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fantastique - Page 9

  • Un film, une séquence (2/2) : Superman, le film (1978)

    Suite de la première partie de l'analyse de séquence consacrée à Superman, le film.

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    Un être hors du commun

    La séquence permet en outre de caractériser le personnage de Superman de façon extrêmement précise : outre ses différents pouvoirs (vision aux rayons X, force et résistance surhumaine, pouvoir de voler), elle nous expose clairement le concept du personnage : "Je combats pour la vérité, la justice et l'idéal américain" ; positionnement qui, s'il est objectivement louable, n'en est pas moins très naïf ; Donner désamorce alors immédiatement cette réaction attendue du public par la réplique de Loïs, qui lui rit au nez en lui assénant "Vous allez devoir combattre tous les élus du pays", parant la naïveté christique du personnage par l'ironie de Loïs. Peu après, Superman énoncera une autre part de sa personnalité : "Je ne mens jamais". Ces idéaux inaltérables, paraissant soit dépassés, soit inabordables pour le commun des mortels, font de Kal-El un être hors du commun s'élevant déjà plus haut qu'un homme ordinaire ; allié aux pouvoirs de l'extra-terrestre, cela fait de lui un dieu, une analogie qui parcourt tout le film.

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    Après ces préliminaires, l'homme d'acier prend les choses en mains : il invite Loïs à (sortir) voler en sa compagnie, en convoquant encore une fois un prétexte : calculer sa vitesse. A l'inverse de Clark Kent, tout en timidité maladive, Superman prend l'initiative et emmène Loïs faire un tour dans le ciel. Après un survol des buildings, ils passent non loin de la statue de la Liberté, érigeant matériellement un des idéaux ardemment défendus par le Kryptonien. Dans un deuxième mouvement de ballade en vol, Loïs pense ; et nous l'entendons. Sa question, c'est Est-ce que Superman l'entend, lui ? A-t-il aussi ce pouvoir ? Si la réponse apparaît négative, les pensées de Loïs n'en sont pas moins évidente quand au désir qui l'étreint. "Sais-tu ce que tu éveilles en moi ? Peux-tu voir les images qui m'assaillent ?". Ce vol planant avec un dieu lui donne des ailes, littéralement : grâce aux pouvoirs de Superman, elle a également la sensation de voler, une métaphore classique mais très poétique (tout comme ses pensées, déclamées en vers, avec la répétition langoureuse "Do you read my mind ?") du sentiment amoureux. 

    Ce vol peut, au final, être interprété comme métaphore d'une folle nuit d'amour, ce que Loïs fera dire à son article en termes tout sauf ambiguës : la titre du Daily Planet du lendemain est "Ma nuit avec Superman" !

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    Une fois revenue les pieds sur Terre -le chronométrage totalement oublié-, elle lui donnera son nom, après s'être exclamé "What a super man!", répondant en écho à la demande de Perry White de trouver un nom à ce nouveau justicier. La séquence, tout en donnant des informations capitales sur le personnage pour le reste du film, est une ballade romantique et coquine extraordinairement écrite. L'épilogue, particulièrement savoureux, voit Clark sonner à la porte de Loïs, puis lui disant : "Vous vous rappelez ? Nous avions rendez-vous", confortant l'idée que c'est bien lui qui a fait la proposition à Loïs. Content de la voir désorientée, il serait prêt à lui révéler son identité secrète, pourtant formellement interdit par son père. 

    La conception du personnage de Clark Kent / Superman est telle dans ce premier film que Clark Kent est le déguisement de Kal-El, et Superman sa véritable personnalité. Pour faire Kent, il se tient voûté, prend une voix hésitante, un ton haut placé et multiplie les tics de stress (le doigt qui remonte constamment ses lunettes) ; en outre, ses cheveux sont tellement gominés qu'on dirait une perruque ; un vrai déguisement. Son air livide est certainement du à un fond de teint blanc, alors que Superman a le teint hâlé.

    Donner montre alors le personnage de Kal-El sous un jour très humain, cédant facilement à ses sentiments. S'il ne désobéit finalement pas dans l'instant  à ce commandement (ce sera pour le deuxième épisode), il va influer sur le cours de l’existence des humains alors que, de la même façon, son père lui avait interdit. Et, à chaque fois, le moteur de ses intervention sera Loïs... Superman, un justicier par amour ?

