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  • Dossier : la cinéphilie et le DVD, partie 3

    Continuant le travail commencé ici puis , voici la troisième partie de notre réflexion sur les rapports étroits entre un objet, le dvd, et un concept, la cinéphilie.

    II. Le DVD, un nouveau rapport au film


    A. Le descendant du Laserdisc

    Pour parler du support DVD, il faut remonter quelques années en arrière, jusqu’à l’avènement de la cassette vidéo. Le support transformait le film en un objet qu’on pouvait tenir dans une main, garder, échanger. L’essor de la vidéo donna naissance à une nouvelle industrie : la domestication du film, induisant de nouveaux usages cinéphiliques en dehors de la salle de cinéma. La seconde révolution des usages vint avec le premier support pensé pour le cinéphile : le Laserdisc. Lancé en 1987, il s’éteindra une dizaine d’années plus tard. Il avait pourtant certains arguments pour supplanter la VHS enregistrée, qui furent repris par le DVD : en premier lieu une définition supérieure de l’image, un son numérique et la possibilité de choisir entre la version française et la version originale. De plus, c’est avec ce support qu’est né le concept du bonus. Le cinéphile pouvait pénétrer à l’intérieur de l’univers du film, avec making-of, explications de toutes sortes, filmographies, etc.

    D’imposantes barrières se sont vite opposées à une réelle démocratisation du support et finalement à son succès. Un prix prohibitif, un encombrement certain (le support avait la taille d’un disque vinyle 33 tours et le lecteur était imposant), qui faisait aussi qu’un film à durée "standard" (autour de 2 heures) occupait les deux faces du disque, impliquant le changement en cours de visionnement. Bref, le Laserdisc, tout en faisant office de support cinéphilique pionnier, devait être supplanté par une nouvelle révolution : le DVD.

    Pour lire la partie complète, c'est par là que ça se passe

  • Michael Jackson n'est plus

    Smooth_criminal_video.jpgVous allez me dire, mais que vient faire Michael Jackson dans ces chroniques ? Plusieurs raisons me viennent à l'esprit, certaines plus personnelles que d'autres. Mais avant tout, on n'a rien compris si l'on pense que Michael Jackson n'était pas un homme d'images. L'inventivité de ses clips, à commencer par le mythique Thriller (qui a marqué la première incursion d'un artiste noir sur la chaîne américaine MTV). La variété de ceux-ci, brassant tous les genres (attrait marqué pour le fantastique, polar avec Smooth Criminal ou Bad, réalisé par Martin Scorsese, film d'animation avec Speed Demon, peplum pour l'égyptophile Remember the Time, sport avec Jam, et j'en oublie).

    Le cinéma était très important dans la démarche artistique de Michael Jackson, lui qui a toujours voulu se frayer un chemin vers les salles obscures sans vraiment y parvenir (qui se souvient de The Wiz, version noire du Magicien d'Oz avec Diana Ross en Dorothy, et l'on pourra dire sans peine que Moonwalker, film dédié à la promotion de son album Bad, est bien bancal, malgré quelques fulgurances. Mais certains de ses clips font clairement référence au processus de création cinématographique, à commencer par Liberian Girl, qui voit un défilé impressionnant de stars eighties, qui attendent tous la venue de Michael Jackson pour tourner un clip... La fin nous montre que Michael Jackson lui-même était derrière la caméra pendant tout ce temps ! Richard Dreyfus, Steven Spielberg -et son fameux plan-signature travelling arrière-zoom avant, Whoopi Goldberg, Danny Glover, Dan Ayckroyd, bref la totale. Son exigence de l'image parfaite l'engage à aller voir des réalisateurs renommés pour réaliser ses clips, que ce soit John Landis (Le loup-garou de Londres) pour Thriller, Spike Lee (Do the right thing, Malcolm X, La 25e heure) pour They don't care about us et même David Fincher pour Who is it ?, avant son passage au long métrage.

