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  • Eden Log (2007)

    Un film de Franck Vestiel

    3099957292_a25802f551_m.jpgIl y a des films que l'on a envie d’aimer ; ceux qui, sans en avoir vu une seule image, nous disent qu'ils correspondent a priori à tout ce qu'on aime. La science-fiction est un genre placé quelque part au plus haut dans mon panthéon cinéphile perso (2001, Les fils de l’homme, The Fountain, La planète des singes, ou encore Sunshine sont des films dont la seule évocation me donne envie de les revoir), je pense être le public-cible d’Eden Log. Quelle ne fut pas ma déception devant ce film, qui essaye vaguement de raconter son histoire (un homme se réveillant dans une grotte ne se rappelle plus de rien ; son chemin sera de comprendre ce qu'il fait là) au mépris de toute considération pour son spectateur. On touche ici aux limites d'un premier film (raté), c'est qu’il parle beaucoup plus à son auteur qu'aux autres.

    En prenant pour personnage principal (qui sera le plus souvent seul à l'image) un Clovis Cornillac grognant et beuglant dans une composition essentiellement muette, Vestiel interdit toute empathie et identification au rôle, ce qui pose quand même un sacré problème. Préférant laisser Cornillac seul avec l'obscurité errer sans un mot pendant la -très longue- première demi-heure, il réussit le pari insensé de nous ennuyer dès les premières minutes de son film, dès lors que l’on comprend qu’il ne passera rien de plus. Le spectateur, essayant de réunir les quelques morceaux épars d'un scénario au mieux elliptique, au pire absent, n'a rien à quoi s'accrocher, si ce n’est qu'il peut éventuellement remarquer un bon travail au niveau du design sonore du métrage, ainsi qu'une photo assez belle. Cependant, la faute à un budget ridicule, l’image ne donne finalement pas grand-chose à voir  et se laisse aller à un trip claustrophobe pas efficace pour deux sous. Pour toute progression narrative, on a droit à une recherche d’indices qui montre une influence tout droit sortie des jeux vidéo ; on pourrait ainsi le rapprocher d’un Silent Hill (Christophe Gans, 2006), lequel, même s’il ne constitue pas une réussite flagrante, est à 100 lieux de l’échec artistique d’Eden Log. Enfin, on avancera que, si le film se cherche des parrains renommés -notre esprit divaguera en cours de visionnage de Soleil Vert (Richard Fleischer, 1973) à The Fountain (Darren Aronofsky, 2006)- les 5 minutes de la fin voulant concentrer la seule idée du film, l'oeuvre ne peut que laisser un goût amer. celui de la perte de temps. Le film aurait sûrement beaucoup mieux fonctionné au format moyen voire court-métrage. Disons que ce n’est pas avec le film de Franck Vestiel que l’on peut augurer avec confiance de l’avenir du cinéma de science-fiction en France !

  • La Belle et la Bête (1946)

    Un film de Jean Cocteau

    3095171218_d7dc68ae07_m.jpgGrosse impression pour la première vision (hé oui !) de ce classique fantastique de l'artiste total Jean Cocteau. Au sortir de la seconde guerre mondiale on pouvait donc voir à l'affiche ce conte de fée sur pellicule, fait avec les moyens du bord (ce n'était pas un gros budget même pour l'époque), qui constitue en soi un vrai miracle cinématographique. Tous les éléments s'y assemblent parfaitement, à commencer par Josette Day, alors amante de Marcel Pagnol, que ce dernier recommanda à son ami Cocteau. Elle est Belle dans une simplicité et une clarté solaire impressionnante. Jean Marais, jouant deux rôles, la Bête et le soupirant de Belle, a transformé sa voix précieuse et haut placée avec le concours de cigarettes à gogo et de rhumes pris exprès. Ainsi, il donne à la Bête une très crédible irritabilité et une voix rauque douloureuse. Les décors somptueux créés par Christian Bérard, dont ce sera l'œuvre la plus significative, imprègnent le film d’une atmosphère gothique propice aux rêves. Cocteau est également épaulé par René Clément, assistant-réalisateur sur le film mais aussi réalisateur de seconde équipe, et déjà cinéaste depuis les années 30, futur réalisateur de Plein soleil (1960) ou Paris brûle-t-il ? (1966). Tous ces éléments sont soumis à la vision d'un artiste, Cocteau, qui commence d'ailleurs le film en écrivant lui-même les crédits du générique devant la caméra, démontrant dès les premières minutes sa position d'auteur. Et le film d'émailler pendant 90 minutes des visions étonnantes : l'entrée de Belle au ralenti dans le château de la Bête, guidée par des torches portées par des bras étrangement animés, la première apparition de la Bête, et diverses transformations et autres ingéniosités qui font de La Belle et la Bête un creuset d'inventions pour faire croire au fantastique. Les costumes, extraordinairement travaillés, sont aussi l'élément qui nous fait y croire.

