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batman - Page 4

  • Batman, le défi (1992)

    Un film de Tim Burton

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    Définitivement à ranger dans la catégorie "suites meilleures que l’original", à l’instar d’un Parrain 2, L’empire contre-attaque ou... Terminator 2, le film de Burton incarne à mon sens la maturité de son style, déjà acquise avec son précédent Edward aux mains d’argent.

    Tellement peu emballé par l’idée de donner une suite à son propre Batman, qui l’avait d’ailleurs épuisé et posé problème (moult remaniements de scénario, difficultés d’imposer Michael Keaton en Batman), il a finalement dû faire d’une demande du studio son propre délire, et l’on peut dire que, malgré l’environnement peu propice (originellement film-pop-corn, grosse machine destinée à engranger du dollar), ce film fait partie de ces plus personnels. C’est tout un univers, arrivant à maturité, auquel Burton va donner une cohérence, et une force toute particulière. Au jeu des ressemblances avec l’œuvre passée ou à venir du cinéaste californien, on peut dégoter un sarcophage dont l’intérieur est serti de pointes, qu’utilise Bruce Wayne pour accéder à sa cave-château, et que l’on retrouvera plus tard dans Sleepy Hollow ; Le masque du démon, chef d’œuvre italien de l’horreur gothique, utilisait déjà en 1960 cet accessoire terrifiant ; Tim Burton porte ce film dans son panthéon personnel, et il le suit en filigrane dans sa filmographie. Plus tard, on voit Oswald Cobbelpott / Pingouin déchirer ses vêtements d’homme civilisé, son déguisement à lui, de la même façon qu’un Edward lors du dernier quart d'Edward aux mains d'argent. Il est intéressant de voir que tous les inadaptés sociaux, dont Burton est un des fervents défenseurs cinématographiques, peuvent réagir exactement de la même manière, peu importe le lieu ou l’époque. Et au niveau marginaux mis au ban de la société, on en a une belle brochette avec le groupe de forains échappé d'un cirque ambulant que se trimballe Pingouin, clin d’œil -léger- au séminal Freaks de Tod Browning, qui inspirera l’inestimable série animée de Bruce Timm tirée des aventures du dark knight.

    Terrain tout trouvé pour évoquer la double personnalité, le film magnifie les instants entre Bruce Wayne / Batman et Selina Kyle / Catwoman, exceptionnels, que ce soit au niveau du jeu -les deux acteurs sont d’une gravité déconcertante-, des ambiances -musique toute en finesse, mais profondément évocatrice des tourments intérieurs- et des dialogues, précis, constamment sur le fil. Ainsi, à l’occasion d’un bal costumé, Bruce et Selina se retrouvent tous les deux... les seuls à ne pas s’être déguisés ! On peut supposer qu’ils identifient leurs propre costume de Batman / Catwoman à leur véritable identité, et ceux de leur alter-ego plus sociable leurs déguisements. Et, lors d’un échange de répliques qui reprend un précédent entre leurs côté obscur, ils comprennent soudain la face cachée de l’autre. Selina lance alors un fameux "alors, faut-il qu’on se batte" terrassant, au milieu de la légèreté de la fête qui les entoure.

    Film sur la dualité, Batman le défi surprend encore aujourd’hui par le second degré omniprésent qu’il dégage. Ainsi, les allusions érotiques et sexuelles pullulent comme jamais, à ma connaissance, dans un exercice de ce type. Pingouin qui lance un "Justement le minou que j’attendais" libidineux à une Catwoman langoureusement étendue sur le lit, éructant constamment un immonde liquide noir très mystérieux, ou encore émettant un râle de jouissance non dissimulée au volant de sa propre Batmobile, bref c’est assez incroyable. Quand au costume SM sans équivoque d’une Catwoman castratrice, là c’est le summum. Seul Schreck ne semble pas être de la partie (à trois), complétant avec Pingouin un couple...atypique.
    D’ors et déjà fascinant par tous ces aspects, on ne saurait parler de ce film en faisant l’impasse sur la satire politique omniprésente, avec le personnage de Max Schreck, industriel plein de pognon qui corrompt à tout va, et va utiliser Pingouin dans sa course au pouvoir. Lequel est résumé à brasser beaucoup d’argent et baiser sans discontinuer, bref, un programme qui en enthousiasme plus d’un dans le film.

