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2010's - Page 12

  • Tron : l'héritage (2010)

    Un film de Joseph Kosinski

    5676263868_7778300042_m.jpgIl est intéressant de constater le revirement de Disney par rapport à un film émanant de ses Studios. En 1982, Steven Lisberger réalise Tron, premier du nom, et donne un équivalent visuel jamais vu au monde balbutiant des ordinateurs ;  il se prend une grosse claque et le film devient, pour un temps, la honte de Disney. Le Studio nage alors en plein dans cette époque d'incertitude où il ne sait plus trop quoi faire, et semble préférer les films en prise de vue réelles pour un public plutôt mature (Le trou noir, 1979, Les yeux de la forêt, 1980 et pour finir un Taram et le chaudron magique glauque à souhait sorti en 1985) à ses traditionnels films d'animation pour enfants. Le changement d'équipe et de direction artistique mettra un temps à retrouver sa voie, comme nous le montre avec force images d'époque le documentaire Waking Sleeping Beauty.

    Tron donnait à voir l'envers du décor d'un ordinateur dans lequel les puces etautres composants sont remplacés par des humains. Expliquer les concepts abstraits du fonctionneemnt d'un ordinatuer à un public totalement novice était en soi complexe, mais des images inédites venaient soutenir le discours qui, au fil des ans et de la domestication des écrans, fascinèrent de plus en plus de jeunes, plongés eux aussi dans cet univers. 

    Avec les années, Disney veut lui aussi jouer la carte du geek-friendly et mise beaucoup sur une suite lancée à gros coups de billets. Aux 33 millions de budget du premier, Disney allonge 170 millions pour la suite, non sans avoir pris soin de tester le prodige de la 3D Joseph Kosinski et de débaucher Daft Punk, dont le style musical et le public semble avoir été fait pour le film. Le studio souhaite également rentabiliser l'investissement en lançant une série d'animation au casting vocal impressionnant.

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    Visuellement et musicalement, le résultat final est juste splendide : tableaux bichromes aux noirs profonds, dans lesquels des lignes fluorescentes semblent glisser jusqu'à l'infini, des machines volantes au design à la fois arrondi et anguleux filant dans un labyrinthe technoïde. Des motos qui laissent derrière elles des traînées colorées, des arènes changeant de formes dans des mouvements fluides, des combattants qui meurent dans une pluie de pixels. Restant en cela très fidèle au Tron original, Joseph Kosinski s'évertue néanmoins à placer la barre plus haut, le plaisir des yeux restant constant. L'image atteint la perfection idéalisée d'un monde numérique où ni le désordre ni l'usure n'ont leur place. Chaque objet, chaque personnage sont fétichisés à l'extrême, les beautés numériques tout droit sorties de la bande dessinée Skydolls. Il est plutôt logique que Tron : l'héritage gagne cette manche par rapport à son prédecesseur, l'expérience visuelle proposé par Tron ayant pris avec les années un bon coup dans l'aile. Plans statiques, découpage des personnages parfois approximatif, teintes un peu tristes... Musicalement parlant, le premier Tron faisait la part belle aux mélodies synthétiques de Wendy Carlos, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles sont terriblement datées. Si elles font corps avec le film qu'elles accompagnent, une écoute à part est vite lassante. celle des Daft punk pour la suite, ont l'effet contraire : elles emmènent le film à un tout autre niveau, tandis que l'écoute seule est tout simplement électrisante. Tant et si bien que le film paraît par moment n'être qu'un long clip dont tout son pourrait être coupé si ce n'est sa musique. En ce sens, Tron : L'héritage fait irrémédiablement penser à Interstella 5555, le film d'animation de Leiji Matsumoto sur le fond sonore de l'album Discovery des Daft. Une très belle expérience audio-visuelle.

