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royaume-uni - Page 11

  • Permis de tuer (1989)

    Un film de John Glen

    3208608791_b15dcd0962_m.jpgPermis de tuer, réalisé par John Glen, alias le réalisateur attitré de la franchise dans les années 80 et grand spécialiste des scènes d’action, nous ferait-il, une fois encore, voyager dans ce monde étrange, peuplé de "je-veux-devenir-le-maître-du-monde" en puissance, d’armes chimiques, d’explosions multiples, de cascades irréalistes et surtout, de belles demoiselles ? Pas tout à fait, ou pas seulement. Cet opus de l’éternelle saga d’espionnage, tout en dérogeant à quelques-unes de ces règles, tient bien la route encore aujourd’hui, alors que d’autres épisodes plus récents ont terriblement mal vieilli (je pense aux Pierce Brosnan, sans exception).

     

    Pour situer mon approche par rapport à notre cher agent secret, il faut savoir que de tous, je ne peux plus regarder ce qui constitue la pantalonnade Mooresque, qui fait de Bond un dandy maniéré sortant des vannes très moyennes toutes les deux secondes. Dans cette optique, la personnalité que Timothy Dalton insuffle au personnage, toute en rudesse mais également emplie de fragilités, hisse sa performance au sommet de mon Bondomètre personnel. Dalton, félin, pousse l’humain sur le devant de la scène. Ses relations personnelles fondent son code de conduite. De plus, il apporte de belles nuances grâce à un jeu toujours impeccable, alternant retenue et éclats de violence. En totale rupture avec Moore, il dit adieu à l’humour, et bonjour à l’aventure la plus violente de l’histoire de la franchise avec Permis de tuer. Le film a d'ailleurs souffert de nombre d’interdictions que n’avaient jamais eu à déplorer les films précédents. De nombreux moments gore sont au rendez-vous, mais ce n’est pas tout : la scène durant laquelle Bond essaye de savoir si Pam Bouvier est de mèche avec l’ennemi, témoigne d’une violence verbale et psychologique impressionnante. Le personnage y gagne grandement en crédibilité, en proximité De même, l’objectif de la mission de Permis de tuer n’est pas, contrairement à la tradition, commanditée par le MI6, mais constitue bel et bien une vendetta personnelle durant laquelle Bond n’est plus Bond ; son statut d’agent secret et son fameux permis de tuer lui sont retirés. Cette dimension nouvelle offre un modèle plus subversif de Bond, plus tête brûlée, qui sera évidemment mis à profit dans le dyptique Casino Royale/Quantum of Solace et par le tenant du titre actuel, Daniel Craig.

    Le positionnement des James Bond girls, Pam Bouvier (Carey Lowell) et Lupe Lamora (Talisa Soto), est aussi bienvenu, s’engageant dans une dynamique de jalousie, formant avec Bond un ménage à  trois lors de certaines scènes détonantes autant qu’inhabituelles. De plus, le film laisse vraiment réellement à Bond le soin de choisir sa préférence, plutôt qu’une solution de facilité très souvent exploitée au cinéma (soit l’une des deux meure, a un autre amant, ou est la vraie méchante de l’histoire, bref).

    Le film étonne également par la place beaucoup plus grande qu’à l’accoutumée accordée à Q, assistant 007 sur le terrain. Il en ressort une certaine comédie, ce qui a toujours été le rôle privilégié de Q par delà les épisodes. La scène tordante dans laquelle il est déguisé en jardinier avec une grosse moustache et un balai rappellerait presque la folie de Clouseau pour les déguisements dans la Panthère rose ; las, la scène ne dure pas.

    La saga sait se renouveler, et ses choix sont payants sur ce film qui, 20 ans après, fonctionne toujours. Le rythme est enlevé, malgré une durée conséquente (2h07) ; les péripéties, nombreuses, auront néanmoins tendance à perdre le spectateur ; comment Bond, par exemple, arrive jusqu’à l’usine-couverture de Sanchez et pourquoi ce dernier, sachant que l’agent secret n’est pas où il devrait être, ne s’en méfie pas plus ? On dira que si Permis de tuer gagne à tout focaliser sur le Bond nouvelle formule -éprouvé avec succès sur Tuer n’est pas jouer (John Glen, 1987)-, on n’échappe quand même à la machinerie gigantesque qui rentre dans le cahier des charges plus traditionnel des anciens Bond, en vigueur depuis Opération Tonnerre (Terence Young, 1965). Machines incroyables, lieux paradisiaques un brin mégalo (mais alors, juste un brin), armées de seconds couteaux auxquels est réservé un sort peu enviable (mention spéciale à une irruption de ninjas), séquences d’action aussi démesurées que surréalistes (ici, au choix, poursuite de camions-citernes avec passage sur deux roues à la clé, risque de collision en vol camion/avion, et encore, Tuer n’est pas jouer est loin d’être le plus démonstratif dans l’exercice).