  • Un film, une séquence (1/2) : Superman, le film (1978)

    Le premier rendez-vous de Superman

    "Do you like pink ?"
    Loïs Lane à Superman 

    7840419906_4e1089471b_m.jpgSuperman, le film, réalisé par Richard Donner (La malédiction, 1976, Les Goonies, 1986) est fondateur de l'imagerie des super-héros au cinéma, tout autant de leur psychologie. C'est ce second aspect qui est privilégié dans la séquence du jour, habilement amené par un subtil dialogue entre l'homme d'acier (Christopher Reeve) et Loïs Lane (Margot Kidder) lors de leur premier rendez-vous. En amorce de la séquence, Lane, au Daily Planet, reçoit un message : "Rendez-vous chez vous, à 8h - un ami". Le spectateur, comme Loïs Lane, pense que cet ami est l'homme de Krypton, qui s'est désigné sous ce nom lors de sa première apparition publique. On verra plus tard que c'est en fait Clark Kent qui lui a adressé ce message, réaffirmant du même coup, que Kent et Kal-El ne sont que les deux faces d'une même pièce. La scène du rendez-vous nocturne de Kal-El et Loïs Lane est d'une importance capitale dans le film, montrant l'attirance réciproque des deux personnages, établissant la thématique de la dualité, présentant les pouvoirs principaux de l'homme d'acier, le tout traité sous la forme parfaite d'une rencontre romantique aux dialogues à double-sens particulièrement savoureux.

    Prétexte et double-sens

    Le mot introductif présente la scène comme un rendez-vous galant, ce que l'attitude de Loïs atteste dès le premier plan : elle attends avec une certaine impatience (il est déjà 8h05!) la venue de celui qui l'a tellement impressionnée la nuit précédente -il l'az sauvée d'une mort certaine-. Empiétant sur l'image de Loïs, retentit une sonnerie (c'est le téléphone du bureau de Perry White, rédacteur en chef du Daily Planet qu'on a vu lors de la précédente séquence), indiquant en filigrane l'attente insoutenable, le stress généré par ce premier rendez-vous avec le surhomme : l'heure a sonné ! Les yeux de Loïs, déjà embrumés avant même l'arrivée du futur Superman, en dit déjà beaucoup ; sa robe de soirée ensuite, presque autant que le cri de surprise à sa venue, sorti de la gorge de Loïs comme un cri de jouissance extatique, donne le ton. Kal-El, arrivant en volant sur son balcon, feint d'abord l'arrivée par à l'improviste, "Vous aviez quelque chose de prévu ? Je peux revenir plus tard...", puis utilise un prétexte pour justifier sa venue : "Désolé de vous déranger, mais on doit se poser beaucoup de questions à mon sujet." Comme tout être humain, il use de ficelles connues pour justifier sa venue, ficelles qu'il aura apprises avec les cristaux transmis par son père, ceux-là même qui contiennent toute la connaissance du monde. Bref, il ne s'agit donc pas officiellement d'un rendez-vous, mais d'une interview ! Et nous allons avoir une démonstration éclatante du professionnalisme de Loïs Lane dans cet exercice. Alors qu'ils s'assoient pour commencer, l'homme d'acier recule galamment la chaise de Loïs pour lui permettre de prendre place plus confortablement. Les deux personnages ne font déjà plus mystère du fait que, sous la version officielle de l'interview, se cache en réalité un rendez-vous tout ce qu'il y a de plus concret.

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    La séquence offre dès lors un jeu jouissif entre l'interview, et le professionnalisme de la retranscription des faits qu'il requiert, et la décontraction ("C'est sympa chez vous", glisse Superman), la légèreté romantique de la découverte mutuelle des deux personnages. Ainsi, Loïs débute l'entretien en remplissant la fiche d'identité de Kal-El ; lui demandant s'il est marié, a une petite amie, des "informations vitales", on en est conscient, pour tout lecteur lambda du Daily Planet ! Les réponses de l'homme d'acier ne sont pas exemptes de sous-entendus : alors que Loïs le questionne sur son âge, il réponds "plus que 21 ans", soit l'âge de la majorité aux Etats-Unis, où un individu est responsable de ses actes et libre de tout faire, y compris entretenir une relations intime avec une autre personne consentante. L'intervieweuse continue dans la voie d'une grivoiserie insoupçonnée en osant un "How big are you" (question pouvant tout à fait se rapporter à la taille du membre viril de son super-homme), qu'elle ravale comme un lapsus en rectifiant par un plus sage "How tall are you", quelle taille faites-vous). Les réponses du surhomme, annonçant des proportions tout bonnement épiques, n'ont de cesse de titiller la curiosité de la dame vers une investigation plus poussée, qui lui fera notamment dire "J'imagine donc que le reste de vos fonctions corporelles sont normales... en termes plus délicats... Est-ce vous... -puis s'arrêtant devant une proposition trop osée- mangez ?". La compatibilité sexuelle des deux tourtereaux semble acquise, et leur désirs concordant, dans une joute verbale qui a des airs de danse pré-nuptiale.