    L'intrigue ne fait pas vraiment dans l'original, représentant tout de même l'antithèse du premier Tron à l'époque. Ne se reposant sur aucune bande connue, il inventait sa propre mythologie. Dans Tron l'héritage, afin de projeter le plus vite possible le spectateur dans le monde fantastique de Tron, le personnage principal (Garrett Hedlund, bien dans le ton d'un Jeff Bridges jeune) plonge rapidement dans le vortex numérique sans que le scénario se soucie de crédibiliser son entrée. Il se retrouve ainsi dans l'arène à manier son disque comme un pro, pour être ensuite, tout aussi rapidement, récupéré par Quorra (Olivia Wilde, au charisme aveuglant) pour être présenté à son père. On retrouve alors un Jeff Bridges qui aurait tout de même du boire un petit café avant de tourner, son regard apathique et son air totalement absent jurant un peu avec l'importance séminale de son rôle. Et la trame scénaristique générale de reprendre des éléments connus de tous les récits mythologiques classiques, à base d'élu ("il est différent", dit un des premiers programmes du jeu), de figure du mal absolu et de sage omnipotent. Il ouvre ainsi la porte à une foultitude de références geek -Star Wars, Matrix, et même Charlie et la chocolaterie !- et au Graal de la SF, 2001, l'odyssée de l'espace. Comme si le film n'avait pas en lui de potentiel mythologique propre. C'est bien dommage, car malgré cela, le résultat final exerce une fascination indéniable. La preuve : après sa vision, je n'ai qu'une envie, le revoir (et le ré-écouter !).

  • Kaboom (2010)

    Un film de Gregg Araki

    8568289018_b20a3aa8a3_m.jpgSmith, sexuellement "undeclared" (comprendre : couche avec des filles comme des mecs), vivote sur le campus en compagnie de sa meilleure copine, une Daria en puissance. Le récit commence comme une comédie surréaliste, avec sa voix-off décalée et son esthétique acidulée. Mais sous cette surface vernie à l'artifice, se terre une chronique douce-amère des errements sentimentaux de ses protagonistes, qui rappelle un peu les BD indé américaines de Daniel Clowes (David Boring en tête). Comme chez Clowes, la tranche de vie vire rapidement à une enquête (qui sont les hommes-animaux qui apparaissent à Smith ?) flirtant avec le film de complot globalisé. Percutant les genres, Araki nous emmène à une terre d'entre-deux jamais évidente, difficile à prendre au sérieux ; comment être fun et étrange, dramatique et onirique ?

    Ainsi, Kaboom se pose un peu comme un gigantesque point d'interrogation narratif, qu'arriverait-il si... ma copine était une adapte de la magie noire, si mon père était membre d'un ordre secret, … Tellement déconnectée de la réalité qu'Araki semble malgré tout vouloir dépeindre, beaucoup de ces propositions bouchonnent l'empathie et l'intérêt du spectateur. 

    A un moment, on pressent que Araki a voulu réaliser un film d'envergure, avec sa galerie de personnages tous trempés dans une intrigue mondiale, une prophétie millénariste et ses grandes questions (jamais résolues). Puis, le film reste coincé par ses limites (budgétaires entre autres) et ses parti-pris (indépendant versus commercial). Il ne ressemble finalement à rien d'autre qu'à un film de Gregg Araki, avec ses obsessions et ses thématiques maîtresses. Un peu comme pour Wes Anderson et La vie aquatique, qui visait le film d'aventures et arrive à ... un film de Wes Anderson, atypique, dépressif et joyeux, dramatique et comique. 

    Kaboom est décevant malgré l'invention, le télescopage des genres et des personnages, car on se désintéresse petit à petit de ce qui se passe à l'écran, jusqu'à un final marquant un certain point de non-retour dans le n'importe quoi intersidéral. C'est dommage tant la première partie (la vie au lycée) est dépeinte avec verve et drôlerie.

  • Waking Sleeping Beauty (2010)

    Un film de Don Hahn

    5486190681_e9e7a44245_m.jpgQuelle (bonne) surprise à la vision du programme du sympathique festival Cinémino à Annecy, lorsque l'on découvre, au détour d'un programme (bien caché, quand même) la projection de ce documentaire, sorti originellement dans 6 salles en France ; il retrace une décennie-clé dans l'histoire du Studio Disney, de 1984 à 1994, où le passage de témoin entre la vieille garde des aînés (les "Nine Old Men", collaborateurs historiques de Walt Disney) et de jeunes animateurs passionnés par l'animation, voulant faire évoluer le médium, ne se déroule pas sans heurts.

