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  • Quatre mouches de velours gris (1971)

    Un film de Dario Argento

    5935903539_466c28f4a6_m.jpgRapidement après son sympathique Oiseau au plumage de cristal et un moyen Chat à neuf queues, Dario Argento alimente sa filmographie d'un troisième giallo, ultime pierre d'une trilogie animale dans laquelle il affine et radicalise son style.

    La séquence d'ouverture nous plonge dans un assourdissant concert de percussions, qui préfigure certains arrangements des Goblins dans Suspiria. Une furie sonore envahit l'espace, entrecoupés de plans d'une opacité d'ébène, qui nous offre la vision d'un coeur qui bat, accompagné en sourdine de son battement. Le coeur, comme la caisse du batteur, résonnent d'un rythme différent, à l'intensité variable, donnant peut-être un indice sur le mélange des genres que veut offrir Argento sur le film. Nous découvrons alors Roberto Tobias (Michael Brandon, ressemblant assez à une version idéalisée d'Argento), batteur d'un groupe de rock, tourmenté par une mouche. Le réalisateur, sûrement soucieux de poser un lien direct entre le contenu du film et son titre pour le moins nébuleux, nous enbobine du même coup comme il adore le faire, multipliant les fausses pistes.

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    La séquence suivante offre un parallèle assez flagrant avec la scène de meurtre dans L'oiseau au plumage de cristal : aux trousses d'un homme qui l'a suivi toute la journée, il se retrouve nez-à-nez avec lui dans un théatre désafecté, et, alors que l'inconnu brandit un couteau, ce dernier s'effondre après une rapide bousculade, mort. Sous la lumière blanche d'un projecteur, Tobias, hébété, un couteau ensanglanté en main, est pris en photo par un étrange indiviu masqué qui assistait à la scène, protégé par l'obscurité. Le montage, malgré sa caractéristique elliptique, ne cache pas vraiment que ce qui semble s'être produit n'est pas la réalité. Tobiais prend pourtant pour argent comptant le fait d'avoir tué accidentellement un inconnu. Cette scène est intéressante car elle démontre la facilité avec laquelle Dario Argento passe d'un effet de réalité tout à fait vraisemblable (éclairage, organisation spatiale, interaction sociale) à un onirisme qui fait exploser cet effet. Tout à coup, l'espace est déconstruit, les éclairages semblent irréels, et le réalisme fait place à une scène théâtrale dont la vie a été escamotée, comme un décor, en coulisse. La scène ne se veut jamais vraisemblable, ni même logique. On retrouve parfois cet vision dans certains films d'exploitations des années 60-70, notamment au Japon avec Yasuzo Masumura, Norifumi Suzuki ou Seijun Suzuki. L'utilisation de ce glissement chez Argento, comme si l'on percevait les sensations du personnage qui vit la scène, offre un résultat non pas maîtrisé mais flottant comme un cauchemar, brouillon, qui force l'immersion dans le film.

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    Au passage, on reconnaîtra la patte de Luigi Cozzi au scénario, plus versé dans la science-fiction, par le biais d'une séquence un peu hors-sujet où des scientifiques réussissent, en examinant au laser l'oeil d'une des victimes, à photographier sa dernière vision... une indication sur le meurtrier. On retrouve d'ailleurs cette intérêt pour la science dans Le chat à neuf queues, où l'on isolait le gène XYY de la violence. L'oeil innervé inspirera d'ailleurs plusieurs affiches lors de la sortie de Quatre mouches de velours gris.

    Le personnage principal, forcément chamboulé intérieurement par l'événement, est en plus persécuté par le "photographe" qui s'ingénue à lui faire comprendre qu'il sait tout, mais sans chantage. Un parfum d'étrangeté fort bien distillé sourd au fil des séquences, qui s'enchaînent avec de vraies trouvailles cinématographiques, et les passages les plus effrayants de la jeune carrière du réalisateur. la séquence de l'assassinat de la bonne reste ainsi comme le meilleur moment du film. Lorsqu'elle se rend dans un parc, de nuit, pour rencontrer le "maître chanteur", son audacieuse aventure se retourne contre elle, alors qu'elle tente d'échapper à un agresseur, dans un dédale devenu totalement surréaliste (un passage très étroit devient au fil des pas trop exiguë). De même, l'accompagnement musical laisse parfois la place à un silence de mort, comme lorsqu'une jeune femme, poursuivie dans une maison, s'aventurant dans une pièce au sous-sol, se cache dans un placard pour échapper au meurtrier.

