Un film de Sergio Corbucci
Pour apporter ma pierre au Corbucci-Godard blogathon proposé par Inisfree, j'ai décidé de visionner un film qui commençait à prendre racine sur une de mes étagères surchargées, Far West Story (ou plutôt La Banda J.S.: Cronaca criminale del Far West).
Western atypique s'il en est, Far West Story choisit de mettre en avant une femme, Sonny, qui s'accroche au basques d'un voleur, Jed, pour devenir son complice dans une succession ininterrompue de braquages. Le couple fonctionne sur une dynamique d'amour (un peu) / haine (beaucoup, par le biais d'un Tomas Milian vociférant rappelant ses prestations picaresques chez Sergio Sollima) un brin agaçantes. Susan George, dont on a un poignant souvenir dans Les chiens de paille de Sam Peckinpah, est ici noyée sous un tombereau d'injures auquel elle réplique parfois, mais demeure tout de même sous l'emprise de ce saltimbanque de Jed. Soif d'aventures ou coup de foudre, elle fait fi de la violence verbale du "héros" pour vivre avec lui, quand bien même on aurait l'impression qu'il pourrait la troquer contre tout ce qui passe. Leur première rencontre se place en outre, sous le signe de la plus détestable des violences physique, Jed tentant, en vain, de la violer. Ce dernier est ainsi, de bout en bout, des plus antipathiques. Et quand survient, alors qu'on ne s'y attend pas, une once de douceur, elle est teintée d'une animalité qui caractérise bien "la bête" Jed, d'ailleurs affublé d'une perruque crasseuse et informe très signifiante.
En fil rouge de ce Far West Story, se tient la poursuite du grand méchant, Franciscus, interprété par un Telly Savalas égal à lui-même (on le retrouve la même année dans l'énigmatique et fascinant Lisa et le Diable de Mario Bava). Sa dégaine, en adéquation avec les autres protagonistes du film en plus classe (tout en chapeau informe, cigare, voire même un bien seillant manteau de fourure),lui confère une stature bancale assez loin de la toute-puissance classique des grands méchants. Il a une des meilleures scènes du film, dans une grange alors qu'il est à la recherche du duo. cachés sous les tas de grain, Jed et Sonny essayent d'éviter les coups, et tout l'espace s'embrase d'un feu terrassant.
La musique, signée Ennio Morricone, sonne comme un travail mineur du maître ; les trajectoires miséreuses et violentes des personnages sont épaulées par une mélodie sifflée répétée à l'envi (une constante), mais qui semble étriquée, ne réussissant pas à transcender ce qui se passe à l'écran, le mètre-étalon restant les films de Leone. Ici, tout reste à ras de terre, en mode mineur justement, dans un brouillard d'incertitudes et de frustrations (l'impossibilité pour Jed de coucher avec Sonny, vierge). Cette cavalcade très Bonnie & Clyde survient après un tournant dans l'histoire du western italien, le On l'appelle Trinita (Enzo Barboni, 1970) qui instaurait un ton comique qui a tout de suite plu au public. Je n'irais cependant pas jusqu'à affirmer que Corbucci le reprend à son compte ici, l'humour venant comme un effet collatéral des actions, jamais ouvertement drôles. On en retire surtout une grande impression de violences jetées à la face de la femme, un peu comme Panique à Needle Park (1971), où Pacino descendait Kitty Winn, lui-même paumé. Le résultat est ici un film en demi-teintes, dont on ressort, à l'image des personnages, frustré et mal à l'aise.
Commentaires
Merci, Raphaël, voici qui rééquilibre avec les amoureux de Godard ! Comme Tepepa, je suis plus enthousiaste sur ce film qui a été une petite révélation (je mets le lien sur l'URL). La violence de Jed envers Sonny est assez raide, mais il me semble que la dimension ironique l'atténue partiellement. D'autre part, la scène finale montre bien un renversement de leur rapport, bien dans la lignée de la façon dont Corbucci parle (filme) les femmes.
La musique de Morricone n'est pas de ses plus grandes réussites, mais le thème de Sonny, assez lent, plus romantique, est prenant. En l'écoutant régulièrement, j'ai fini par y prendre goût.
D'accord pour la scène finale (Jed ne peut pas être séparé de Sonny, il ne peut donc que la suivre) et pour le thème de Sonny, qui a un beau passage (celui où des voix féminines fredonnent "Sonny... Sonny...").
Je n'ai par contre pas vraiment perçu la dimension ironique, si ce n'est dans la peinture excentrique de Jed, personnage qui n'attire, c'est vrai, aucune sympathie de ma part. Heureux de l'avoir découvert tout de même, poussé par l'envie de participer à votre blogathon.