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états-unis - Page 26

  • Shame (2011)

    Un film de Steve McQueen

    6536832597_29fca85d97_m.jpgConfirmant tout le bien que l'on pense de l'acteur Michael Fassbender, Shame consacre encore un peu plus son charisme en titane. Il retrouve ici le cinéaste de sa "naissance au grand jour" avec Hunger (2008), et par là même un rôle torturé auquel il donne une consistance unique, comme à sa fantastique habitude. Il est de tous les plans ; et, l'on peut dire que si le rôle avait échu à quelqu'un d'autre, le film en aurait clairement pâti.

    Le réalisateur britannique livre avec Shame une oeuvre atmosphérique : ce sont les images et la musique qui racontent, plus que les dialogues, rares. Ces images, celles d'un New-York clinique, classe et nocturne, défilent harmonieusement, se répétant parfois, pour intimer au spectateur la solitude de Brandon (Michael Fassbender) et l'infinie répétition qui semble constituer sa vie. Boulot (cadre dans une société de cols blancs), sexe (avec prostituées ou en "solo"), essais avortés ou ratés de lien social plus profond avec les femmes... L'anomalie de ce système bien rôdé vient avec l'apparition de Sissy (Carey Mulligan), la soeur de Brandon. Sans le sou, avec une vie beaucoup moins bien réglée que celle de son frère, elle met le bazar dans l'appartement et dans la tête de Brandon. Voilà peu ou prou ce qui se passe dans ce film, qui gagne énormément à ne pas verbaliser son contenu, qui s'il peut paraît polémique (un sex-addict trompe mal sa solitude dans une ville où chacun erre, anonyme), repose sur des ressorts assez classiques. 

    Impudique et beau gars, Brandon vit pour le sexe. Violence extériorisée. Jouissance de l'immédiateté qui remplace un avenir sans but. Pour autant, Steve McQueen ne charge pas trop son personnage. Les scènes de sexe sont sensuelles, pas glauques. Lors d'une scène de nuit, Brandon, à l'extérieur, observe des couples faire l'amour, dans les mêmes tours transparentes que lui, tout aussi impudiques qu'il peut l'être. Le spectateur est avec lui, extérieur au cours de la vie du reste du monde, déconnecté. C'est sur ce feeling, cette sensation, que le film fonctionne. Comme une balade lounge nocturne qui rappelle le Collateral (2004) de Michael Mann.

    Le tempo lent du film pourra en surprendre certains. Si Shame ne dure sur le papier qu'une heure quarante, son temps subjectif est bien plus long, à l'image d'un autre grand film atmosphérique, In the mood for love (Wong Kar-Wai, 2000). A ce titre, l'interprétation langoureuse de New-York, New-York par Sissy est révélateur, étirant le temps et les mots à l'infini. Les nappes synthétiques du compositeur Harry Escott dessinent aussi les contours mouvants, la vie qui glisse, lentement, d'un instant à l'autre, sans autre conséquence que le passage du temps. 

    Pour se laisser emporter, Shame, outre son thème rare, est un invitation sans pareille. Une déambulation hantée, symphonie des corps, le contenant révélant le contenu. Une oeuvre d'esthète, à l'évidence.

  • Les oiseaux (1963)

    Cliquez sur l'image pour accéder à la chronique :

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  • Network - main basse sur la télévision (1976)

    Un film de Sidney Lumet

    6446020035_251ce217a2_m.jpg"Qu'est-ce que la télévision ?" semble être la question à laquelle veut répondre le réalisateur Sidney Lumet, d'une façon à la fois subversive et théâtralisée. Le titre original, par son sobre nom commun ("Network", le réseau), donne au monde de la télévision des allures de corporation opaque, secrète et toute-puissante. En cela, le film s'insère parfaitement dans une série d’œuvres magistrales tournées dans les années 70, exploitant les thématiques du complot, de la défiance envers les autorités légitimes, et enfin de la manipulation du public. Dans le même temps, il décrit aussi une société qui se délite, se transforme, sous l'effet conjugué d'un état de crise et des nouvelles opportunités qui se dessinent. Voyons s'il réussit sa démonstration aussi bien que Les hommes du président (Alan J. Pakula, 1976), Conversation secrète (Francis Ford Coppola, 1974), ou encore Les trois jours du condor (Sydney Pollack, 1975).

