Un film de Eiichi Yamamoto
Ouf ! Il en aura fallu du temps pour que je me remette à écrire... Un temps qui avait disparu comme par un mauvais coup du sort. L'envie, également, manquait. Mais aujourd'hui, c'est surtout ne plus écrire qui me manque, ne plus lire de commentaires (même si je sais que les blogs ciné sont tout de même moins suivis qu'à une époque). Plus de sept ans depuis la création du Film était presque parfait, et c'est avec un plaisir renouvelé que j'écris aujourd'hui. Il fallait aussi un film extra-ordinaire, dans tous les sens du terme, pour me replonger dans l'écriture : ce fameux Belladonna, dont, jusqu'au programme du festival d'Annecy 2016, je n'avais jamais entendu parler.
Jeanne, abusée par le seigneur de son village, pactise avec le Diable dans l'espoir d'obtenir vengeance. Métamorphosée par cette alliance, elle se réfugie dans une étrange vallée, la Belladonna…
Le vintage, c'est mon dada, vous le savez si vous suivez ces lignes : en voilà une belle tranche, jugez plutôt : un film animé japonais mêlant romantisme torturé, supplices de toutes sortes, une orgie d'anthologie mais aussi des visuels magnifiques, entre art nouveau et trip musical sous acide, rappelant Yellow Submarine ou préfigurant The Wall.
Belladonna est donc, dès le départ, pensé comme un film pour adultes ; il s'agit du troisième opus d'un cycle initié par Osamu Tezuka, nommé Animerama, une sorte d'anthologie du cinéma érotique en animé. Le concept ne marcha jamais vraiment, mais la singularité de Belladonna réside dans les sources d'inspirations du réalisateur, moyen-âgeuse et européenne. l'héroïne, Jeanne, resemble ainsi à une égérie-type des années 60 comme Catherine Deneuve. Les contraintes de production obligent Yamamoto à tourner la moitié du film en image fixe, ce qui donne une drôle de sensation ; celle de regarder un roman-photo sacrément barré. Lorsque l'animation se montre, elle est brutale, choquante même, pour ceux qui ne seraient pas familiers avec les films d'exploitation japonais de la période, comme La femme Scorpion, ou plus encore Le couvent de la bête sacrée. Une imagerie sexuelle totalement débridée s'étale sur l'écran : pénis qui parle, zoophilie, viols, tout un catalogue de perversions dans lequel Jeanne se transformera peu à peu en celle que les hommes surnomme la Sorcière (c'est aussi le titre du livre-scandale de Jules Michelet, adapté ici).
Voir Belladonna, c'est être projeté dans un autre temps, dont la charge punk et féministe ne s'est pas émoussée. C'est, comme on dit, une véritable curiosité : il serait insensé de passer à côté. Pour les plus réticents, sachez que nul autre que l'immense Tatsuya Nakadaï (Yojimbo, Hara-Kiri, Kagemusha, Ran...) assure la voix ténébreuse du diable avec lequel pactise la belle Jeanne...
Crédit image : Belladonna of Sadness © Cinelicious Pics