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  • Forbidden Zone (1980)

    Un film de Richard Elfman

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    Quelle ne fut pas ma surprise de voir programmé, à la MJC de Novel d’Annecy, ce film inclassable à l’acide parfum de culte qu’est Forbidden Zone, rare film du frère de Danny Elfman ; à l’année, la programmation de cinéma de patrimoine dans la ville est tout de même anémique, c’est le moins que l’on puisse dire, malgré son glorieux passé cinéphile. C’est donc avec une joie non dissimulée que j’entrais dans la salle ce mercredi, pour pouvoir découvrir ce Forbidden Zone dont la sortie vidéo quelques années auparavant par Le chat qui fume m’avait alléchée.

    Devant un public d’irréductibles, somme toute réduit, se déroule la bande tant convoitée. Noir et blanc, format 4 :3, une maison en carton pâte, sur lequel un autre (carton) nous dicte le faible argument : au sous-sol de cette maison, il y a une porte. Derrière cette porte, se cache la redoutée 6ème dimension, aussi appelée… la Forbidden Zone. La musique tonitruante de Elfman frère (le connu) et de ses Oingo Boingo, sorte de New-Wave pop gothique (qui me rappelle aussi Oui-Oui, le groupe créé par Michel Gondry) sert de catalyseur dynamitant le film de l’intérieur.

    Une famille de dégénérés (celle qui vit juste au-dessus de la fameuse porte) va donc se retrouver aux prises avec cette fameuse Forbidden Zone. Femmes fouettées, institutrice adepte de la mitraille, amours contre-nature (un crapaud, ça vous tente ?), chandeliers planant, reine digne de Alice au pays des merveilles avec son petit roi obsédé sexuel (Hervé Villechaize de la série L'île fantastique), à l’instar de tous les personnages du film, c’est un défilé non-stop de personnages et situations délirants. La joyeuse farandole, tantôt dansée, tantôt criée, nous prend par la main pour que l’on vibre avec elle, d’un rire d’enfant pas sage face à d’autres qui s’en donnent à cœur joie. La break dance, exécutée par une caricature de mac dans une salle de classe, conjugue ainsi beauté du geste et apparente désinvolture, donnant vie à un amusement public de haut vol.

    On se croirait passager d’un train foutraque conduit par Ed Wood, et l’on imaginerait bien Thor Johnson, le colosse chauve, débarquer avec sa peau de bête. Le passage de l’entre-deux mondes, une sorte de trou du lapin sorti d’Alice au Pays des merveilles, là encore, prend l’apparence d’un intestin, d’où les heureux voyageurs sortent en vociférant "Shit !" dans un bruitage sans équivoque.

    Et, quand on rencontre enfin le taulier, c’est une taulière, toute droite sortie d’un film de John Waters (ou de Russ Meyer), sexuelle et enragée. Forbidden Zone mène sa barque à un train surréaliste, ballade onirique où les vitres sont faites en papier mâché. La galerie de portraits est, elle, déjantée pour de vraie, le freak délicieusement joyeux. Du culte concentré sur pellicule, avec une bonne barre de rire en sus ; un mélange qui déménage et fait bien plaisir, bousculant les normes (qu’est-ce qu’un film ?) et la normalité, thème que Danny Elfman continuera d’illustrer avec bonheur, notamment dans l’excellent Batman, le défi et son pingouin libidineux.

  • Twentynine palms (2003)

    Un film de Bruno Dumont

    5166332950_267c212579_m.jpgLe choc. La crise. Les larmes, la terreur, lors de la découverte de ce film au cinéma il y a queslques années, qui résonne encore aujourd’hui. Ce film, l’histoire d’un couple hors normes (un américain et une russe) est un dépassement, un exploit, une prouesse. Surpassant le clivage si facile des genres, Bruno Dumont réussit à embrasser toutes les ambiances dans ce road-movie indie. Une trame minimaliste, forte, lourde, fabuleusement visuelle. Une histoire régressive entre deux personnes trop proches dans ce désert pour une fois vraiment (désert).

    Bruno Dumont signe un terrible essai sur la communication, cet outil vital pour co-exister. La communication orale n’est plus d’actualité entre les deux tourtereaux quand la langue est trop différente. Dès lors, c’est sur un plan essentiellement sexuel que s’aborde la communication entre les deux individus, seul plan fusionnel ; les autres sont tous source de conflits, légers ou parfois plus durs. L’incompréhension qui régit l’essentiel des rapports entre les deux personnages est aussi culturelle : voir la scène de la cafétéria où Katia reproche à David de regarder une autre fille ; elle lui dit sans sourciller "tu peux aller avec elle si tu veux". Des incompréhensions ce film bizarre, insoutenable, beau de façon si étouffante, en regorge.  Cette relation exclusive, est déséquilibrée dans son rapport excessif à la sexualité, seul terrain d’expression où les deux amants  excellent. David, colérique, impulsif, ne vit pas sur la même planète que Katia, naïve, "étrangère", et pourtant a l’air de vivre une histoire belle et simple. Mais rien n’est vraiment simple quand on parle de passion, d’exclusivité. La communication bancale dont font preuve les deux amoureux est pointée comme un manque vital.

