Un film de Andy & Larry Wachowsky
Après la trilogie Matrix (1999-2003), les frères Wachowsky étaient attendus au tournant, jouissant qui plus est d’une liberté totale sur leur dernier film, Speed Racer. Mal en a pris à Joel Silver, leur producteur, qui a encaissé à cette occasion un des plus gros fours de l’année 2008.
Le public n’a pas aimé, soit. Tentons de dégager les points problématiques (nombreux) soulevés par la nouvelle création des auteurs de Bound (1996). Les Wachowsky sont des japanophiles avertis et des fous de jeux vidéo, et leur désir d’adapter le manga Speed Racer au cinéma est cohérent avec leurs aspirations de cinéastes. On y voit aussi la concrétisation évidente d’un fantasme geek, alliant la réalisation de courses de voitures déjantées et l’appropriation ultime d’un matériau de base qui a été longtemps une de leur références. Cependant, on voit là une des premières phases de l’échec du film : ce projet est tellement personnel et la liberté des Wachowsky était si totale que le film n’est fait au final que pour eux-mêmes, un peu à la façon d’un Tarantino qui a voulu se faire plaisir avec Boulevard de la mort (2007), se soldant d’ailleurs par la même punition : l’échec commercial et -dans une moindre mesure- critique. Comme second palier qui provoque le rejet du film, constant dans toutes les régions du globe, on peut avancer que le mélange des influences (manga + jeu vidéo + courses de voitures + humour au ras du sol) n’est pas du tout réussi voire même, que la voie tracée par le film n’existe pas, court-circuitée par ces influences diverses. En effet, le tout donne un grand n’importe quoi excessif et migraineux, comme un ride sans fin sue les routes d’un Mario Kart géant, dont les couleurs saturées jusqu’au fluo et les voltiges d’une caméra dématérialisée achèvent de saouler le spectateur.
D’aucun argueront d’un tel spectacle qu’il est "immersif", nous plaçant au poste de pilotage de ses bolides aux prouesses sans limites. Je ne suis pas gamer, mais je ne vois quand même pas l’intérêt d’assister à un jeu quand tout ce qu’on voudrait c’est y participer. Le problème des films dits immersifs, c’est que face à ceux-là on peut facilement s'en sentir exclu. Je me situe plutôt dans le dernier cas concernant Speed Racer, bien que l’intérêt que j’y portais se situait dans le rendu des techniques d’animation et l’intégration de personnages réels dans un environnement numérique. De ce point de vue-là, l’approche est originale sans pour autant être réussie. Entendons par là que l’originalité réside dans le refus du photoréalisme, en proposant un univers semblant sortir directement d’un jeu vidéo, avec des textures lisses, moyennement détaillées. La surimpression d’acteurs réels, éclairés pareillement à base de filtres agressifs, fondent une esthétique clippesque du plus mauvais goût ; de plus, on remarque constamment un sens du décalage avec un arrière-plan rempli de créations numériques et des acteurs au premier plan semblant défiler mécaniquement devant ce décor. L’usage des images de synthèse permet juste aux Wachowsky de filmer de longs plans dans la continuité des mouvements lors des courses, ce qui donne une belle fluidité, comme ils l’avaient fait dans les deux suites de Matrix. C’est un autre point décevant quand on est devant le film, que de constater le fossé de mise en scène entre les séquences à effets spéciaux numériques, ingénieuses, inventives, reconnaissons-le, et les autres, alignant sans conviction les champ/contre-champ dans la plus grande platitude. Quant au scénario, je ne retiendrai que la participation active et débile d’un chimpanzé, qui, loin de me faire rire, m’a fait prendre les réalisateurs en pitié. Le reste n’est que complots autour d’un grand champion au nom improbable. Cette séance assez ennuyeuse m’a fait revenir en mémoire un moment similaire lors de la vision du très Z (mais un peu plus fun) D.O.A. de Corey Yuen (2007), adaptation d’un jeu vidéo de bastons qui allait encore plus loin dans le n’importe quoi : c’est peut-être cela qui aurait pu sauver les meubles de Speed Racer, quoi que... non, définitivement pas.