    De Taram et le chaudron magique, trop sombre et violent, au Roi Lion, réussite artistique et financière incontestable, le documentaire dessine un portrait en creux de l'évolution de ces dessins animés. En effet, peu de choses sur le travail des animateurs en tant que tel ; Don Hahn, producteur de La Belle et la Bête, Le Roi Lion ou du Bossu de Notre-Dame, insiste sur le pool décisionnel du Studio, et la lutte intestine qui y prend place. Entre Michael Eisner, Jeffrey Katzenberg et Frank G. Wells, les violons ne se sont jamais accordés. Une multitude de documents d'époque nous conte tout sauf un film Disney ; il en est autrement dans les films que dans la vie. Là, les divergences d'opinion, les décisions unilatérales, le pouvoir de la finance, font des victimes : les artistes.

    Le documentaire a le mérite de montrer, sans fard, la dureté d'un système où la rentabilité est reine. Même si l'on sait la perte de vitesse du Studio dans les années 60-70, on est abasourdi quand les décideurs évoquent l'idée de mettre un terme aux activités cinématographiques du Studio pour se concentrer sur les parcs à thèmes, les produits dérivés ou la télévision.

    Le fond du film est donc assez sombre : découragement, incompréhension entre les équipes, travail de sape (la promotion abandonnée au premier jour d'exploitation de Bernard et Bianca au pays des Kangourous, révolutionnaire par son usage des technologies numériques), vie familiale inexistante, évocation de décès tragiques ... Il laisse peu de place à l'émerveillement, l'enchantement qui est traditionnellement le fond de commerce de Disney, et montre que des films où tout finit toujours bien sont enfantés dans la douleur. Malgré cela, certaines séquences arrive à faire poindre la magie des animateurs, comme celle où un artiste mime l'entrée en scène de Sébastien dans La petite Sirène, la musique du film se superposant à ses gestes.

    Pour tous les passionnés d'animation et du studio Disney en particulier, c'est une chance d'assister à tous ces événements marquants de la vie du Studio, un peu comme "si on y était vraiment"... Des moments précieux et rares qui parlent avant tout de tout ce qui entoure le film et des hommes et femmes qui le font, plutôt que des films eux-mêmes.

  • Black Swan (2011)

    Un film de Darren Aronofsky

    5468339335_b8e695a4dd_m.jpgLe film était attendu, la fièvre entretenue par une bande-annonce promettant beaucoup. Et l’on sait bien que les attentes, les promesses, si elles sont parfois récompensées (Inception, The Fountain) sont souvent déçues.

    Mettons nous bien d’accord, Black Swan est loin d’être un mauvais film. Les thèmes du double négatif, de la passion dévorante pour un art qui finit par nous consumer, de l’aliénation, tressés par le motif du ballet, sont présents, traités et parfois même nous transportent (la courte scène de danse entre le chorégraphe et sa danseuse, celle de la boîte de nuit et de la scène d’amour qui s’en suit). Mais ces rares îlots de pure puissance cinématographique sont noyés dans une représentation très, trop, contrôlée, des tourments de l’héroïne. Le film, à l’image de Natalie Portman, apparaît crispé, et ne libère pas les promesses d’un spectacle potentiellement extrême, esthétiquement et thématiquement. Cadrant Natalie toujours en gros plan, la sensation d’asphyxie se fait rapidement sentir, mais ne joue pas en la faveur du film. On pourrait dire aussi que le film n’arrive jamais à la hauteur de la musique de Tchaïkovski, puissante jusqu’à l’hystérie. Peu de mystère est fait autour de la folie du personnage principal, cadres et musique insistant sur des éléments par trop révélateurs. La danseuse est ainsi littéralement hantée par le Lac des Cygnes, en rêve, et dans la réalité : sonnerie de portable et boîte à musique constituant la part la plus maladroite du lot.

    A trop fonctionner par oppositions claires (blanc/noir, homme/femme, crispée/détendue, frigide/nymphomane, pur/impur), le propos du film se simplifie à outrance, laissant trop bien voir là où il veut nous amener ; alors que dans le même temps, le spectateur est sensé épouser le point de vue désorienté de Natalie Portman. La mise en abîme, reproduisant la trame du Lac des Cygnes dans la vie de la danseuse, ne brille pas par sa nouveauté, ni son pouvoir de fascination, conséquence directe du point précédent. L’ensemble sonne malheureusement comme du déjà-vu, ses inspirations évidentes (Cronenberg, Powell-Pressburger) ayant en plus fait mieux par le passé.