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    Pour ce troisième film, Dario Argento maîtrise totalement l'art de la peur, tout en instillant pourtant des éléments comiques, alternance qui fait aussi partie de son style. Ici, c'est le personnage fantasque d'un détective (interprété par Jean-Pierre Marielle) qui joue ce rôle. Homosexuel quelque peu maniéré, il s'enorgueillit d'avoir à son actif plus de 80 affaires non élucidées, preuve irréfutable selon lui pour que la prochaine soit celle, enfin de la résolution. Ce qui se révèlera vrai... On croise également Bud Spencer, appelé Dieu (dans la version française comme dans la version américaine), ce qui nous vaut un beau moment où Tobias l'appelle au téléphone et l'implore : "Allô ? Dieu ?!". La variété des ambiance, la maîtrise technique et les terribles séquences de meurtres, font de Quatre mouches de velours gris (méconnu en France pour cause d'invisibilité en DVD) le meilleur Argento de son début de carrière. Alors, même si Michael Brandon ne joue pas très bien la comédie, la majesté visuelle de l'ensemble et les dérapages incontrôlés vers des scènes convoquant nos plus grandes peurs irrationnelles (peur du noir, du silence, des masques, ...) font de Quatre mouches de velours gris un moment tout à fait recommandable.

    A lire aussi : le Hors-Série Argento sorti chez Mad Movies en novembre 2010.

    La bande annonce américaine (la voix-off semble être celle de Vincent Price) : 

  • Le chat à neuf queues (1971)

    Un film de Dario Argento

    5645736313_637a3fa1e5_m.jpgAprès le succès de L'oiseau au plumage de cristal, les producteurs d'Argento veulent un nouveau giallo : la même formule, mais en plus international. Sont ainsi parachutés au casting James Franciscus, remarqué dans Les naufragés de l'espace et le sympathique Secret de la planète des singes, ainsi que Karl Malden, impérissable second couteau des films de gangsters, ou Archie Lee dans le moite Baby Doll d'Elia Kazan. 

    Un tueur en série sévit dans les alentours d'une clinique de pointe (dont le hall rappelle la galerie de L'oiseau au plumage de cristal) ; un journaliste (Franciscus), aidé d'un vénérable aveugle (Malden), lui aussi journaliste dans son jeune temps, veut tirer ça au clair. Les scientifiques sont sur le point de mettre au jour une remarquable découverte, la constante d'un génome finissant par XYY constaté chez les personnes violentes, faisant voler en éclat les théories de la psychanalyse moderne.

    Les thématiques de Dario Argento sont présentes de façon évidentes, notamment l'obsession de la vision (on suit le meurtrier dans une succession de plans subjectifs et d'inserts sur son oeil en gros plan, par ailleurs éclairé par une source de lumière très forte. L'ironie de l'enquêteur aveugle, tâchant de "faire la lumière" d'entre les ténèbres, est à savourer. De même, la vision partielle d'un événement, sous-entendant une information primordiale manquante, est également au centre du film, tout comme L'oiseau au plumage de cristal et, avant lui, le Blow-Up de Michelangelo Antonioni, matrice évidente de la première partie des oeuvres d'Argento. L'image est le centre nerveux du film, la nécessité de voir en pleine lumière et en "version intégrale" les événements passés fonctionnent comme une métaphore d'un cinéma respectueux de la vision du cinéaste. L'image  virevolte au gré des personnages, épousant tour à tout la vision subjective de chacun d'eux, composant par là un kaléidoscope d'images qui s'entrechoquent. Le titre ouvertement fantastique du film fait écho au premier, un chat chassant l'oiseau...

    La mise en scène et le montage sont tout à fait cohérents avec la primauté de la vision, multipliant les plans aux différences d'échelles notables (un très gros plan succède à un plan d'ensemble, obligeant le spectateur à adapter en continu sa propre vision) ; les inserts interviennent par ailleurs de façon assez expérimentale, illustrant les réminiscences des personnages, ou le cours de leurs pensées, s'inscrivant à contre-courant d'une narration traditionnelle. Nicholas Roeg nous fera profiter de la même structure dans son très beau Ne vous retournez pas (1973). Tout comme L'oiseau au plumage de cristal, la valse de suspects est de mise, les fameuses neuf queues du chat (en points d'interrogation comme il se doit) représentant les différentes pistes possibles. La scène du barbier qui devient l'espace de quelques minutes un danger trop proche pour Franciscus en est un exemple parfait.

