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  • Twentynine palms (2003)

    Un film de Bruno Dumont

    5166332950_267c212579_m.jpgLe choc. La crise. Les larmes, la terreur, lors de la découverte de ce film au cinéma il y a queslques années, qui résonne encore aujourd’hui. Ce film, l’histoire d’un couple hors normes (un américain et une russe) est un dépassement, un exploit, une prouesse. Surpassant le clivage si facile des genres, Bruno Dumont réussit à embrasser toutes les ambiances dans ce road-movie indie. Une trame minimaliste, forte, lourde, fabuleusement visuelle. Une histoire régressive entre deux personnes trop proches dans ce désert pour une fois vraiment (désert).

    Bruno Dumont signe un terrible essai sur la communication, cet outil vital pour co-exister. La communication orale n’est plus d’actualité entre les deux tourtereaux quand la langue est trop différente. Dès lors, c’est sur un plan essentiellement sexuel que s’aborde la communication entre les deux individus, seul plan fusionnel ; les autres sont tous source de conflits, légers ou parfois plus durs. L’incompréhension qui régit l’essentiel des rapports entre les deux personnages est aussi culturelle : voir la scène de la cafétéria où Katia reproche à David de regarder une autre fille ; elle lui dit sans sourciller "tu peux aller avec elle si tu veux". Des incompréhensions ce film bizarre, insoutenable, beau de façon si étouffante, en regorge.  Cette relation exclusive, est déséquilibrée dans son rapport excessif à la sexualité, seul terrain d’expression où les deux amants  excellent. David, colérique, impulsif, ne vit pas sur la même planète que Katia, naïve, "étrangère", et pourtant a l’air de vivre une histoire belle et simple. Mais rien n’est vraiment simple quand on parle de passion, d’exclusivité. La communication bancale dont font preuve les deux amoureux est pointée comme un manque vital.

    Extrême, brutale, cette histoire d’un autre temps où les moments les plus significatifs sont des joutes de grognements bestiaux nous montrent tels que nous pourrions être : des animaux (légèrement) civilisés. Mais grattez le vernis social déjà écaillé et vous y verrez peut-être l’ombre de Twentynine Palms…

  • Fleur du Désert (2010)

    Un film de Sherry Hormann

    4463638017_ef7641cf46_m.jpgLa réalisatrice américaine nous livre son premier film, avec ce biopic de Waris Dirie, fille d’un nomade du désert, devenue reine de podiums et des couvertures de magazines de mode. De son origine africaine, elle garde notamment la trace d’une mutilation inhumaine : l’excision. Le film est l’adaptation de l’autobiographie du top model.

    Curieux film, qui commence comme une comédie sociale anglaise, poursuit à la façon d’un documentaire presque choc (les scènes en Afrique), passe par une phase très Le Diable s’habille en Prada, et finit comme un biopic à message , du genre de Ray, voire d’un pamphlet à la Lord of War. C’est dire que le film n’est pas un, unitaire, mais pluriel. Pourquoi pas, si l’on ne ratait pas le sujet pour parler d’autre chose pendant la quasi-totalité du métrage. De la vie de Waris Dirie (encore loin d’être terminée en 2010, au passage), on retiendra certes le grand écart faisant correspondre la survie dans les terres arides de Somalie au clinquant faste, irréel et superficiel du monde de la mode ; faisant tout le sel de son parcours, surmontant le déterminisme de sa naissance, et des traditions auxquelles elle devait se soumettre. Quand elle n’a pas plus de huit ans, ses parents veulent la marier de force à un vieillard qui a payé le prix pour l’avoir : ce sera son déclic. Traversant le désert dans toute l’inconscience de ses jeunes années, pieds nus et sans aucune ressource, elle arrivera à se faire un chemin providentiel jusqu’à Mogadiscio, et deviendra d’abord femme de ménage en Angleterre.

    Si l’histoire est exemplaire et le message sur la vérité de l’excision en fait un film on ne peut plus légitime, le choc provoque par ses différentes réalités ne sont absolument pas traitées dans le film, mais juste mises bout à bout comme si cela allait de soit. Or, ce collage maladroit dessert tout à fait les enjeux profonds de son histoire. Les moments comiques, assez nombreux, paraissent rajoutés -certains ne dépareilleraient pas dans un Coup de foudre à Notting Hill- par rapports aux passages plus sombres où Waris découvre l’horreur de l’excision, confrontée à un monde où la plupart des habitants n’en ont jamais entendu parler. De même, les séquences de défilés et des séances photos posent un problème : comment Waris peut regarder l’objectif de la même façon que tous ces mannequins anorexiques qui assument totalement l’argent facile qui coule à flots, et l’image de femme-objet dont elle sont l’incarnation ? C’est un non-sens que de ne pas traiter le problème du décalage entre ces vies trop différentes, autrement que par la comédie hystérique (nous devons être les seuls à ne pas goûter à l’interprétation de Sally Hawkins, en roue libre). L’actrice qui l’incarne est par ailleurs d’une ressemblance frappante avec la vraie Waris Dirie, mais semble un peu trop artificiellement enjouée.