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    Le jeu continue, suivant le fil des questions (impertinentes) de Miss Lane. Ainsi, pour avoir la preuve que notre homme en bleu et rouge voit à travers n'importe quelle élément physique, elle lui demande simplement de décrire la couleur de ses sous-vêtements ! La séquence s'équilibre donc constamment entre la description des pouvoirs du surhomme -ici, on apprend que seul le plomb peut brouiller sa super-vision, Loïs se tenant à cet instant devant un pot de fleurs constitué du fameux métal-, et la romance naissante entre les deux personnages, parfaitement synthétisées par un dialogue digne des meilleures comédie à l'américaine de l'âge d'or. La mise en scène laisse s'exprimer en gros plans les deux acteurs, dont les expressions pleines d'espièglerie enfantine, et de gêne devant la découverte de leurs sentiments ne font aucun mystère de leurs intentions respectives. Les arrières-plans, uniquement composés de transparences ne cachant rien de leur artificialité, confèrent à la scène des allures de rêveries, encore renforcées dans la partie du vol, et par la photo volontairement floutée de Geoffrey Unsworth qui nimbe tout le film. En point d'orgue de cette fabuleuse entrevue pleine de sous-entendus, Lane lancera, au beau milieu d'un épellation du mot Krypton, un simple "Do you like pink ?" - la couleur de ses sous-vêtements, donc-, qui contient  toutes les autres questions importantes qu'on se pose lors d'une rencontre.

    La suite

  • Trilogie Quatermass, 3ème partie : Les monstres de l'espace (1967)

    Un film de Roy Ward Baker

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    "We are the martians now !" 

    Quatermass and the Pit renoue avec le bon docteur et ses aventures fantastiques 10 ans après le deuxième volet cinématographique, La marque ; dans le laps de temps, beaucoup de changements se sont opérés, dans le monde du cinéma et pour la firme Hammer qui produit le film. Ainsi, l'on passe du noir et blanc à la couleur, signe distinctif des productions Hammer à partir de Frankenstein s'est échappé (Terence Fisher, 1957). Le moustachu Brian Donlevy, auparavant interprète froid et colérique du personnage principal, est remplacé par Andrew Keir et sa barbe épaisse mais taillée avec soin, qui donne une toute autre tonalité au rôle : plus chaleureux, il apparaît plus humain, se souciant de protéger le plus grand nombre de découvertes potentiellement explosives, jusqu'à l'épuisement total. Il tente toujours, comme dans les deux autres films, de défendre son projet lunaire, devant des représentants du gouvernement qui n'affichent pas une once d'intérêt. Contrairement à son prédécesseur, il n'est ici que le second rôle, la tête d'affiche étant tenu par James Donald (Le pont de la rivière Kwaï, David Lean, 1957, La grande évasion, John Sturges, 1963), qui interprète le scientifique conduisant les recherches. Ultime Hammer Girl, Barbara Shelley incarne son assistante. L'abbaye de Westminster, après avoir été le théâtre du climax du premier film, trouve encore ici sa place.

    On retrouve au scénario Nigel Kneale, créateur du personnage, qui signe ici l'histoire la plus ambitieuse de la trilogie, les implications des découvertes excavées d'une bouche du métro londonien allant très, très loin. 

    Quatermass intervient alors qu'au coeur de Londres, dans la station Hobb's End, sont retrouvés des squelettes humanoïdes. Ils s’avéreront être ceux des ancêtres des hommes, aillant foulés la Terre il y a des millions d'années. Face au scientifique qui a la charge des recherches, s'oppose rapidement l'armée, qui déterre un objet au fuselage bleu d'apparence métallique qu'ils prennent pour un missile... celui-ci devant être désarmé.

    La multitude de personnages, l'opposition des forces en présence, puis la menace potentielle de l'artefact découvert porte clairement le film sur le terrain du genre catastrophe, dont l'âge d'or ne débutera qu'à l'orée 1970. Les monstres de l'espace brille notamment par une scène de bousculade d'anthologie dans le dernier tiers, la presse et le public ayant été conviés dans la bouche de métro, au moment où se produit un phénomène destructeur. 