    Le ton du film est effectivement plus passe-partout que L'oiseau au plumage de cristal, plus lisse, à l'image du jeu distancié de Franciscus, peu concerné. L'humour introduit par la relation entre l'aveugle et la fillette qu'il a recueillie, et le personnage ouvertement comique du flic, font un peu tâche dans une enquête se voulant autrement tendue. Cet humour fait néanmoins partir du style Argento, comme en témoignent les scènes de la version intégrale des Frissons de l'angoisse concernant David Hemmings et Daria Nicolodi. Peu de scènes sortent de l'ordinaire, et les chocs annoncés sont pour le moins expédiés (la scène de la gare, qui aurait pu être mieux gérée en termes de tension et de timing). Les cadrages sont précis et parfois impressionnants, montrant une plus grande maîtrise de l'outil que dans son premier essai ; néanmoins, l'ensemble est beaucoup moins charmant, dans le sens où les moments mémorables manquent. Et que dire de ces ouvertures successives de portes dans l'hôpital, sinon qu'elles sont plutôt embarrassantes, n'étant pas au même niveau que le reste du film. Pas étonnant qu'Argento ne place pas Le chat... dans son cœur, -les injonctions des producteurs, les acteurs complètement absents -à part Malden- malgré le jalon technique qu'il pose, et l'affirmation de ses thématiques clés. 

  • L'Oiseau au plumage de cristal (1970)

    Un film de Dario Argento

    5546289886_be5666b764_m.jpgPour son premier film, Dario Argento met au grand jour ses inspirations, tout en leur insufflant un univers tout à fait personnel, déjà empli des obsessions qui feront toute son œuvre. S’inscrivant dans la tradition littéraire du giallo (polar à énigmes popularisé en Italie par les éditions Mondadori et leurs couvertures jaunes - giallo en italien), il y projette en effet le suspense d’Hitchcock et la narration toute en images et musique chère à Sergio Leone. Rappelons que Dario Argento, d’abord scénariste, a participé à l’écriture du scénario du cultissime Il était une fois dans l’Ouest (1968). De fait, il créera des scènes de meurtres très graphiques, poussées dans une gradation vers l’horreur au fur et à mesure des films, qui en feront une marque de fabrique de sa première période. Son virage vers le fantastique est très clairement marqué à partir de Suspiria (1977), et sa rencontre avec l’actrice Daria Nicolodi, passionnée par les sciences occultes.

    Dans L’Oiseau au plumage de cristal, premier opus de ce qu’on appellera la trilogie animale du cinéaste (avec Le chat à neuf queues et Quatre mouches de velours gris, tous deux sortis en 1971), Sam Dalmas, un écrivain, est témoin d’une étrange scène de meurtre dans une galerie d’art. Durant tout le film, il n’aura de cesse d’essayer, comme obsédé, de se remémorer un détail entrevu lors de cette scène, la clé de toute l’affaire. Cette scène est exceptionnelle car fondatrice du cinéma d’Argento sur le plan visuel, et matrice de l’obsession de ses héros pour un élément pourtant vu mais oublié : un voyage vers la mémoire retrouvée. On retrouvera la même problématique chez Suzy Banner dans Suspiria (1977) et surtout, David Hemmings dans Les frissons de l’angoisse (1975). Ce dernier n’est pas là par hasard, tant son rôle dans Blow-Up (1967) de Michelangelo Antonioni a directement influencé Argento. Comme Sam Dalmas, il n’est pas policier mais va tout faire pour y voir plus clair et élucider un mystère, une scène initiale dans laquelle tout est là mais où les yeux sont abusés, trompés.

