Un film de Tsui Hark
Le sieur Tsui Hark se fait plutôt rare ses temps-ci. Son dernier film, Seven Swords, est sorti depuis sept ans déjà, malgré sa participation à Triangle (Hark, Lam & To, 2008). C'est dire si son nouvel objet filmique non-identifié était attendu (au moins par nous). Jadis précurseur et maître d'une fantasy fantasque et survoltée (Zu, les guerriers de la montagne magique et sa suite), en passant par le film de super-héros (Black Mask, 1995) et le film historique, avec la saga Il était une fois en Chine, Il nous joue un bien beau tour avec son Détective Dee, personnage ayant réellement existé s'employant à résoudre les affaires les plus tortueuses.
An 690. La veuve du dernier empereur en date va prochainement accéder au trône. Des meurtres inexpliqués -les victimes prennent feu et décèdent dans d'affreuses souffrances- viennent perturber les préparation de la cérémonie, dont la construction d'un gigantesque bouddha.
Malgré des effets spéciaux peu convaincants (les décors numériques se révèlent constamment sous leur vrai visage, soit un artifice voyant), Hark s'empare du matériau de base pour l'intégrer intelligemment dans son œuvre. Ainsi, les instants fantaisistes et extravagants peuplant sa filmographie se retrouvent ici par bribes savoureuses (un cerf qui parle, un mystérieux prêtre qui vole et s'évanouit dans les airs), pour ensuite trouver une explication rationnelle, déterrée des décombres de la croyance et des superstitions par le réaliste Dee. Comme on a plaisir à se laisser emporter par ce flot de magie, de complots, de romance échevelée et de cadrages survoltés -la bataille entre Dee et le Grand Prêtre est ahurissante ! Les personnages, interprétés par un casting impeccable (Andy Lau, Tony Leung Ka Fai, Li Bingbing), nous emmène dans un théâtre d'événements aussi invraisemblables que touchants.
Les belles scènes de combat, d'une lisibilité de tous les instants grâce aux chorégraphies de l'excellent Samo Hung, participent à la narration et amènent des idée visuellement excitantes. Celui opposant Dee au pseudo-grand maître, dans les grottes utilise le décor à bon escient, dessinant l'incertitude et les difficultés d'un combat dans ces zones sombres. Retrouvant par moment la furie cinématographique de The Blade, Tsui Hark démontre que son énergie, sa soif de filmer est intacte.
Entre policier, film de sabre et fantastique, Dee nous offre un cocktail inédit, recelant aussi de touches d'humour -la relation entre Dee et la jeune fille-, certes gâché par quelques effets spéciaux mal gérés. Il n'en est pas moins un bon film, haletant, dépaysant, constituant un retour aux premières amours de Hark pou les personnages historiques et les contes d'épées. Pas encore un chef d’œuvre, mais un moment vraiment plaisant, qui fait plaisir à voir dans une production contemporaine globale peu enthousiasmante.