    Pas effrayé par l'ampleur de la narration, Kneale remonte tout simplement aux origines de l'humanité pour chambouler la tradition darwiniste. Ouvrant sur une intrigue d'une rare richesse, Kneale introduit des créatures présentes sur Terre depuis des millénaires, faisant évoluer l'homme -ou expérimentant sur les autralopithèques - vers ce qu'il est aujourd'hui, les aliens étant aussi responsable de toutes les superstitions du monde. Magie, sorcellerie, esprits frappeurs : les thèmes du film nous rappellent à quel point les responsables de la Hammer étaient versés dans l'occulte, eux qui sortiront l'année suivante un des chef-d’œuvre de Terence Fisher, Les vierges de Satan (The devil rides out). Comme dans le premier film, une des clés du mystère sera dévoilée lors d'une projection de film retrouvé, qui laisse cependant voir des effets spéciaux d'une pauvreté sans appel. Ce sera malheureusement là où le bât blesse durant tout le film, les révélations tonitruantes du film étant très souvent désamorcées par une cassure de la suspension d'incrédulité particulièrement chère au cinéma fantastique. Roy Ward Baker n'a cependant pas démérité en livrant un spectacle cohérent avec les deux autres opus de la saga,  et et ne manquant pas d'émouvoir -la musique stressante de James Bernard étant ici remplacée par celle de Tristram Cary, plus mélancolique et tragique. Bref, un Hammer film comme on les aime, old school mais pas dépassé.

  • Trilogie Quatermass, 1ère partie : Le monstre (1955)

    Un film de Val Guest

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    Notre récente chronique de L'île de la terreur chez notre confrère Mariaque aura paradoxalement redonné le goût d'un nouveau cycle Hammer, en commençant par la trilogie fondatrice de Quatermass. Si Terence Fisher est le réalisateur majeur de l'âge d'or du studio Hammer, Val Guest occupe la place de précurseur, oeuvrant surtout au cours des années 50, jusque l'électro-choc produit par Frankenstein s'est échappé (Terence Fisher, 1957), puis surtout Le cauchemar de Dracula (Terence Fisher, 1958). On lui doit en 1954 La revanche de Robin des bois, et le très bon Le redoutable homme des neiges en 1957 ; mais il est surtout connu pour les deux premières aventures cinématographiques de Quatermass, Le Monstre (1955) et La Marque (1957), dont le premier scellera le destin de la Hammer, empruntant dès lors exclusivement le sentier du fantastique.

    Adapté d'une pièce radiophonique de Nigel Kneale pour la BBC, Quatermass est un scientifique chevronné confronté à des phénomènes extra-terrestres. Cependant, loin d'être une figure unilatérale du bien, Quatermass cache également une détermination pouvant aller jusqu'à l'obsession.

    Dans un sublime noir et blanc, hanté par les violons atmosphériques et menaçants de James Bernard, Le Monstre (The Quatermass Xperiment) débute par la chute d'un objet non-identifié dans une zone campagnarde ; cette séquence est d'ores et déjà marquante, d'une part par l'usage d'un travelling latéral qui participe au sentiment d'urgence. En effet, entendant un bruit suspect mais familier, un jeune couple se précipite dans leur proche habitation. D'abord à l'extérieur, la scène est vécue de l'intérieur, où la chute de l'objet cause l'effondrement de tout le mobilier à l'intérieur de la maison, comme l'aurait provoqué un tremblement de terre... ou un bombardement. L'analogie avec les bombardements subis par l'Angleterre lors de la seconde guerre mobdiale est ici évidente, alors même qu'au tout premier plan du film, les amants se jettent semble-t-il innocemment dans les bottes de foins... déjà comme pour éviter les retombées d'une explosion.

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    la fusée des astronautes fichée dans le sol

    Le soin apporté à ces séquences d'entame donne le ton : le mouvement perpétuel de la caméra lors de l'arrivée des pompiers entraînant le film dans une précipitation palpable, jusqu'au dévoilement de l'objet de toutes les attentions. L'apparition de la fusée, renversée et à l'oblique, fait partie des images marquantes du film. Insérées dans la séquence, on remarque deux autres scènes intéressantes : l'une, montrant en plan fixe un speaker de radio puis finissant par une gros plan sur un micro, insiste sur l'importance qu'aura le médium dans le film, relais primordial des informations et objet omniprésent dans la dernière séquence du film. L'autre introduit le personnage-titre, en route avec son équipe vers le lieu du désastre, où l'on comprend deux choses : le scientifique est responsable de l'accident, ayant envoyé des astronautes sonder les profondeurs galactiques ; puis, son personnage est cerné en quelques phrases sèches et un air inflexible (Brian Donlevy, imperturbable).