    Le vrai souci du film repose sûrement dans sa bande-annonce, tant la version en salle n’apporte pas beaucoup plus d’éléments. Tout est déjà condensé dans ces quelques secondes mises bout à bout. Le manque de surprises, de folie et donc d’ampleur est forcément décevant. Reste alors la performance évidente de l’actrice principale, un Vincent Cassel également très bien dans le rôle, et la musique. Ce qui n’est pas si mal, mais l’on attendait tellement plus…

  • Batman et Red Hood : sous le masque rouge (2010)

    Un film de Brandon Vietti

    5097819918_7a82db07fb_m.jpgLes inédits dvd de chez DC témoignent d'un niveau tel qu'on est presque surpris de les découvrir directement chez soi, dans la quiétude (rapidement chamboulée) de notre salon, ou bien devant son ordinateur, la tête surmontée d'un casque audio (pour la VO, c'est bien mieux, je vous le conseille !). Superman Doomsday (Laurent Montgomery, 2007) était d'une redoutable efficacité ; Justice League : New Frontier (Dave Bullock, 2008) faisait preuve d'une belle recherche esthétique et constituait une adaptation honnête de la BD de Darwyn Cooke ; Batman et Red Hood vient aujourd'hui jouer sur les terres du superbe Batman contre le fantôme masqué (Batman : Mask of the fantasm, seul long métrage animé issu de la mythologie Batman à avoir franchi les portes de salles de cinéma américaines). Une fois n'est pas coutume : alors que même ce dernier film a mis de longues années à être disponible en vidéo en France, Warner a décidé de sortir Batman et Red Hood quelques mois seulement après les Etats-Unis. Preuve de leur confiance dans la qualité de ce long-métrage?

    Le scénariste (Judd Winick, qui adapte sa propre BD) a une parfaite connaissance de la continuité malmenée de l'univers, comme les créateurs nous l'avaient démontré dans l'excellente série animée Batman des années 90, de Paul Dini et Bruce Timm (qui officie ici en tant que producteur). Ils nous emmènent ainsi à la fois dans la filiation des différents Robin, éternelle figure d'allié de Batman qui a pris bien des visages depuis sa première apparition en 1940. Piochant dans le récit célèbre de A death in the Family où l'on voit Le second Robin périr sous les coups du Joker (aussi repris dans le très bon Batman, la relève : Le retour du Joker), jusqu'aux derniers épisodes dessinées des aventures du chevalier Noir (la mini-série Battle for the cowl) pour la réapparition d'un ancien souvenir de Bruce Wayne, Red Hood navigue entre les époques, les personnages, pour fonder la brutalité et la radicalité d'un propos que la violence graphique n'effraie pas. On perçoit à chaque plan une profondeur digne d'un Dark Knight (Christopher Nolan, 2008), entre un Joker psychopathe, un Batman torturé, solitaire et peu amène, et la ville de Gotham comme un personnage en tant que tel, un niveau de l'enfer que sillonnent jours et nuits pillards, bandits et justiciers.

    L'identité de Red Hood découverte, c'est la tragédie et la mélancolie qui se fraie un chemin dans les rues sombres et puantes de Gotham : oui, Batman et Red Hood est un véritable film noir en puissance, qui tiendrait tête à plus d'un, par le biais d'une caméra mobile faisant la part belle aux plan-séquences survitaminés, l'action dosée avec un soin rare, motivée par un storytelling d'une folle cohérence où tout découle de ce qui vient de se produire à l'écran, flash-backs à l'appui. La musique, digne d'un grand film live, accompagne la noirceur de l"oeuvre avec brio.

    Entre Blackmask, superméchant effrayant et mortel, et Ra's Al Ghul, maître en arts martiaux et occultes, immortel se baignant dans le puits de Lazarus, un Joker taré et le mystérieux Red Hood, aux méthodes punitives extrêmes, la galerie des monstres est bien remplie, mais ne fait pas que du passage, du temps de présence à l'écran pour faire plaisir aux fans : ils sont le coeur d'une dramaturgie poussée où tout fait sens. Les bons films sont où on ne les attend pas, et Batman et Red Hood se hisse dans la liste des meilleures surprises de l'année !