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    Dalmas assiste de l’extérieur à la scène de meurtre se déroulant à l’intérieur de la galerie, comme enfermée dans un cadre rappelant l’écran large de cinéma, qu’Argento utilisera pour ses films les plus marquants, et plus encore une scène de théâtre, d’où un Fantôme de l’Opéra tout de noir vêtu semble rapidement s’échapper en coulisse. La lumière qui se dégage de la scène, incluant des statues imposantes et monstrueuses, en fait un moment onirique déconnecté de la réalité, tout à fait invraisemblable (comme commettre un meurtre dans une vitrine de magasin, au vu et au su de tous). La géométrie de l’endroit est également très étrange, la galerie étant séparée de la rue par deux parois de verre pouvant se refermer comme un sas -ce qui arrive à notre écrivain, rapproché trop près de la scène. Même à quelques mètres, Dalmas n’arrive pas à tout comprendre, et pour cause : la vitre offrant une isolation phonique, il n’arrive pas à communiquer avec la victime. Un sens lui fait toujours défaut. Ce mélange d’onirisme, d’invraisemblance spatiale et de violence se retouveront dans les films majeurs d’Argento.

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    S’en suit une enquête ponctuée de meurtres et de personnages excentriques plutôt effrayants (ici, le peintre) qui joncheront tout autant les autres films d’Argento. Fausses pistes, vrais coupables, tout s’emmêle au gré d’un récit mené classiquement. Notons que la scène de meurtre dans la cabine téléphonique, où le rasoir semble découper l’écran, n’est pas sans rappeler la matricielle scène de la douche dans Psychose (1960). Elle aura aussi marqué un grand obsédé d’Hitchcock, Brian De Palma, dans Phantom of the Paradise (1974) et surtout dans Pulsions (1980), où la scène de meurtre dans l’ascenseur offre des similitudes frappantes avec celle d’Argento. Un début tout à fait prometteur, à voir surtout pour sa magistrale scène inaugurale.

    Source images : DVD Wild Side Vidéo

  • Les Vampires (1956)

    Un film de Riccardo Freda & Mario Bava

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    Commencé par Freda et terminé dans l'urgence par Mario Bava suite à la défection surprise du réalisateur en titre, Les Vampires marque sans conteste une date dans l'histoire du cinéma d'horreur et d'épouvante. Considéré comme le premier film d'horreur post-seconde guerre mondiale, son esthétique gothique, ses personnages et son scénario ont influencé de nombreux cinéastes.

    Alors directeur photo sur le film, Mario Bava aura l'opportunité de réaliser la moitié du métrage en deux jours et demi, Riccardo Freda parti avec un retard conséquent sur le planning de tournage. Avec peu de temps devant lui et un casting réduit, il réorganise le film, et rien n'y paraît à l'écran, tant l'intrigue est cohérente. Un tueur, surnommé le vampire, laisse ses victimes exsangues, le seul point commun  : leur groupe sanguin. La police d'un côté, et un journaliste à l'affût du sensationnel de l'autre, vont mener l'enquête. 

    Leur pérégrinations les mène dans un château sinistre, magnifiquement éclairé par Bava, dévoilant des ombres envahissantes, des toiles d'araignées dans tous les coins, et qui offre une ressemblance frappante avec celui d'Eward aux mains d'argent (Tim Burton, 1991), jusque dans l'oiseau aux ailes décharnées à la base de l'escalier. Avec son savant fou et ses personnages tourmentés, il préfigure aussi le film de Georges Franju, le très beau Les yeux sans visage (1960), et toute une panoplie de films italiens gothiques à l'image du Moulin des supplices (Giorgio Ferroni, 1960). 

    Une comtesse, jeune et à la beauté glacée imparable, règne sur le château et poursuit de ses assiduités le journaliste, ce dernier lui opposant indifférence, sinon dégoût. On retrouvera le même type de personnage dans The Vampire Lovers (1970), production Hammer de Roy Ward Baker, le lien avec les vrais vampires aux crocs proéminents n'étant pas si lointain. Car, si le film de Freda et Bava lorgne dès son titre sur un sentier fantastique, il déjoue les idées reçues en choisissant une résolution qui n'appartient pas au strict plan vampirique.

    Une intrigue solide, donc, soutenue par un visuel inventif et qui montre peu les limites de ses moyens, si ce n'est quelques stock-shots et autres plans des rues de Paris, intégrés à la va-vite alors que le tournage s'est déroulé en Italie. Avec ces plans d'extérieur extra lumineux, à la limite de la saturation des blancs, et d'autres, où le noir de la pénombre a tendance à envahir le champ, Les Vampires oppose un monde diurne et l'autre nocturne, un monde d'en haut puis souterrain, ce dernier étant le domaine où tout est caché, préparé en secret, pour permettre au mal d'exister en plein jour, de se montrer au vu et au sus de tous sans danger. La peur sourde surgit d'autant mieux lors des rares scènes d'épouvante explicites, d'ailleurs épaulées par des effets de maquillages bluffants.