    Howard Beale (Peter Finch, extatique), présentateur télé de son état, transforme un soir son journal en pamphlet révolté, foutraque et vengeur contre la société du mensonge et de la manipulation qui s'est bâti aux États-Unis, notamment par le biais de son médium, la télévision. Sa diatribe est perçue comme un pétage de plomb manifeste par la direction, qui le renvoie. Mais contre toute attente, l'audience de la chaîne grimpe lors de ses apparitions. Cet homme, qui dit tout haut ce que la population silencieuse mais affectée pense tout bas, est sur le fil. Sa chronique plaît à la chaîne non pas pour son contenu, mais pour les chiffres qu'elle engendre. "Bienheureux les ignorants..." Lui n'est pas dupe, et ça le tue. Alors, il met en scène chaque soir un show aux accents éminemment religieux (la séquence où il exhorte les gens de lever de leur fauteuil et de crier à la fenêtre "J'en ai ma claque de tout ça !" fait passer une énergie religieuse, quasi-mystique, par l’intermédiaire du poste cathodique : intéressant) théâtralisé au possible, pour donner à voir la télévision comme un spectacle manifeste, non comme une réalité possible sur laquelle les spectateurs calquerait leurs fantasmes. On y aperçoit l’envers du décor, ses déplacements ne se limitant pas aux bordures du plateau. Les cadrages montrent les opérateurs,  les caméras, les câbles... Tout un monde pour créer l'illusion. Ses vociférations discontinues font écho au flux tout aussi ininterrompu qui s'échappe de Diana Christensen (Faye Dunaway, décidément une muse pour ce type de films dans les années 70), productrice prédatrice à l’affût du nouveau programme qui fera grimper son audimat.

    Vivant pour son travail, elle aime que tout aille vite et progresse encore plus vite. Prenant comme amant Max Shumacher (William Holden), responsable de département du Network, elle parvient à récupérer un concept d'émission unique : des films de braquages ou d'actes criminels tournés par les malfaiteurs eux-mêmes. La réalité rejoint la fiction, dans un élan de suspense et de crime : jackpot ! On retrouvera plus tard une situation similaire avec le Max Renn de l'immense Videodrome (David Cronenberg, 1983) : la quête d'une nouvelle sorte de télé-réalité, inspirée des reportages live sur la guerre du Viêt-Nam et des meurtres télévisés de Lee Harvey Oswald, de Robert Kennedy, et bien sûr du choc fondateur, le film d'Abraham Zapruder montrant l'assassinat du président JFK. 

    Les thèmes sont là, puissants ; la critique de la télévision, objet du mal vendu aux ultra-libéraux de tous poil, est acerbe. En ce 21ème siècle, les téléspectateurs en sont tout à fait informés, et l'on peut dire que les dialogues ultra-référentiels (la plupart sont en effet construits sur des métaphores autour de la télévision : la vie ne serait qu'une pâle copie d'un programme télé très calibré) nous paraissent ampoulés. On a compris le message ! Le film veut montrer un monde fabriqué et régit par la soif de pouvoir (ici, l'audimat). Soit. Mais il devient du même coup, lui aussi, un spectacle théâtral et excessif, un peu épuisant à la longue. Des séquences surnagent et l'on ne s'ennuie pas, cependant : le tête-à-tête entre Beale et le directeur de la chaîne qui l'oblige à transformer son discours pour dire désormais le contraire sonne comme un rêve : les décors sont réduits à une rampe de lumière, donnant la part belle à un clair-obscur très scénographié. La ferveur quasi-religieuse, la encore, donne l'impression que le présentateur dépressif se paye un tour en enfer !

    À l'époque, Network a du détonner, avançant avec sa thèse cheville au corps. Aujourd'hui, ce sont surtout ses défauts que l'on remarque, au milieu certes de performances ahurissantes (Faye Dunaway, Peter Finch et Beatrice Straight, qui incarne la femme de William Holden, repartant chacun avec un oscar sous le bras). Le thème est évidemment toujours autant d'actualité, mais la forme est usée.