    Avouons-le, James Bond est le représentant quasi-unique d’un divertissement à échelle planétaire auquel on pardonne beaucoup de choses depuis le début (rappelez-vous quand même de Abondance Delaqueue, jeune fille qui accoste Bond, et à qui celui-ci répond : "ça vous vient de votre père, je pense ?", digne d’un American Pie). Un plaisir un peu honteux, une sorte de réalisation de fantasmes masculins variés qui fondent son succès public. Permis de tuer ne réussit cependant pas à être un grand succès à sa sortie, sûrement victime de ses écarts aux règles sus-citées. Malgré tout, le film tire sacrément bien son épingle du jeu et reste un épisode à part, marquant d’ailleurs la dernière participation de nombreuses personnes-clés de l’équipe, notamment Maurice Binder, qui réalisait ici son dernier générique et qui, grâce à son invention du fameux "gun barrel logo", avait défini l’image de la série dans son entier.

  • Un film, une séquence : Sunshine (2007)

    La mort de Kaneda

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    Sunshine nous conte l’aventure d’un groupe d’astronautes sur le vaisseau Icarus II missionnés de réanimer le soleil mourant, à l’aide d’une charge nucléaire massive, alors q’une première mission a échoué quelques années auparavant, ne laissant aucune trace. La mission est déjà signifiée comme très périlleuse, alors que la captation du signal de détresse  du premier vaisseau Icarus est captée ; l’équipage décide de changer sa course, principalement pour récupérer la charge nucléaire sur Icarus I, ce dans le but d’avoir une chance supplémentaire de mener à bien la mission.
    La séquence qui nous intéresse se trouve entre la 26e  et la 40e minute du film, formant un bloc d’un quart d’heure où progression musicale, dramatique, cinématographique vont de concert pour aboutir à la mort du commandant Kaneda.

    On peut diviser la séquence en deux parties : une première de la préparation de la sortie dans l’espace jusqu’à la réparation du premier panneau solaire, et une deuxième de l’embrassement du jardin à oxygène jusqu’à la mort de Kaneda.

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    Dans la première partie, Kaneda (Hiroyuki Sanada, excellent dans la trilogie Ring) et Capa (Cillian Murphy) se préparent pour faire une sortie dans l’espace afin de visualiser les dégâts causés par le changement de cap du vaisseau. Entourés par un blanc immaculé et animés de mouvements qu’on pourrait croire filmés au ralenti, les deux astronautes revêtent leurs lourdes combinaisons. Dans cette scène, deux éléments nous sont clairement donnés : premièrement, la prévision d’une sortie dans l’espace s’avère dangereuse, au vu de la taille des combinaisons (et donc des protections nécessaires à la survie des deux personnages) et des nombreux paramètres à vérifier. Deuxièmement, ils ne peuvent être autonomes  à aucun moment de cette phase, étant aidés physiquement par un/une de leur coéquipier. Leur relation doit donc être basée sur une confiance absolue, qui sera mise à mal par la suite. Une fois dans l’espace, ils seront livrés à eux même, même si ils sont constamment reliés par un dispositif vidéo qui permet à l’équipage de suivre leur avancée. Dans cette première période, les plans sont relativement longs, s’attachant à montrer la méticulosité de la préparation. La musique est alors simplement constituée d’une pulsation électronique, et de quelques arrangements avant-gardistes (musique industrielle) à base de bruits métalliques et d’alarme. Une fois la première manœuvre réussie, consistant en la réparation d'un des panneaux solaires sur une des parois du vaisseau, un soulagement soulève l’ensemble de l’équipage ; il sera de très courte durée. Sourires et éclats de voix s’offrent effectivement un contrepoint total dans le plan qui suit, avec un dégât beaucoup plus grave que la menace immatérielle qui planait jusqu’alors : l’embrasement du jardin à oxygène, qui malgré certaines précautions n’a pas pu être prévu. Dans la précipitation, l’équipage s’était mis d’accord sur l’abandon de certains équipements ; personne n’a pris assez de recul pour envisager la chaîne d’événements tragiques que ce choix allait entraîner.

