de même !) ; la destruction totalement gratuite d'une galerie commerciale, concept auquel tenait beaucoup Dan Aykroyd, met le film au point mort, les rares enjeux s'évaporant aussitôt. Que dire aussi du premier "contrat" du groupe, qu'ils volent à une autre bande : aucune mention ni explication qui font que le groupe volé arrive bien en retard, ce qui permet aux Blues Brothers de partir presque tranquilles. Le métrage se perd ainsi rapidement, rappelant l'ambiance foutraque d''un Hamburger Film Sandwich, celui-là justifié par le côté parodique et potache de l'entreprise.

    La musique, constituée de standrad et de quelques créations, reste impeccable, et les quelques passages chorégraphiés sont excellents (Shake a Tail Feather par Ray Charles et Everybody Need Somebody To Love). Ce qui en reste aujourd'hui ? Toujours cette folle énergie, de la dynamite, je vous dis !

    Disponibilité vidéo : DVD / Blu-ray - éditeur : Universal Pictures