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Un film, une séquence : Sunshine (2007)

La mort de Kaneda

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Sunshine nous conte l’aventure d’un groupe d’astronautes sur le vaisseau Icarus II missionnés de réanimer le soleil mourant, à l’aide d’une charge nucléaire massive, alors q’une première mission a échoué quelques années auparavant, ne laissant aucune trace. La mission est déjà signifiée comme très périlleuse, alors que la captation du signal de détresse  du premier vaisseau Icarus est captée ; l’équipage décide de changer sa course, principalement pour récupérer la charge nucléaire sur Icarus I, ce dans le but d’avoir une chance supplémentaire de mener à bien la mission.
La séquence qui nous intéresse se trouve entre la 26e  et la 40e minute du film, formant un bloc d’un quart d’heure où progression musicale, dramatique, cinématographique vont de concert pour aboutir à la mort du commandant Kaneda.

On peut diviser la séquence en deux parties : une première de la préparation de la sortie dans l’espace jusqu’à la réparation du premier panneau solaire, et une deuxième de l’embrassement du jardin à oxygène jusqu’à la mort de Kaneda.

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Dans la première partie, Kaneda (Hiroyuki Sanada, excellent dans la trilogie Ring) et Capa (Cillian Murphy) se préparent pour faire une sortie dans l’espace afin de visualiser les dégâts causés par le changement de cap du vaisseau. Entourés par un blanc immaculé et animés de mouvements qu’on pourrait croire filmés au ralenti, les deux astronautes revêtent leurs lourdes combinaisons. Dans cette scène, deux éléments nous sont clairement donnés : premièrement, la prévision d’une sortie dans l’espace s’avère dangereuse, au vu de la taille des combinaisons (et donc des protections nécessaires à la survie des deux personnages) et des nombreux paramètres à vérifier. Deuxièmement, ils ne peuvent être autonomes  à aucun moment de cette phase, étant aidés physiquement par un/une de leur coéquipier. Leur relation doit donc être basée sur une confiance absolue, qui sera mise à mal par la suite. Une fois dans l’espace, ils seront livrés à eux même, même si ils sont constamment reliés par un dispositif vidéo qui permet à l’équipage de suivre leur avancée. Dans cette première période, les plans sont relativement longs, s’attachant à montrer la méticulosité de la préparation. La musique est alors simplement constituée d’une pulsation électronique, et de quelques arrangements avant-gardistes (musique industrielle) à base de bruits métalliques et d’alarme. Une fois la première manœuvre réussie, consistant en la réparation d'un des panneaux solaires sur une des parois du vaisseau, un soulagement soulève l’ensemble de l’équipage ; il sera de très courte durée. Sourires et éclats de voix s’offrent effectivement un contrepoint total dans le plan qui suit, avec un dégât beaucoup plus grave que la menace immatérielle qui planait jusqu’alors : l’embrasement du jardin à oxygène, qui malgré certaines précautions n’a pas pu être prévu. Dans la précipitation, l’équipage s’était mis d’accord sur l’abandon de certains équipements ; personne n’a pris assez de recul pour envisager la chaîne d’événements tragiques que ce choix allait entraîner.

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La deuxième partie de la séquence, montrant à l’image le caractère imprévu et dévastateur de la perte du jardin à oxygène, vu auparavant comme un petit paradis aux teintes vertes chatoyantes, devient un véritable enfer où le feu, incontrôlable, est devenu maître. L’approche générale en terme de mise en scène est chamboulée : plans brefs, musique plus rapide, imageant le rythme cardiaque plus élevé de tout l’équipage et principalement de Kaneda, qui prend dès cet instant la résolution secrète de ne pas revenir à bord du vaisseau, autant pour finir les réparations nécessaires à la survie du reste de l’équipage, et de succomber à la fascination qu’exerce le soleil : le voir de plus près et sans filtres, faisant écho aux séances de contemplation du début du film. La relation qu’entretiennent l’équipage avec ce soleil est vraiment intéressante car on y voit une dimension mystique : dans le monde technologique et calculé du futur de 2057, le soleil semble receler la dernière part de mystère, de magie, et peut s’apparenter à l’image d’un dieu. Ainsi, quand Kaneda décide de reste sur le toit du vaisseau pour avoir une ultime confrontation avec le soleil divin, l’opérateur Searle a une réaction tout à fait extraordinaire : il demande dans le casque de Kaneda « Qu’est-ce que vous voyez ? » pour avoir une part de cette expérience hors du commun. Mais on ne peut la partager qu’en offrant sa vie, et non pas en restant à bord du vaisseau. Kaneda restera silencieux à tous les appels radio de l’équipage.

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Le montage de cette deuxième partie s’avère virtuose, alternant dans un véritable ballet les vues de l’intérieur du vaisseau, des écrans de contrôles constituant un split-screen naturel, de l’intérieur du casque de Kaneda et Capa, ainsi que du jardin à oxygène qui va partir en fumée. Les enjeux, énormes, et la prise de décision rapide, font de cette séquence un véritable feu d’artifice émotionnel, que la musique, montant en intensité, accompagne en symbiose. La performance de Hiroyuki Sanada, résolue, fascinée et forcément extrémiste, est bluffante et balaye toutes les autres données de la séquence. Entendre son râle étouffé par la retransmission radio, juste avant la mort de son personnage, reste longtemps gravé dans la mémoire et constitue sans aucun doute le moment marquant du film dans son entier. Il reste par la suite plusieurs moments de bravoure, mais cette séquence de Sunshine est une réussite à tous points de vue : un grand moment à (re)voir. Et, pour ceux qui ne connaisse pas le film, une invitation à le voir séance tenante !

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Commentaires

  • Je l'ai revu en début de semaine, et j'ai encore été impressionné par la force visuelle du film, on est nous même fasciné par ce soleil. J'aime bien le développement psychologique des différents personnages face à ces situations "dantesque" (l'un des points forts des films de Boyle, j'avais déjà beaucoup aimé le traitement de 28 jours plus tard) et leur rapport à ce dieu-soleil. Pour moi, ce film est le digne successeur d'Alien (sympa d'ailleurs l'allusion avec le plan de quelques secondes sur la petite figurine qui se balance), l'ambiance reconstituée est à la fois fascinante et oppressante. Et puis c'est vraiment intéressant d'avoir un réalisateur qui nous laisse une telle marge d'interprétation dans le propos du film.

  • Bonjour PoKK, je trouve aussi que Sunshine est un très beau film, qui aurait pu être encore plus réussi sans la bifurcation scénaristique de la fin. Mais cette fascination du soleil, l'ambiance au sein de l'équipage, très inspirée par Alien effectivement, et la musique (quel score!) en font un très bon moment (sous-estimé, en général) que je revoit régulièrement.

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