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    La deuxième partie de la séquence, montrant à l’image le caractère imprévu et dévastateur de la perte du jardin à oxygène, vu auparavant comme un petit paradis aux teintes vertes chatoyantes, devient un véritable enfer où le feu, incontrôlable, est devenu maître. L’approche générale en terme de mise en scène est chamboulée : plans brefs, musique plus rapide, imageant le rythme cardiaque plus élevé de tout l’équipage et principalement de Kaneda, qui prend dès cet instant la résolution secrète de ne pas revenir à bord du vaisseau, autant pour finir les réparations nécessaires à la survie du reste de l’équipage, et de succomber à la fascination qu’exerce le soleil : le voir de plus près et sans filtres, faisant écho aux séances de contemplation du début du film. La relation qu’entretiennent l’équipage avec ce soleil est vraiment intéressante car on y voit une dimension mystique : dans le monde technologique et calculé du futur de 2057, le soleil semble receler la dernière part de mystère, de magie, et peut s’apparenter à l’image d’un dieu. Ainsi, quand Kaneda décide de reste sur le toit du vaisseau pour avoir une ultime confrontation avec le soleil divin, l’opérateur Searle a une réaction tout à fait extraordinaire : il demande dans le casque de Kaneda « Qu’est-ce que vous voyez ? » pour avoir une part de cette expérience hors du commun. Mais on ne peut la partager qu’en offrant sa vie, et non pas en restant à bord du vaisseau. Kaneda restera silencieux à tous les appels radio de l’équipage.

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    Le montage de cette deuxième partie s’avère virtuose, alternant dans un véritable ballet les vues de l’intérieur du vaisseau, des écrans de contrôles constituant un split-screen naturel, de l’intérieur du casque de Kaneda et Capa, ainsi que du jardin à oxygène qui va partir en fumée. Les enjeux, énormes, et la prise de décision rapide, font de cette séquence un véritable feu d’artifice émotionnel, que la musique, montant en intensité, accompagne en symbiose. La performance de Hiroyuki Sanada, résolue, fascinée et forcément extrémiste, est bluffante et balaye toutes les autres données de la séquence. Entendre son râle étouffé par la retransmission radio, juste avant la mort de son personnage, reste longtemps gravé dans la mémoire et constitue sans aucun doute le moment marquant du film dans son entier. Il reste par la suite plusieurs moments de bravoure, mais cette séquence de Sunshine est une réussite à tous points de vue : un grand moment à (re)voir. Et, pour ceux qui ne connaisse pas le film, une invitation à le voir séance tenante !

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  • Quand l'inspecteur s'emmêle (1964)

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  • Le cheval venu de la mer (1992)

    Un film de Mike Newell

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    Le cheval venu de la mer est réalisé en 1992, deux ans avant le triomphe du film suivant de Mike Newell, Quatre mariages et un enterrement. Ce n'est qu'à l’occasion de la sortie française de cette comédie que Le cheval venu de la mer nous parvint.

    Le film est un conte initiatique particulièrement fin dans les thèmes qu’il aborde, que ce soit le deuil, la mort, la famille ou bien l'appel de l’aventure. Le quotidien d’une famille de nomades irlandais est bouleversé par l'arrivée d’un magnifique cheval blanc. Le père, alcoolique (Gabriel Byrne, excellent), voit ainsi ses deux garçons partir à l'aventure à dos de cheval, à la découverte de leurs racines. Le film est à la fois une comédie et un conte sur fond de drame humain. La peinture des conditions de vie de la famille donnerait en effet froid dans le dos si elle n’était pas secondée par une musique folklorique sautillante et des images d'une beauté si simple qu’elle en deviendrait surréelle.