    Dans cette foultitude de thèmes, de vilains, Batman est cependant un peu perdu, et reste bien en retrait de la galerie bariolée, hétéroclite et hallucinée d’un bestiaire social à nul autre pareil. Incarnant une justice sans relief, il en ressort comme cannibalisé par ces personnages immoraux. Mais plus le vilain est réussi, plus le film est réussi, donc on tient là le mètre-étalon de l’entière carrière de Burton, à égalité avec Edward aux mains d’argent. Tout simplement énorme.

  • Batman Begins (2005)

    Un film de Christopher Nolan

    3312837451_bcc891802b_m.jpgEn des temps très Batman-esque, il est de bon conseil de regarder dans le rétroviseur pour apprécier, une nouvelle fois s’il ne vous a pas convaincu la première, combien le Batman Begins de Nolan, remise à zéro de toute la franchise cinématographique, est toujours, à ce jour, le meilleur film de toute la série, n’en déplaise à tous les fans de Burton -dont je fais partie- et du Joker made in Heath Ledger.

    Nous devons d’abord entrevoir la lourde tâche qui attendais Nolan quand il décide de réaliser le nouveau Batman pour la Warner : la franchise, commencée dans l’euphorie du succès planétaire du Batman de Burton (1989), semblait très bien partie. Contre toute attente, Burton accepte de tourner la suite, un projet qui paraît très... personnalisé, sombre et bizarre (les scènes Pinguin - Catwoman, la folie de Catwoman, le personnage de Max Schreck), et qui déplu fortement aux exécutifs de la Warner. S’en suit la lente mais implacable déchéance de la série avec deux opus signés Joel Schumacher (Batman Forever -1995, Batman & Robin -1997) pataugeant dans un visuel kitsch et flashy digne des boîtes de nuit les plus "in", ainsi que dans des dialogues semblant avoir été rédigés par un enfant de 5 ans. Batman devient un automate dans une fête foraine géante dopée aux néons fluo, et par la même occasion l'espoir d’une reprise de qualité s'envole après ces échecs consternants.

    L’objectif de Warner et de Christopher Nolan est de remettre les choses à plat ; recommencer sur de nouvelles bases pour donner un nouvel élan à un personnage qui, dans l’univers des comics, est quand même foutrement intéressant : traumatisé, il a soif de vengeance et son côté vigilante ne fait aucun doute ; légèrement schizo, il est également clair que, sous son masque, il dévoile sa vraie personnalité ; l’apparence du playboy Bruce Wayne n’est qu’un leurre.

    Pour un nouveau départ, il faut tout expliquer au spectateur, et c’est là la première force de BB : les premières 40 minutes du film vont condenser de façon virtuose tout ce qu’il y a à savoir sur Bruce Wayne pour rendre la suite logique, plausible et très divertissante.

    Les premières secondes sont totalement muettes, et les logos des studios surgissent en noir et blanc sur l’écran ; Pour Casino Royale, lui aussi film du renouveau pour James Bond, Martin Campbell avait également opté pour du noir et blanc, montrant une genèse, un work-in-progress pas encore finalisé, en train de se réaliser (rappelant également les débuts du cinéma, passant du noir et blanc à la couleur sur une grande échelle au prix de nombreuses années d’efforts). Les deux films se rapprochent également par la volonté évidente de donner plus de réalisme à chacune des entreprises -si tant est qu’un agent secret indestructible aux pouvoirs quasi-magiques (les filles font presque litttéralement la queue pour coucher avec ce cher James) et un super-héros qui se ballade en justaucorps de latex puissent être considéré comme réaliste-.La première minute montre le trauma initial que subit Bruce Wayne envers les chauves-souris, à travers une chute incontrôlée dans un trou profond ; plongeon qu’il réitérera une fois adulte, de façon totalement maîtrisée, pour mettre au jour la bat-cave. Toujours dans cette même minute, se dessine les liens indéfectibles entre Bruce et Rachel avec leur jeu "trouver, c’est garder". Jeu que le film nous rappellera, une fois encore, plus tard dans le récit. Alfred nous est également rapidement montré comme un véritable père de substitution pour Bruce, et devient lui aussi un personnage beaucoup plus important et subtil que dans le comics ou les précédentes adaptations. En fait, c’est dans un rêve que Bruce se rappelle ce passage de son enfance ; outil narratif intéressant que le rêve, qui permet d’accoler deux séquences temporellement différentes sans lien apparent entre elles. Ainsi, les premières 40 minutes font s’exercer à faire le lien entre les deux périodes, celle du Bruce enfant et du Bruce adulte, qui se trouve dans une prison glauque au milieu de nulle part. Va alors apparaître Ducard, qui va enseigner à Bruce l’art ninja, ce qui cautionne pour plus tard ses habiletés au combat et ses disparitions  à tous bouts de champ. La même dimension avait été exploitée dans la (fabuleuse) série animée de Bruce Timm au début des années 90 : les 7 ans d’absence de Wayne étaient comblés par un apprentissage d’un art martial en Asie.