    Rien de frappant dans la valeur cinématographique des plans ainsi alignés, sans talent ni grand défaut ; la musique par contre, est assénée avec un lourdeur confondante dès la première image, malgré son beau thème. Un peu plus de nuances n’aurait pas été de trop. Enfin, c’est comme si le vrai thème du film, la lutte contre une pratique mutilatrice sans fondement, n’arrivait qu’à la fin, à quinze minutes du dénouement. La valeur cinématographique de l’œuvre est donc très diminuée, devant un sujet qui demeure nécessaire et profond. La légitimité d’en faire état par le biais d’une œuvre destinée au plus grand nombre n’est pas à discuter ; faite de cette manière, elle n’atteint cependant pas son but.

  • L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot (2009)

    Un film de Serge Bromberg & Ruxandra Medrea

    4413432192_6104da54b4_m.jpgL’Enfer est un vrai film maudit, entouré d’une aura tout à fait mythique. Le réalisateur des Diaboliques (1954) et du Salaire de la peur (1953) se retrouvait donc en 1964 avec les pleins pouvoirs, aux rênes d’un budget sans limites. Puis, des essais interminables, une équipe mise à bout, enfin, l’attaque cardiaque de Henri-Georges Clouzot qui met fin à l’aventure. L’objet ? Une exploration terrible de la jalousie vue de l’intérieur, traitée comme une maladie atteignant le plus profond des perceptions humaines ; toutes les perceptions sensorielles de Marcel (Serge Reggiani) s’en retrouvent altérées. Phrases qui se mélangent, couleurs qui virent, objets déformés... Des images hallucinantes, jouant avec les miroirs déformants, les multi-expositions de pellicules, trompant la perception de l’œil.

    La redécouverte de ces images perdues, endormies depuis des décennies dans les réserves de la Cinémathèque Française, a quelque chose de tout à fait fascinant, et on comprend que Serge Bromberg, à la vue de celles-ci, décida tout de suite d’en faire un film, le collectionneur qu’il est n’ayant eu au départ que son envie de retrouver ce trésor.

    Sa récompense aux Césars est légitime et logique, un film sur le cinéma, parlant d’un mythe dont on a retrouvé des bribes, étant un peu le rêve de toutes les personnes s’intéressant de près au cinéma ; récemment, la projection de Metropolis en version complète à Berlin, en grande pompe, en est la preuve flagrante.

    Faire un film sur L’enfer a dû être titanesque : des images en vrac, dépourvues du moindre son, impliquant une réinvention sonore totale -et très réussie-, enfin la reconstitution du film d’après le scénario original. Dominé par un travail de montage assez exceptionnel (le premier monteur ayant d’ailleurs jeté l’éponge), l’enchaînement des plans donne une idée assez précise des scènes tournées. On assiste donc à un miracle comme on en voit peu ; et, il faut l’avouer, Serge Bromberg sait raconter des histoires,  même si sa narration dans le documentaire est un brin scolaire.

    Malgré tout, la réussite n’est pas totale : comme si, à l’image du film reconstitué, L’enfer d’Henri-Georges Clouzot était malade. Entre le récit de tournage, les images du tournage lui-même, puis les reconstitutions des dialogues avec Jaques Gamblin / Bérénice Béjo en lieu et place de Serge Reggiani/Romy Schneider, le film conducteur se perd parfois dans des flottements où l’on se surprend à s’ennuyer, faute de rythme. Le kaléidoscope géant que constitue le film éblouit, ravit la pupille, plus que l’histoire du tournage qui est pourtant, elle aussi, digne d’un film. Mais sans histoire, le film ne peut tenir le coup sur la durée, les images, aussi incroyables soient-elles, ne se suffisent pas à elles-mêmes. C’est, peut-être aussi, la direction à donner aux interviews réalisées récemment qu’il aurait fallu imprimer un rythme et un fil conducteur plus intense.

