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heroic-fantasy

  • La légende de Beowulf (2007)

    Un film de Robert Zemeckis

    3169641993_7c9d3cdb5f_m.jpgLa légende de Beowulf permet à son réalisateur Robert Zemeckis de continuer ses expérimentations avec les images de synthèse et plus particulièrement la technique de motion capture, ou mocap, initiées sur Le Pôle express (2004). Ce dernier s’était soldé par une réussite artistique toute relative, en admettant tout de même les possibilités infinies apportées par un environnement 100% numérique en terme de mise en scène.

    Beowulf nous donne à voir un résultat mixte entre le film d’animation et le film de prises de vues réelles par son procédé de fabrication : de vrais acteurs, sur lesquels on a posé des dizaines de capteurs, jouent les scènes devant un fond vert, acteurs qui deviennent dans le film de véritables personnages de film d’animation. La plupart de ces personnages sont des répliques exactes leurs modèles réels, à l’exception notable du personnage principal, Ray Winstone. Celui-ci augure bien de la façon dont on utilise le numérique dans le cinéma d’aujourd’hui, pour transformer le réel. Si l’on aurait pu croire un instant que les images de synthèse auraient pour effet de proposer des environnements semblables à la réalité, ce qu’elles ont un temps contribué à faire -les textures, les ombres et reflets, l’effet de la pesanteur sur les corps, etc.-, elles ont ensuite vite servi à dépasser la retranscription du réel pour pouvoir proposer des choses impossibles à filmer en cinéma traditionnel (travellings virevoltant) et une porte ouverte sur l’imaginaire (par le biais d’un bestiaire fantastique, par exemple). Dans le film qui nous intéresse aujourd’hui, ces images de synthèse donnent l’apparence d’un film d’animation à un objet hybride diablement intéressant. D’une part car il se revendique comme un film pour adultes, torpillant au passage le cliché "animation = film pour enfant"qui a la vie dure ; Les personnages n’y ont soif que de vin, de sexe et de gloire, et des plans gore y sont légion, que ce soit pour montrer en plein cadre l’effet d’un écartèlement, ou pour faire entendre le mâchouillement d’un crâne humain par une créature vraiment hideuse ; c’est l’opposé complet du Pôle express, film de noël rempli de bons sentiments (et il en faut !). Zemeckis, qui d'ailleurs n'était pas très porté sur cette histoire, n'est pas le seul à remercier pour cette vision du mythe, car Neil Gaiman (les romans American Gods et Stardust) et Roger Avary -réalisateur de Killing Zoe (1994) et Les lois de l'attraction (2003)-, scénaristes sur le film,  sont beaucoup plus proches de cette sensibilité et semblent responsables de la dimension barbare et sanglante du film.

    Le métrage est un spectacle d’une grande échelle, habité par les démons -concrets ou intérieurs- d’une civilisation sur le déclin. Il image consciencieusement les péripéties de Beowulf, ces dernières ayant déjà été adaptées par le passé, avec une fortune plutôt malheureuse. Le film de Zemeckis montre le héros dans toute sa splendeur, orgueilleux, tête brûlée et brave. Alors oui, son langage et limité et son élan patriotique un peu too much. Mais ce héros, typique de ce que le genre heroic-fantasy peut nous offrir, est exactement ce que nous montre Beowulf, et a le droit de siéger à côté d’un Conan. Rageant, grogant, hurlant dans la tempête des démons indicibles qui se révèlent vite être les enfants de l'humanité, Beowulf est aussi représentatif de la réflexion sur la constitution de la légende, basée le plus souvent sur une transformation de la vérité quand ce n'est pas un mensonge pur et simple.

    Bénéficiant d’une palette chromatique séduisante et riche, passant d’un bleu acier à un doré ou de fines variations de rouge, La légende de Beowulf est déjà une réussite esthétique, même si on remarque toujours ce flou dans les yeux comme si les personnages ne regardaient rien. La musique d’Alan Silvestri, compère de longue date de Zemeckis (il a composé entre autres le score prodigieux de Retour vers le futur), est rempli d’une grandeur épique qui rappelle furieusement le Basil Poledouris de Conan le barbare (John Milius, 1982) et de La chair et le sang (Paul Verhoeven, 1985) ; deux références. Les événements dans le cours du récit, bien qu’assez prévisibles, sont perturbés par des ellipses audacieuses et brutales, qui m’ont emmenées bien loin, dans ces pays nordiques fantasmés, plein de féroces bêtes dont la monstruosité est déclassée sans mal par celle des hommes. Film triste, il laisse une impression étrange mais superbe, à l’image d’un blason richement décoré mais terni par la noirceur et l’égoïsme de l’âme humaine.