    L'astronaute rescapé va progressivement subir une atroce transformation, dont se souviendra sûrement le Cronenberg de La mouche (1986) : d'abord plongé dans le coma, sa structure osseuse semble subir de subtils chagements ; à son réveil, il va, tel un fantôme, s'élever doucement sans attirer l'attention du personnel pourtant à deux pas. Lorsque, à l'hôpital, la volonté de la créature prend le dessus sur l'homme pour le faire fusionner avec une plante, l'impact esthétique et sensitif de la douleur est saisissant. 

    Val Guest va utiliser un ressort qu'on trouve aujourd'hui couramment au cinéma, tous genres confondus : le film retrouvé, ou found footage. Ainsi est récupéré et restauré comme une boîte noire vidéo, montrant le déroulement des événements lors du voyage retour de la navette. Ne montrant finalement pas grand-chose, la séquence est tout de même marquante par le contenu potentiel qu'elle peut révéler. Comme pour la première séquence, le choix cinématographique va dans le sens de l'économie de moyens, en n'oubliant pas de proposer un spectacle visuel qui fait pleinement sens. Roy Ward Baker réutilisera d'ailleur le procédé en le faisant évoluer (les scientifiques peuvent visionner une projection mentale) dans Les monstres de l'espace (1967), le dernier épisode cinématographique de la série.

    Impressionante enfin, la scène finale voyant la créature être traquée jusque dans l'église de Westminster, nous donne presque l'impression d'être du côté du monstre, s'étant comme réfugié dans le lieu saint. Visuellement, même si le résultat est un peu moins pathétique que les aspirateurs serpentés de L'île de la terreur (Terence Fisher, 1966), il n'est pas convaincant pour autant, donnant dans le caoutchouteux vaguement lovecraftien. On retiendra surtout la pirouette finale, Quatermass étant confronté à son échec mais refusant d'en prendre acte : "Je recommencerai", affirme-t-il silencieusement en s'enfonçant, seul, dans le London Fog... Terminant ainsi en beauté cette incursion réussie de la Hammer dans le fantastique.

  • Ciné d'Asie : Executioners (1993)

    Un film de Johnnie To & Ching Siu-Tung

    7396522090_45c14f184c_m.jpgLe duo déjà aux commandes de The Heroic Trio rempile pour une suite presque aussi délirante que son modèle, réutilisant leur trois sublimes héroïnes (Michelle Yeoh, Maggie Cheung et la regretté Anita Mui).

    A l'ambiance très fantasy du premier opus, Executioners impose au contraire un tonalité post-apocalyptique au contenu très politique. Ici, le monde fait face à une pénurie d'eau suite à la contamination des sources provoquée par une guerre nucléaire ; un système de purification très coûteux permet à une population paupérisée de survivre. Dans ce cadre, la criminalité a explosé, donnant le champ libre à nos trois personnages féminins : Maggie la chasseuse de primes continue son oeuvre par appât du gain ; Anita Mui, la Justicière, a raccroché les gants depuis qu'elle est épouse et mère ; Michelle Yeoh, elle, a rallié les forces gouvernementales. On le voit, le trio créé précédemment s'est dispersé ; il va se reformer afin de mettre au jour la dernière source non polluée du pays.

    Sur un canevas plus sage que le précédent, Executioners va tout de même nous donner des séquences ahurissantes, justifiant ses excès par un héritage opératique revendiqué. Executioners, loin de toutes les étiquettes de genre qu'on serait tenté de lui apposer, est une véritable tragédie au sens classique du terme : De multiples personnages, principaux ou secondaires, décèdent au son d'un chœur mélodique sous-titrant les pensées des survivants dévastés (typique du cinéma de Hong-Kong), le grand criminel de l'histoire dissimule son visage défiguré sous un masque tel le fantôme de l'Opéra. Le personnage de Michelle Yeoh est assisté d'un bossu recouvert de guenilles, s'exprimant en vagues borborygmes rappelant un sous-fifre de Victor Frankenstein... Les symboles sont là pour assurer la profondeur dramatique de l’œuvre. Une narration avançant au pas de charge, la multiplications des trames narratives et un montage elliptique, là aussi typique des cinémas asiatiques, donnent la touche de surréalisme finale à cette fantaisie faite film.

    La séquence de la recherche de la source est très belle, entre plans sous-marins, déclaration d'amour avortée et périple dans les sous-terrains inondés ;  le tout est shooté à travers des filtres multicolores, donnant la couleur des émotions, comme seul le cinéma asiatique peut l'imaginer. La séquence finale dans l'église est tout aussi extrême.

    Il y a une vraie jubilation à découvrir ce type de films aujourd'hui, un trip délirant et imprévisible qui dynamite le politiquement correct et les conventions (morales ou cinématographiques). Un bol d'air frais -et sanglant-, une bouffée d'hélium qui fait un plaisir fou.