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mario bava

  • Les Vampires (1956)

    Un film de Riccardo Freda & Mario Bava

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    Commencé par Freda et terminé dans l'urgence par Mario Bava suite à la défection surprise du réalisateur en titre, Les Vampires marque sans conteste une date dans l'histoire du cinéma d'horreur et d'épouvante. Considéré comme le premier film d'horreur post-seconde guerre mondiale, son esthétique gothique, ses personnages et son scénario ont influencé de nombreux cinéastes.

    Alors directeur photo sur le film, Mario Bava aura l'opportunité de réaliser la moitié du métrage en deux jours et demi, Riccardo Freda parti avec un retard conséquent sur le planning de tournage. Avec peu de temps devant lui et un casting réduit, il réorganise le film, et rien n'y paraît à l'écran, tant l'intrigue est cohérente. Un tueur, surnommé le vampire, laisse ses victimes exsangues, le seul point commun  : leur groupe sanguin. La police d'un côté, et un journaliste à l'affût du sensationnel de l'autre, vont mener l'enquête. 

    Leur pérégrinations les mène dans un château sinistre, magnifiquement éclairé par Bava, dévoilant des ombres envahissantes, des toiles d'araignées dans tous les coins, et qui offre une ressemblance frappante avec celui d'Eward aux mains d'argent (Tim Burton, 1991), jusque dans l'oiseau aux ailes décharnées à la base de l'escalier. Avec son savant fou et ses personnages tourmentés, il préfigure aussi le film de Georges Franju, le très beau Les yeux sans visage (1960), et toute une panoplie de films italiens gothiques à l'image du Moulin des supplices (Giorgio Ferroni, 1960). 

    Une comtesse, jeune et à la beauté glacée imparable, règne sur le château et poursuit de ses assiduités le journaliste, ce dernier lui opposant indifférence, sinon dégoût. On retrouvera le même type de personnage dans The Vampire Lovers (1970), production Hammer de Roy Ward Baker, le lien avec les vrais vampires aux crocs proéminents n'étant pas si lointain. Car, si le film de Freda et Bava lorgne dès son titre sur un sentier fantastique, il déjoue les idées reçues en choisissant une résolution qui n'appartient pas au strict plan vampirique.

    Une intrigue solide, donc, soutenue par un visuel inventif et qui montre peu les limites de ses moyens, si ce n'est quelques stock-shots et autres plans des rues de Paris, intégrés à la va-vite alors que le tournage s'est déroulé en Italie. Avec ces plans d'extérieur extra lumineux, à la limite de la saturation des blancs, et d'autres, où le noir de la pénombre a tendance à envahir le champ, Les Vampires oppose un monde diurne et l'autre nocturne, un monde d'en haut puis souterrain, ce dernier étant le domaine où tout est caché, préparé en secret, pour permettre au mal d'exister en plein jour, de se montrer au vu et au sus de tous sans danger. La peur sourde surgit d'autant mieux lors des rares scènes d'épouvante explicites, d'ailleurs épaulées par des effets de maquillages bluffants.

    Sans temps mort, utilisant au mieux une structure classique linéaire, Les Vampires est aujourd'hui un film toujours agréable à suivre, au mystère omniprésent et lancinant, comme dans un cauchemar dont ne sait pas si on s'est sorti. Le studio Titanus, producteur du film, renouvellera l'effort pour le vrai premier film signé de la seule main de Mario Bava, Le masque du démon (1960). Dix ans plus tard, c'est encore sous son égide que sortira le premier long métrage d'un certain Dario Argento, intitulé L'Oiseau au plumage de cristal... 

  • La baie sanglante (1971)

    Un film de Mario Bava

    4125503827_f82f23ea99_m.jpgMario Bava nous a donné le giallo, cette forme dérivée du polar et du film d’horreur, à base de meurtres sanglants chorégraphiés, d’armes blanches et de cuir noir. Le genre est précurseur des slashers popularisés à l’aube des années 80 (Halloween, Vendredi 13, ...), et La baie sanglante adopte volontiers une structure similaire.

    La fameuse baie du titre, à la fois lieu de l’intrigue et moteur du (mince) scénario, est rendue étrange et effrayante, mais pas, contrairement à l’usage, à grands renforts de brumes et de filtres colorés ; ici, c’est la simple configuration de l’espace et les déambulations de la caméra, captant les différentes atmosphères au fil du jour, qui participe à ce sentiment d’étrangeté ; sa vision remémore la célèbre étendue d’eau de L’étrange créature du lac noir, filmée avec un aussi grand soin.

    Ne parlons pas de scénario, car nous n’aurions pas grand-chose à nous mettre sous la dent. Comme son -très laid- titre original Reazione a catena (réaction en chaîne) le laisse présager, La baie sanglante ne fournit que le minimum syndical, prétexte à un enchaînement presque ininterrompu de meurtres extrêmement graphiques. Couteau, lance, faucille, à un ou a plusieurs (on ne sera pas les premiers à comparer les films d’horreur aux films érotiques, le cri  d’angoisse remplaçant l’orgasme), les situations sont variées et déclinées comme jamais. La première scène du film, magnifique, met en place ce système ; au crépuscule, une vieille dame déambule dans une grande salle de sa demeure, allant vers une photo, ravivant sa mémoire, puis se dirigeant ensuite vers sa fenêtre. Une corde de pendu, mise en scène macabre, attire son attention, elle qui, sans le savoir, va venir combler le mince espace laissé par le nœud coulant, un intru surgissant dans son dos. La caméra cadre d’abord les chaussures de l’étranger, puis remonte doucement sur ses jambes, puis son buste. A la surprise du spectateur, son visage est dévoilé en pleine lumière ; la convention voulant que l’identité du meurtrier reste le plus longtemps secrète. D’abord satisfait, le criminel va alors, lui aussi, dans un vif éclat d’argent, périr sous les coups d’un autre assaillant, cette fois retranché dans la pénombre ; leçon de mise en scène, qui se poursuivra sur toute la durée du film, tout entière dévouée à la représentation du crime, tant en intérieur rougeoyant qu’en extérieur faussement idyllique. Victimes et bourreaux se confondent d’ailleurs dans une affaire dont on ne saisit pas vraiment le sens, le brouillage de cartes rendant alors possible toute combinaison criminelle. Cependant, la maestria de l’ensemble nous scotche au siège, notamment lors de la baignade au grand jour d’une blonde bien peu prude, qui se termine par un contact...  mortel ! La simplicité des éléments en présence (un corps nu, l’eau, le soleil, la mort) rendant compte des archétypes généralement mis en scène dans les giallo, en fait une autre séquence mémorable.

    On assiste a un film entièrement dédié au visuel, et à la morbidité de certaines situations. Cela faisait cependant longtemps que l’on n’avait pas visionné un film italien qui nous replonge dans les ambiances incomparables d’un bon Dario Argento, que ce film aura beaucoup inspiré. On restera en revanche bien plus circonspect sur la fin du métrage, arrivant comme un cheveu sur la soupe et en hors sujet complet. Un vrai goût de cinéma excessif all’italiana comme Bava pouvait le faire.