    On peut voir deux mondes bien opposés dans le film, d’un côté le quotidien de Belle et ses sœurs dans le village, traité de façon plutôt comique / comédie de mœurs, et de l’autre le château de la Bête, théâtre gothique d’un temps onirique où les statues sont vivantes et où un miroir magique peut vous montrer ce que vous voulez ; où les choses préférées d’une Bête sont des roses... Deux mondes tellement dissemblables qu'on prendrait l'un pour le monde réel et l'autre pour un rêve éveillé. Le côté réel et comique de la vie de Belle et ses sœurs au village, dimension qu'on tend à oublier devant les passages -certes plus long- au château de la Bête, révèlent de forts bons moments, comme ces laquais qui dorment au soleil en attendant une possible requête de leurs maîtresses, et ce jeune homme qui parodie l'énervement des nobles, en criant "Petits laquais ! petits laquais !" est hilarant. Film sans équivalent, à l'époque comme aujourd’hui, La Belle et la Bête a marqué au fer rouge l'histoire du cinéma mondial (avant ce film, le conte de Mme Leprince de Beaumont n'avait jamais été adapté) dont on retrouve des traces toujours vivace ; le film de Disney, celui par lequel le conte est aujourd'hui plus connu, utilise beaucoup d'aspects du film de Cocteau ; pour sa mini-série Angels in America, Mike Nichols (Le Lauréat, Closer) rend un bel hommage à la scène magique de Belle entrant dans le château de la Bête. Même si on a tendance à user de ce mot à tour de bras, on peut bien parler de visionnaire en parlant de Jean Cocteau et de son adaptation de La Belle et la Bête.

  • XIII, la mini-série

    Il est fascinant de remarquer à quel point certains événements traumatiques de l’histoire des États-unis restent vivaces, et ce même pour une génération qui n'est plus contemporaine dudit fait. L'exemple le plus flagrant est certainement l'assassinat de JFK, relayé par le célèbre film amateur d'Abraham Zapruder, qui nous fait revivre indéfiniment cet instant meurtrier comme si l'on y était. Le début de XIII, l’adaptation de la série de bandes dessinées de Van Hamme et Vance, débute par un meurtre similaire (l'assassinat de la présidente des États-unis) et donne à voir le même type de film que celui de Zapruder, avec ses effets tremblés, et une texture d’image qui rappelle le grain d’origine des terribles 26 secondes pendant lesquelles Kennedy a été tué, tourné en 16 millimètres.

    Le thème du film entre dans un courant contemporain du film de complots, illustré constamment dans l’histoire du cinéma depuis les années 70. On pense à la grande Trilogie de la paranoïa par Alan J. Pakula, Klute (1971) - A cause d’un assassinat (1974) - Les Hommes du président (1976), qui illustre une notion chère au pays en ces temps de guerre froide : la menace vient de l’intérieur. Ainsi, XIII applique ce concept à la lettre pour un résultat énergique, rappelant encore et toujours le personnage de Jason Bourne, Van Hamme et Vance ne s'étant par ailleurs jamais caché de leur inspiration.

    Revenons sur le film Zapruder et pointons du doigt une différence notable, qui indique un changement d’ère plus profond : au point de vue unique imposé (Zapruder) se substitue dans XIII une vision fragmentée, éclatée (lors de la scène inaugurale, on voit la présidente, mais aussi le building d'où est tiré le coup de feu et les réactions des passants face à l'horreur). Ce dépassement du champ (on montre le hors-champ qu'on ne peut deviner chez Zapruder, sans lequel toute résolution de l’affaire est illusoire) est à rapprocher du grand changement dans le monde de l’espionnage : le circuit de l'information et les technologies numériques. Alors que le modèle classique de l’espionnage consiste en un enchaînement de filatures, de couvertures et de recueil d'information laborieux (Les Hommes du Président, voire Bons baisers de Russie, pur film d’espionnage à l’ancienne), on a aujourd’hui pratiquement le phénomène inverse, où l'individu est piégé par avance devant la multitude d’indices qui l'identifie : suivi des mouvements bancaires, identification instantanée grâce aux fichiers de la CIA/FBI/,... Ce sont souvent les coupables, aux commandes de ces outils dignes du Big Brother de 1984, qui accumulent des fausses preuves pour coincer un homme là au mauvais moment, au mauvais endroit. Depuis l'avènement de l’informatique, un nouveau genre de film voit le jour, qui ressuscite cette bonne vieille paranoïa, puissance 1000. On retrouve tous ces éléments dans l’adaptation de XIII sur le petit écran, même si les fans de la bande dessinée seront déçus par un casting pas très en accord avec le physique des protagonistes originaux. Tout à fait dans l'air du temps et programmé avec une actualité implacable - les élections américaines -, XIII constitue un divertissement plus qu'honnête, sachant intelligemment mettre au goût du jour le propos de la BD.