    Sans temps mort, utilisant au mieux une structure classique linéaire, Les Vampires est aujourd'hui un film toujours agréable à suivre, au mystère omniprésent et lancinant, comme dans un cauchemar dont ne sait pas si on s'est sorti. Le studio Titanus, producteur du film, renouvellera l'effort pour le vrai premier film signé de la seule main de Mario Bava, Le masque du démon (1960). Dix ans plus tard, c'est encore sous son égide que sortira le premier long métrage d'un certain Dario Argento, intitulé L'Oiseau au plumage de cristal... 

  • Far West Story (1972)

    Un film de Sergio Corbucci

    5227981975_3781dc8a2e_m.jpgPour apporter ma pierre au Corbucci-Godard blogathon proposé par Inisfree, j'ai décidé de visionner un film qui commençait à prendre racine sur une de mes étagères surchargées, Far West Story (ou plutôt La Banda J.S.: Cronaca criminale del Far West). 

    Western atypique s'il en est, Far West Story choisit de mettre en avant une femme, Sonny, qui s'accroche au basques d'un voleur, Jed, pour devenir son complice dans une succession ininterrompue de braquages. Le couple fonctionne sur une dynamique d'amour (un peu) / haine (beaucoup, par le biais d'un Tomas Milian vociférant rappelant ses prestations picaresques chez Sergio Sollima) un brin agaçantes. Susan George, dont on a un poignant souvenir dans Les chiens de paille de Sam Peckinpah, est ici noyée sous un tombereau d'injures auquel elle réplique parfois, mais demeure tout de même sous l'emprise de ce saltimbanque de Jed. Soif d'aventures ou coup de foudre, elle fait fi de la violence verbale du "héros" pour vivre avec lui, quand bien même on aurait l'impression qu'il pourrait la troquer contre tout ce qui passe. Leur première rencontre se place en outre, sous le signe de la plus détestable des violences physique, Jed tentant, en vain, de la violer. Ce dernier est ainsi, de bout en bout, des plus antipathiques. Et quand survient, alors qu'on ne s'y attend pas, une once de douceur, elle est teintée d'une animalité qui caractérise bien "la bête" Jed, d'ailleurs affublé d'une perruque crasseuse et informe très signifiante.

    En fil rouge de ce Far West Story, se tient la poursuite du grand méchant, Franciscus, interprété par un Telly Savalas égal à lui-même (on le retrouve la même année dans l'énigmatique et fascinant Lisa et le Diable de Mario Bava). Sa dégaine, en adéquation avec les autres protagonistes du film en plus classe (tout en chapeau informe, cigare, voire même un bien seillant manteau de fourure),lui confère une stature bancale assez loin de la toute-puissance classique des grands méchants. Il a une des meilleures scènes du film, dans une grange alors qu'il est à la recherche du duo. cachés sous les tas de grain, Jed et Sonny essayent d'éviter les coups, et tout l'espace s'embrase d'un feu terrassant.

    La musique, signée Ennio Morricone, sonne comme un travail mineur du maître ; les trajectoires miséreuses et violentes des personnages sont épaulées par une mélodie sifflée répétée à l'envi (une constante), mais qui semble étriquée, ne réussissant pas à transcender ce qui se passe à l'écran, le mètre-étalon restant les films de Leone. Ici, tout reste à ras de terre, en mode mineur justement, dans un brouillard d'incertitudes et de frustrations (l'impossibilité pour Jed de coucher avec Sonny, vierge). Cette cavalcade très Bonnie & Clyde survient après un tournant dans l'histoire du western italien, le On l'appelle Trinita (Enzo Barboni, 1970) qui instaurait un ton comique qui a tout de suite plu au public. Je n'irais cependant pas jusqu'à affirmer que Corbucci le reprend à son compte ici, l'humour venant comme un effet collatéral des actions, jamais ouvertement drôles. On en retire surtout une grande impression de violences jetées à la face de la femme, un peu comme Panique à Needle Park (1971), où Pacino descendait Kitty Winn, lui-même paumé. Le résultat est ici un film en demi-teintes, dont on ressort, à l'image des personnages, frustré et mal à l'aise.

    Lire une autre critique plus positive chez Tepepa