    Extrême, brutale, cette histoire d’un autre temps où les moments les plus significatifs sont des joutes de grognements bestiaux nous montrent tels que nous pourrions être : des animaux (légèrement) civilisés. Mais grattez le vernis social déjà écaillé et vous y verrez peut-être l’ombre de Twentynine Palms…

  • Avec Django, la mort est là (1968)

    Un film de Antonio Margheriti

    5158895888_57a841981b_m.jpgAussi appelé Vengeance, ce titre, signé par Margheriti sous le pseudo de Anthony Dawson, embraye le pas au Django originel de Sergio Corbucci. Sa parenté avec ce dernier doit être levée, fruit de la traduction française ; le héros de Vengeance s'appelant Joko (on voit d'ailleurs ses initiales sur sa valise). Dans d'autres pays, il sera nommé Rocco ou Roko. Il s'agit donc d'un faux Django parmi d'autres, légion après le succès du film de Corbucci. Dans le rôle de Joko, Richard Harrison joue lui aussi un double de Clint Eastwood dans les films de Leone, le modèle entre tous, comme Franco Nero dans Django. Ce dernier avait malgré tout un charisme bien supérieur à Harrison, qui n'a que la barbe naissante, la peau basanée et un costume de cuir pour rivaliser : c'est maigre, mais déjà ça. Un des personnages principaux de l'intrigue n'est autre que Claudio Camaso, le frère de Gian Maria Volonte (il entretient une ressemblance certaines avec son parent). On essaye ici de trousser un double d'un autre film, les éternelles sources d'inspiration étant Corbucci et Sergio Leone.

    Il sera donc question de vengeance ici, oui ma bonne dame. Des mauvais mexicanos ont troué la peau des pote à Django et ce dernier se fait un devoir de leur rendre un dernier hommage par le sang. Ce qui n'est tout de même pas mal, c'est que le héros et ses "copains" décédés -d'après une ligne de dialogue en français, magnifique : "Il a tué mes copains. Et il va le payer de sa vie" sont tout de même déjà des crapules finies, prises aux piège lors d'un casse. Les tueurs que poursuit Django sont donc, encore plus qu'eux, de salauds irrécupérables et sadiques !

    Les décors, loin des espaces colorés (rouges, orangés, ciel bleu azur) des films américains, sont comme délavés (ou alors, autre possibilité, c'est la copie qui l'est, celle proposée par Seven 7 sur le DVD n'étant pas de première jeunesse), terreux, d'ungris uniforme. La mort semble déjà avoir fait son œuvre dans le village où atterrit Django. Comme le disent les autochtones, "les seuls divertissements du coin sont les enterrements". Et Django va leur en donner... Ce dernier, dans sa quête de vengeance, n'hésite pas à revêtir l'étoile de shérif, uniquement dans le but de descendre un chef de bande impliqué dans la mort de ses compagnons. Sitôt le boulot accompli, il rendra son permis de tuer. Rusé, aussi taciturne et laconique que l'Homme sans nom, il traîne sa carcasse à  travers un pays désolé dans lequel il pourrais bien mourir : rien ne semble compter si ce n'est son sombre dessein. Jane, une prostituée qui joue de la guitare, se rapproche de lui mais il n'est pas sensible à ses charmes ; de là à se demander quels liens unissaient vraiment la bande d'amis, il n'y a qu'un pas, d'autant que, dans le flash-back réglementaire (passage obligé du genre expliquant les tenants et aboutissants de l'intrigue), on voit que le jeune Ricky intéresse Mendoza, le troisième larron, de façon autrement qu'amicale. Les liens qui les unissent sont donc forts, ils le seront encore dans la mort.

    Il est amusant de voir cité à tour de bras un côté fantastique dans ce western qui n'en contient … aucun ! Un décor un tant soit peu original (les tréfonds d'une mine de soufre) n'ayant jamais invoqué une atmosphère fantastique à lui tout seul. Ce dernier, tout de même, est bien photographié et propose un final original à la tuerie rédemptrice du héros. En effet, si dans un premier temps, il a l'air autant à la poursuite des tueurs que du trésor qu'il a volé avec ses compères, on s'aperçoit vite qu'il a juste soif de vengeance.

    Le métrage est souligné par une musique fort peu inspirée de Carlo Savina, qui, une foid encore, tente de pomper l'univers de Leone. Avec ses instrumentations minimalistes (dès que la tension survient, un petite suite de notes gratées à la guitare, toujours identique, vient nous prévenir, sans démontrer de talent mélodique, au contraire des chants de Morricone. Lors des scènes plus enlevées (passage de diligence, course dans les grands espaces), l'accompagnement musicale devient une sorte de cavalcade qui crie "vengeance". Tout cela est finalement assez marrant si on l'attaque au second degré. Loin d'être une grande réussite du genre, on ira plutôt revoir un Tire encore si tu peux ou Le dernier face-à-face, réalisés à la même période par Giulio Questi et Sergio Sollima.