    L'énorme clip Black or White, conçu pour lancer la promotion de l'album Dangerous, est un tour du monde qui devient par là un panorama du cinéma, du western à la comédie Bollywood.
    Au-delà des images, c'est évidemment par la musique qui les accompagne (mélange de la soul noire et de la pop américaine, avec un soupçon d'avant-garde dans les arrangements musicaux, toujours au cordeau), épaulé par une voix unique, que Michael Jackson s'est fait une place dans l'Histoire du 20e siècle. Sans conteste plus grand showman sur terre, ses trouvailles dansées remarquables (le moonwalk restera son mouvement le plus marquant, devenant la signature d'un style fin, et toujours dominé par une dimension magique - voir son lean-over dans Smooth Criminal) survivront à tous ses successeurs ; bref, en même temps qu'il disparaît, avec lui s'efface un pan de l'histoire. Homme de tous les superlatifs, de tous les records (Thriller est l'album le plus vendu de tous les temps et, vu les ventes du monde du disque, le record ne risque  pas de tomber de sitôt), Michael Jackson semblait venu d'ailleurs. Un personnage de cinéma. So long, MJ !

  • Ciné d'Asie : Meurtre à Yoshiwara (1960)

    Un film de Tomu Uchida

    3649101963_a6836c3407_m.jpgWild Side Video nous fait découvrir des pans plutôt méconnus du cinéma asiatique avec le coffret Tomu Uchida, sorti en 2006.

    Ce film-ci, narrant la vie pleine de péripéties de Jirozaemon, abandonné à la naissance à cause d’une "horrible" tache sur la joue droite, marque une belle réussite de son auteur.

    La première partie du film s’étend à caractériser le handicap social de l’homme par rapport à sa marque disgracieuse ; malgré une réussite professionnelle sans conteste -il devient un prospère marchand de soie-, les qu’en dira-t-on  ne cessent d’évoquer sa laideur, qui l’empêche, même adulte, de trouver une épouse. L’homme est donc accablé socialement par un défaut physique, malgré une qualité d’être qui ne fait pas de doute. Uchida, pour signifier l’isolement du personnage, compose des cadres symétriques, symétrie que le visage de Jirozaemon ne connaît pas. Sa mise à l’écart sociale s’appuie sur un détachement visuel, le fond et la forme s’accordant d'une bien belle manière. Alors que la majorité des plans font appel à une symétrie classique, donnant aux différents plans un éclat évident, le défaut de l’homme n’en ressort que plus.

    La symétrie va ici de pair avec la beauté flamboyante d’un Scope couleurs extrêmement travaillé : les tons sont quasi pastels, procurant à chaque image le ton doux des estampes japonaises ; on retrouve ici un autre contraste, entre le velouté des couleurs et la tonalité sombre du récit, annoncé dès le titre ; on ne trompe personne, cette histoire est un drame.

    Un drame car encore une fois, le film s’ingénue à opposer deux situations qui vont être le quotidien de Jirozaemon : alors qu’il est un marchand reconnu, faisant par ce biais partie de la bonne société, sa quête d’une épouse va l’obliger à fréquenter assidûment les bordels de Yoshiwara, où il tombe amoureux d’un prostituée, ancienne taularde  qui s’est retrouvée là par obligation. S’oppose alors deux logiques, celle du travail -son entreprise de soie a besoin d’argent car les récoltes n’ont pas été bonnes- et celle du plaisir -la fille de joie veut bien l’épouser s’il lui permet de devenir première courtisane, ce qui demande des fonds importants.

    Le film, fonctionnant continuellement sur des extrêmes contradictoires, est de fait très clairement construit. La trajectoire tragique du personnage principal, handicapé dès la première image, est terrible et s’expiera dans un final marquant. La sournoiserie de la jeune fille, aussi belle que vulgaire, répond à l’opportunisme des tenanciers des maisons closes, qui échafaudent sur le dos de Jirozaemon un plan pour lui soutirer encore plus d’argent. La force tragique du récit, accompagné par quelques fulgurances visuelles, est assez remarquable, surtout dans sa dernière partie. Avant cela, le début nous aura paru tout de même un peu long à se mettre en place. Une belle découverte pour un cinéma nippon toujours surprenant.

  • Annecy 2009 : Coraline

    Un film de Henry Selick

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    Ex-æquo avec Mary and Max (les jurys- et pas qu'eux- ne partageant pas notre réaction sur ce dernier film), est couronné cette année le magnifique Coraline, fable adaptée d’un récit de Neil Gaiman (décidément dans tous les bons coups : Stardust et Beowulf dernièrement).