    Clouzot semble s’être perdu dans l’abîme de son film, noyé dans l’œil du cyclone. Sa fascination pour les tourments intérieurs ne fait aucun doute en voyant les images, malgré qu’il s’en défende dans une interview d’époque. La plongée dans cette ambiance surréaliste, magnifiée par la musique exceptionnelle composée pour le film, est une expérience à vivre. L’incandescence de Romy Schneider, qui allume chaque bout de pellicule où elle apparaît, vaut à elle seule le déplacement.

  • Silent Hill (2005)

    Un film de Christophe Gans

    4394279863_c23210bbdf_m.jpgEn adaptant le célèbre jeu vidéo de la firme japonaise Konami, Christophe Gans réalisait un rêve de geek : transposer sa propre expérience de joueur en expérience spectatorielle. Gans, qui travaille toujours au coup de cœur, est réellement motivé par le contenu et trousse, comme à son habitude, un film visuellement foisonnant, doté de cadrages forts. L’interprétation des acteurs, par contre, reste toujours un problème.

    Pour nous faire entrer dans le monde de Silent Hill, Gans n’y va pas par quatre chemins : une brève séquence d’intro où le nom de la vile fantôme est tout de suite évoquée,  puis la mère et la fille y font un voyage dans le but d’exorciser, ou de comprendre, la place qu’occupe Silent Hill dans leur vie. Commencé dans l’obscurité la plus totale, le film bifurque visuellement vers une opacité blanchâtre lorsque Silent Hill se montre à nos deux personnages, aussi brusquement que lorsque Rose (Radha Mitchell) choisit de prendre le virage qui les mènera à destination. On aura dès lors cette dualité ombre / lumière, dans l’espace -la neige qui semble tomber sur Silent Hill est en fait une cendre grisâtre- et dans le temps -la pâleur onirique de la ville laissant place à intervalle régulier à un enfer décrépi et noirci. Telle Alice dans un pays des merveilles version gore, Rose part à la recherche de sa fille, disparue, dans les entrailles de Silent Hill, révélant des enchevêtrements métalliques, rappelant le passé minier de la ville. Seule, elle se retrouve face à des créatures monstrueuses (on ne s’attend pas certains débordements gore assez extrêmes), qui, dès lors qu’elles apparaissent, impactent le rythme du film : images saccadées ou accélérées qui leur donnent l’air encore plus étrange, et semblent aussi modifier le passage du temps dans Silent Hill. On tient là, avec ce jeu sur la frise temporelle, un bouleversement narratif important : l’éradication d’indication temporelle pendant le séjour de Rose dans Silent Hill. Ainsi, cette traversée s’apparente à une sorte de rêve, entre somnolence et conscience, mis en évidence par le premier plan qui voit Rose pénétrer dans la ville, alors qu’elle émerge de la brume.

    Soutenant un visuel toujours splendide, la musique du jeu (composée par Akira Yamaoka) nous emmène dans une ambiance lancinante, un brin planante, lorsque Silent Hill semble être endormie. Lorsque les feux de l’enfer se déchaînent, le fond musical lui emboîte le pas dans une symphonie métallique beaucoup plus stroboscopique. Tout cela assimile Silent Hill à un personnage vivant, en tout les cas le personnage principal du film. Ceci étant validé par l’affiche du film, ne mentionnant jamais le nom des acteurs, au profit de la "marque" Silent Hill, qui à elle seule symbolise tout ce que le spectateur - joueur pourra y voir. Les non-initiés retiendront juste le caractère étrange de l’affiche montrant la petite Sharon dépourvue de bouche, visuel d’ailleurs choisi par les fans sur Internet.

    Christophe Gans n’a par contre jamais été un grand directeur d’acteurs. Ici, s’il s’en sort vraiment bien avec Alice Krige, qui fait peur sans effet spéciaux, ou Laurie Holden, qui campe un officier de police tout en masculin, la donne n’est pas la même avec Radha Mitchell, qui semble évaporée, Sean Bean, dont le personnage a été imposé par la production, et Deborah Kara Unger, auparavant incendiaire dans Crash de Cronenberg, ici vociférant de façon bien caricaturale.

    De plus, l’axe scénaristique incluant Christopher (Sean Bean), le mari de Rose qui tente de la retrouver, annihile un peu le flottement temporel régnant à l’intérieur de Silent Hill. La seule séquence y trouvant une vraie force est celle ou Christopher et Rose sont sur le point de se croiser, proposant une solution visuelle assez fine pour justifier de la superposition bizarre des deux trames scénaristiques.