    Le titre français, comme le début du film, insiste sur la dimension fantastique du récit, à l'aide de l’apparition extraordinaire et du décalage entre le cheval et la civilisation qui l'accueille. Les premières images installent d’ailleurs le film dans une sorte d’intemporalité, mettant en présence la mer, une plage, le cheval, un vieil homme et sa calèche. Le choc de l'apparition des tours d’immeubles du quartier irlandais désolé duquel la famille est proche n'en devient que plus fort. Ce sentiment d'intemporalité pourrait bien nous conduire vers le Western, genre pour lequel le titre original (Into the west) a beaucoup d'importance. Les enfants sont marqués dès leur plus jeune âge par l’idéal du Cow-boy et du Western, auxquels, nomades et marginaux, ils s'identifient sans mal. L'arrivée du cheval dans ce contexte les rapprochera de leur rêve de western. Car Into the west symbolise autant l'Ouest américain fantasmé que l'Ouest réel de l'Irlande, région dans laquelle ils vont effectuer leur périple.

    Road-movie, conte initiatique, le film de Mike Newell lorgne aussi vers la comédie surréaliste à la Kusturica lors de nombreux passages extrêment réjouissants ; citons ici une séance cinéma clandestine et privée où nos deux cow-boys se font la projection de Retour vers le futur 3 avec leur inséparable cheval.

    Pour les jeunes garçons, qui n'ont que leur père alcoolique et leur grand-père, le voyage qu’ils entreprennent a un autre enjeu que le simple appel de l’Ouest, enjeu inconnu à leurs yeux jusqu'à la presque toute fin : c’est là qu'on retrouve la thématique du deuil, par ailleurs présente tout le long du film, fort bien traitée dans ce film destiné avant tout à un public familial et très jeune. Depuis sa sortie, il est ainsi régulièrement proposé lors de travaux en classes de primaire, à même d’aborder des questionnements pas évidents dans l’esprit d’un enfant. De quoi passer un bon moment !

  • Un film, une séquence : Eyes Wide Shut (1999)

    L'orgie

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    Environ à la moitié du film-testament de Kubrick intervient une séquence magique, onirisme brumeux aux couleurs de feu. Bill, tourmenté par l'aveu de tromperie de sa femme Alice, se rend à une soirée privée dont il ignore tout, mais qui est fondamentalement tout ce qu'il recherche : un interdit, un mystère, et une promesse de débauche sexuelle, lui dont la vie était si cadrée, si prévisible, si normale. Norme balayée d'une phrase de sa femme, dont il ne se serait douté. Bill arrive donc au terme d’un voyage nocturne dans une résidence somptueuse, dont il soulève le voile.

    Il pénètre dans un bal masqué sonorisé par une musique mystique, accompagnée d’une voix gutturale. La musique est en fait jouée sur un clavier électronique, tout n'est qu'illusion. Des rituels de sélection assemblent certaines jeunes femmes avec des personnes de l’assemblée silencieuse, qui, comme le spectateur, sont plutôt observatrices qu'actrices de l'événement. Bill se fond dans la masse des masques, semblable à tous, donc incognito. Mais quelque chose cloche : on lui fait signe, il est reconnu. Il doit partir car il n’est pas le bienvenue ("You don’t belong here", tu n’est pas à ta place ici, l’avertit une jeune femme). Il va poutant pouvoir regarder le spectacle qui s’offre à lui, et les lents travellings l’accompagnent au sein de salles aux teintes pourpres.

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    Des pantins s'y embrassent, déshumanisés, animalisés aussi. L'acte sexuel, omniprésent mais laissant la plus grande place à la foule passive, est théâtral, peut-être même est-il simulé. La musique aux tonalités orientales est la bande-son d’une orgie scénographiée, une performance, forme d’art, un "cabinet de curiosités" vivant, qui fait de Bill un spectateur déambulant dans un musée des pratiques sexuelles. Lui seul a la posture d’un être en mouvement, tous les autres prenant la pose, faisant partie du décor. La séquence apparaît dès lors comme une représentation de l'esprit de Bill, obnubilé par l'infidélité d’Alice, revoyant toujours les images qu’il s’est inventé. Démasqué, il devra subir le jugement d'une cour improvisée, pouvant rentrer in-extremis chez lui mais échappant à on-ne-sait-quoi. Dans cette séquence hallucinatoire, réside tout l'art de Kubrick sur le théâtre des apparences.

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