    Une petite fille atterrit avec ses parents dans un endroit paumé et bien grisâtre, alors qu’elle trouve dans leur maison un passage vers un autre monde, un dopplegänger opposé, où ses parents sont sympathiques, et où le jardin est le théâtre d’une symphonie de couleurs ininterrompue ; tout y est donc plus attirant, mais quelque chose cloche, et ce pourrait bien avoir à faire avec... le fait qu’ils ont des boutons à la place des yeux !

    Rappelant à nos mémoires les terreurs enfantines, le film tire sa force d’une unité assez exceptionnelle, oscillant entre émerveillement -certaines séquences sont d’ores et déjà à classer dans les plus grands moments de l’histoire de l’animation, tel la danse du cirque des souris de M. Bobinski, la découverte du jardin féerique imaginé par l’Autre Mère- et frissons, lors des débordements finaux de cette fameuse Autre Mère. Il y a dans la façon d’explorer la typologie des décors une grâce évidente, à base de travellings survolants, et de cadres captant toujours au mieux les expressions des personnages, autant que les étrangetés topographiques des lieux. Centré sur un trip à la Alice aux pays des merveilles, le film a la bonne idée de nous intéresser aux deux mondes parallèles avec une même intensité, ce qu’avait échoué à mettre en place les Noce funèbres de Tim Burton, utilisant un dispositif similaire. La raison en est toute simple : durant le film, qui que nous soyons, nous sommes Coraline, nous vivons son aventure. Expliquer cela par A+B me paraît impossible, et pour le coup inutile. Tel est le film, naissant d’une alchimie entre divers éléments tels l’image, la musique, les voix, le fil des actions, les personnages...

    Émerveillement versus (petite) frayeur, le cœur du film est dans l’opposition de deux mondes aussi fantastiques l’un que l’autre, et c’est sûrement là tout le sel de ce beau film. Le monde "ordinaire" de Coraline ne l’est pas le moins du monde. Entre un jeune garçon étrange (sa première apparition en fait un petit monstre), un puits -presque- sans fond, un domaine avec sa maison rosée absolument pas croyable, bref cette inquiétante étrangeté (qui habite assez souvent nos chroniques) est de mise dès le premier plan. Le générique de début est d’ailleurs un petit chef d’œuvre à lui tout seul, et qui, en alignant des images de jolies peluches puis d’une anonyme main crochue, fait déjà de la duplicité thématique sa profession de foi.

    Aller voir Coraline, c’est donc embarquer pour un voyage trouble au pays des songes hantés, et qui, personnellement, constitue ni plus ni moins ma plus belle expérience ciné de l’année (n’oublions quand même pas les Watchmen qui m’ont carrément ensorcelés).

  • Annecy 2009 : Mary and Max

    Un film de Adam Elliot

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    J’assiste à la projection de ce long métrage avec une attente palpable, les antécédents du Monsieur ayant été unanimement salués (Harvie Krumpet, Oscar 2003 du meilleur court d’animation).

    Débute alors un film en demi-teintes, narrant la relation épistolaire de deux individus atteints de diverses névroses (comme tout un chacun, en fait). Une jeune fille complexée et aux repères mouvants donnés par son alcoolique de mère ; puis un vieil autiste obèse. Une série d’animation, Les Noblets, les relient indéfectiblement, tous deux étant animés par une même passion pour le show. Petit à petit se développe donc ce lien spécial, à distance, accompagnant chacun dans leur vie de tous les jours. Sur ce canevas pour le moins intéressant, vient malheureusement se greffer une esthétique morne, monochromatique, soutenu par le commentaire atonal d’un narrateur bavard (le casting vocal est d’ailleurs impressionnant, mais seulement sur le papier : Philip Seymour Hoffman, Toni Colette, Eric Bana). L’environnement sonore, clairement opposé entre les deux partis (enjoué pour Mary, désespéré pour Max) est soigné, et certains passages musicaux sont de vraies réussites.

    Déroulant certes une histoire touchante, pleine de bizarreries étonnantes -les hot dogs au chocolat du vieux Max, les déambulations et le look de mort-vivant de la mère imbibée de Mary-, le film reste cependant replié sur lui-même, à l’image de l’affection qui touche Max. L’émotion peine à poindre devant tant de morosité. Il est donc permis de s’y ennuyer, voire même d’éprouver une malaise correspondant à l’état d’esprit des deux personnages. Le réalisateur a-t-il réussi son coup ? Etait-ce la réaction escomptée ? Quoi qu’il en soit, ces impressions façonnent la déception qui nous étreint au sortir de la salle.