    En nous baladant dans un monde irréel, réceptacle de nos peurs les plus profondes (l’obscurité, la monstruosité, la perte d’un être cher), le film jouit d’une richesse justement exploitée. Gans convoque également des références visuelles qui lui sont chères, tel le cinéma de Mario Bava -et de Terence Fisher- lors de l’explication en flash-backs.

    Une œuvre imparfaite, mais étrange et troublante qui vise juste et retourne les tripes, à défaut de toucher réellement au cœur.

  • Gainsbourg (vie héroïque) (2010)

    Un conte de Joann Sfar

    4307679070_e983f149f0_m.jpgLa vie d’un musicien se prête bien au genre du film biographique, en cela que sa production artistique prend la place de bande originale. Ainsi donc, c’est la musique qui rythme la vie de celui-là même qui l’a composée. Comme les morceaux de Gainsbourg portent en eux une beauté mélodique assez irrésistible, de ce côté-là c’était un peu gagné d’avance. Et, l’on peut avancer sans crainte que la bande originale se promène toujours un cran au-dessus du film qu’elle illustre.

    Le jeune réalisateur prévient dès la séquence générique : nous allons assister à "un conte de Joann Sfar" lui qui aime tant cette forme d’expression. N’a-t-il pas remis au goût du jour Le petit Prince de St Exupéry, ou publié dernièrement un récit s’apparentant de façon évidente au genre ? Dès lors, toute considération donnée sur un film biographique traditionnel s’en trouve balayée : fini, l’objectif d’être au plus près de la vie de l’artiste, et bienvenue dans un monde qui tient beaucoup plus de celui du Sfar-auteur de bandes dessinées que de son réel personnage principal. Le générique d’introduction est ainsi un mini film d’animation, utilisant les dessins d’un Gainsbourg Sfarisé ; durant une bonne partie du film, un double-marionnette suit le chanteur à la trace, Juliette Gréco a un chat qui parle avec la voix d’Anna Mouglalis... Ce décalage fait rentrer l’histoire dans une atmosphère de fantaisie, dédouanant le réalisateur des attentes démesurées dont le projet a pu faire l’objet. Le Gainsbourg dessiné par Sfar est ce personnage de conte, avec sa face solaire, dont le monde adoube le génie, et sa part torturée, qui nourrit encore aujourd’hui les argumentaires destructeurs des réfractaires. Comment leur en vouloir ? L’homme n’est pas facile à cerner, pas facile à aimer. Le film, non plus.

    L’intérêt trop marqué de Sfar pour la jeunesse de l’artiste est révélateur de l’empreinte qu’il veut imposer, se servant du Gainsbourg peintre aux Beaux Arts pour garnir le cadre de ses propres créations. Pour autant, la période (et l’enfant, qui récite machinalement son texte) ne sont pas ben exploitée et n’ont d’autre utilité que de confronter par l’image le regard du Lucien enfant, et du Serge adulte.

    Le film se décline alors en un collage de scènes connues, où défilent les guests (nombreuses dans la vie de Gainsbourg), qu’on attend et par lesquelles on est que rarement transporté. J’ai personnellement vraiment accroché à la seule séquence d’introduction de Bardot - Laetitia Casta, qui reproduit un cadrage et un montage assez sixties - seventies, et qui seul parvient à (me) transmettre l’effervescence du moment. Pas de moments mémorables à part cela, sauf peut-être la scène marrante où le producteur (Claude Chabrol et ses gros yeux) découvre Je t’aime moi non plus, pavé dans la mare du bien pensant et des bonnes mœurs. La faute de goût étant tout de même atteinte par l’interprétation de Sara Forestier dans le rôle de France Gall, qui passe pour une demeurée handicapée mentale. Mais bon, c’est un conte, alors... Sfar se sent d’ailleurs obligé de s’en excuser à la fin du film, expliquant maladroitement qu’il est trop admiratif pour se mesurer à la vérité du mythe, et lui préfère le traitement du mensonge. Justification passe-partout qui ne suffit pas à justifier des faiblesses du film...

    Ni une vraie réussite, ni profondément mauvais, Gainsbourg (vie héroïque, ah bon ? Je ne voit pas le rapport...), au final, fait basculer l’aiguille du côté froid, à mon sens à cause d’un manque d’audace dans le choix des scènes narrées. Je ne parle pas de l’acteur principal, Eric Elmosnino, qui mérite tout de même une citation, tant le film, sans lui, aurait du mal à exister.

    Sans transition, à suivre prochainement : du Bis made in Hammer Film & Shaw Brothers !