  • La malédiction de la panthère rose (1978)

    Un film de Blake Edwards

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    Bien des années ont passé depuis La Panthère Rose inaugurale et son deuxième opus paradoxalement fondateur, Quand l'inspecteur s'emmêle (A shot in the dark, Blake Edwards, 1964). Menant topujours la bataille du gag burlesque qui n'en finit pas, le tandem Edwards / Sellers aura passé presque deux décennies à imaginer de nouvelles cascades humoristiques, tours de passe-passe comiques, à l'inusable et impassible inspecteur Clouseau. Revenge of the Pink Panther (titre original du film) constitue le sixième épisode de la saga -en comptant l'Infaillible inspecteur Clouseau, réalisé par Bud Yorkin en 1968 avec Alan Arkin dans le rôle-titre, et l'on arrive ici au point de rupture d'un concept basé avant tout sur le comique de répétition. 

    Point de rupture d'abord, par l'effet d'éternel recommencement dont nous gratifie Blake Edwards, avec des scènes répétées de film en film : la convalescence de ce pauvre inspecteur Dreyfus tyrannisé par la maladresse -presque géniale- de Clouseau, les attaques répétées de Kato, les inévitables chutes aquatiques ou encore les déguisements improbables de Clouseau -mention spéciale au marin affublé d'une perruque rousse type balai-brosse et d'un perroquet gonflable ! Il ira même, le temps d'une courte séquence, jusqu'à prendre l'identité de Dreyfus... le déguisement ultime, en quelque sorte !

    Point de rupture ensuite, car le film s'engage enfin dans un style purement 70's, délaissant les cadrages posés et débordant de vie, colorés, des 60's. S'en dégage alors un feeling bien moins festif, la fantaisie devenant un n'importe quoi généralisé (avec dans le lot un passage avec uin travesti un peu glauque).

    Passé un générique animé, excellent comme à l'habitude, les gags s'enchaînent moins systématiquement, faute à la trop grande place laissée à une intrigue mafieuse à l'intérêt très discutable. Un des parrain de la French Connection, Philippe Douvier, doit montrer aux autres clans qu'il est toujours le maître à bord : il promet de (faire) tuer Clouseau, l'homme à la stature internationale qui leur à donner tant de fil à retordre ces dernières années. Exploit qu'il croira accompli, une cérémonie ô combien poignante à la clé (discours funèbre d'un colonel Dreyfus limite extatique inclus). Son tueur fou sera néanmoins maîtrisé très facilement par Clouseau, croyant à une attaque surprise de son majordome.

    La seule originalité valable de cet épisode fatigué est la transformation de la "résidence Clouseau" en maison des plaisirs par Kato. D'un coup d'un seul, on rentre dans un film d'exploitation asiatique, les costumes mordorés et les tentures rouges envahissent le cadre, d'accortes demoiselles se pressant autour d'un Clouseau perdu. 

    La girl du jour n'est pas des plus intéressante (Dyan Cannon, habituée des séries TV), sa voix haut-perchée et son débit-mitraillette en faisant un personnage énervant, presque antipathique. Le délire va peut-être loin, finissant dans une apothéose  colorée, un entrepôt de feux d'artifices faisant office de dernier arrêt avant le tour de cirque. Malgré la teneur objectivement correcte de gags sensés provoquer le rire, c'est un air assez languissant et triste que nous joue cette Malédiction... Dernier épisode avant la mort de Peter Sellers, il aurait été pluis que temps de tirer le rideau sur cette idée d'abord géniale de Blake Edwards. Il y en aura pourtant quelques autres, dont le reboot des années 2000 n'est pas le pire représentant (cette place étant tenue sans conteste par A la recherche de la panthère rose, Blake Edwards, 1982). 

  • Star Wars : The Clone Wars (2008)

    Un film de Dave Filoni

    images?q=tbn:ANd9GcTF52IDUqGqRMESyFQTt8J6GWaEYmWlsjigbS9-S664nwUoDZTPXjZyJaMOAprès avoir revu il y a peu la prélogie Star Wars, je me suis intéressé à la série d'animation proposée par George Lucas, décidément très occupé à faire fructifier son coup de génie de 1977 (la ressortie prochaine de l'Episode I en 3D allant dans le même sens). Force est de constater qu'au début, ce n'est pas si simple.

    Pour illustrer la guerre des clones, qui se déroule principalement entre les épisode II (L'attaque des Clones) et III (La revanche des Sith), Lucas offre en 2003 au réalisateur Genndy Tartakovsky (Samurai Jack) la possibilité de donner vie à ces affrontements pour une série en 2D de trois saisons au format très court (un épisode dure trois minutes !). Son nom : Clone Wars. Le style graphique est particulier, on devine un budget a minima, mais la mise en scène est dynamique et donne dans le Star Wars pur jus pour les fans en attente de l'Episode III. Ils y découvrent pour la première fois à l'écran le général Grievous, figure maléfique de La revanche des Sith, ou Ventress, apprentie du comte Dooku, qui donne à Anakin sa cicatrice au visage. La série s'arrête à l'exact moment où commence l'Episode III, quand Obi-Wan et Anakin Skywalker viennent secourir Palpatine, prisonnier du comte Dooku (Christopher Lee).

    Plusieurs années plus tard, Lucas, pas si fier de la série de Tartakovsky (peut-être estime-t-il ne pas y avoir laissé suffisamment sa griffe), relance la machine pour une nouvelle série, Star Wars : The Clone Wars (notez la légère différence d'appellation), au but similaire. Le scénario est par contre entièrement inédit, et l'aspect viseul sera assez différent, proposant un rendu 3D en images de synthèse. Lucas  encadre totalement le projet avec Lucasfilms, crédité comme créateur et producteur. Et, pour lancer en fanfare cette nouvelle franchise estampillée Star Wars, les premiers épisodes s'offrent une sortie cinéma à l'été 2008, sous la forme d'un film de 1h40.

    Alors que la guerre des clones fait rage, Anakin Skywalker se voit assigner une apprentie en la jeune personne de Ahsoka Tano. D'abord encombré par sa novice, il va apprendre à l'accepter. Devant cet arrière-plan psychologique, le film nous emmène sur les terres désolées et familières de Tatooine, et plus précisément dans le palais de Jabba le Hutt. Bien embêtée, la grosse larve verte a perdu... son bébé ! qui l'a kidnappé ? En mission diplomatique, Anakin et Obi-Wan vont s'évertuer à démêler les fils d'une affaire moins claire qu'il n'y paraît...

    Deux choses sont évidentes à la lecture de ce résumé : 1/ l'intrigue est absolument ridicule et 2/ on comprend pourquoi Lucas a voulu tenter une sortie cinéma pour ces épisodes pilotes. En effet, ils sont centrés sur des éléments très familiers du fan de Star Wars, et même de tous ceux qui ont déjà vu un épisode de la saga. Tatooine, ses étendues désertiques et ses deux soleils, l'immonde Jabba, C-3PO et R2-D2 sont des repères que le spectateur a plaisir à retrouver. Ils constituent néanmoins des éléments relativement inédits du fait de leur traitement graphique (une 3D rudimentaire pour les personnages aux têtes cartoony malheureusement peu expressives) et de leur traitement narratif : on en apprend plus sur l'antre de Jabba - un ancien monastère piraté -, les stratégies militaires et les négociations politiques sont au centre des enjeux.

    Devant une tenue visuelle toute relative (les personnages sont sommairement animés, seuls les décors et le design sonore, en grande partie hérités de la saga, sont valables sur grand écran, on serait tenté de dire que ces épisodes auraient du rester l'apanage de la télévision où ils seraient passés sans trop de problèmes. La relative vacuité de l'intrigue, en plus de son non-sens (un bandit comme Jabba aidé par deux des meilleurs Jedis de la République ? Pour retrouver son bébé ? Hmm...) fout tout par terre. Dès lors, même si les séquences d'action sont réussies, le "film" ne peut pas emporter la pleine adhésion de son public. Ce qui est bien dommage, tant les épisodes suivants de la première saison sont bien mieux lotis en terme de scénario. Le visuel, lui, reste du même acabit ; il a ses détracteurs, je trouve personnellement que l'esprit Star Wars est bien présent ici. Voir briller un sabre laser, un vaisseau silloner l'espace vers des planètes multiples et variées, entendre la déclamation caractéristique de Yoda ou C-3PO, dans le cadre d'une série télé où la trame narrative s'étend sur plusieurs épisodes, ça me va tout à fait. Le "film", beaucoup moins. Mais ne vous y trompez pas : il s'agit là du pilote de la série... qui n'est pas présent dans le coffret de la saison 1 !