    Dès ce début tonitruant de BB est posé la question de la différence entre justice et vengeance : Bruce ne semble pas la percevoir, si bien que son chemin de justicier se heurte à la vengeance aveugle dont il fait preuve dans un premier temps. Cette thématique sur le « vigilante occupe aussi bien le premier film (Bruce prend une arme pour tuer le meurtrier de ses parents) que The Dark Knight, avec ces citoyens ordinaires qui se fabriquent eux-mêmes un bat-costume pour faire justice. A la question : qu’est-ce qui te différencie de nous, Batman », la réponse de l’intéressé est éloquente : "je ne porte pas de jambières de hockey". Donc, pas grand-chose... La musique de Begins est aussi partie prenante dans la réussite du film : nerveuse, elle embrasse la montée en puissance du justicier, pour ne révéler son thème principal que tardivement (au passage, Hans Zimmer réutilise ici son propre thème composé pour Pirates des Caraïbes -Gore Verbinski, 2003-  et certaines phrases musicales de Gladiator -Ridley Scott, 1999- : pas très sérieux, tout ça...). Tout comme le personnage de Batman, qui arrive au bout d’une heure de film seulement. On décèle là aussi une bonne option pour ce BB : la quête de Bruce est montrée longuement, ce qui permet au spectateur de se lier émotionnellement avec le personnage ; si bien que Bruce Wayne est aussi important, sinon plus que Batman, et en tous les cas très intéressant, ce qui était un peu le maillon faible des films précédents ; on attendait alors juste de voir le Batman, qui effectivement était dévoilé dès les premières minutes des films. BB est vraiment équilibré, et articulé autour de Bruce Wayne, alors que dans The Dark Knight, Christopher Nolan a choisi le Joker (et Harvey Dente / Double-Face) pour contrebalencer le héros : la performance d’Heath Ledger, exceptionnelle, a malheureusement tendance à vampiriser le film ; lorsque la fin arrive, on n’a pas tant l’impression d’avoir vu Batman (alors qu’il est beaucoup plus présent que dans BB) que cette trogne défigurée du Joker. C’est à mon sens son plus gros défaut par rapport à Batman Begins.

    BB ne serait rien sans Gotham City, rendue poisseuse, sombre et glauque par une photo très travaillée, où le Batman se confond avec la nuit environnante. Le costume reste du coup assez mystérieux, ce qui n’est pas plus mal. Le film dessine un Bruce Wayne en rupture avec le système, avalisant son but : punir le crime sous un nouveau visage, un symbole.  C’est également le premier film ouvertement réflexif sur le costume, où Bruce Wayne nomme cette démarche symbolique. Batman Begins reste donc très riche, et pour l’instant le mètre-étalon d’une série qui ne peut que continuer...

  • Un film, une séquence : Batman (1989)

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    Un film de Tim Burton

    Du séminal Batman cinématographique, je retiendrais une séquence jouissive au centre du film et de son sens, à savoir la tentative de séduction toute particulière du Joker envers Vicky Vale (Kim Basinger). On peut diviser cette séquence (à partir du moment où le Joker entre en scène) en deux parties : d'abord la danse du Joker, et ensuite son tête-à-tête avec Vicky.
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    Se faisant passer pour Bruce Wayne, l’homme au sourire démoniaque invite la jeune femme à dîner au Musée. Avant même son arrivée, le Joker se pose en artiste - metteur en scène - chef d’orchestre - scénographe de la situation. Il endort toutes les personnes présentes au sein de l’espace -sauf Vicky à qui il a pris le soin de transmettre un masque à oxygène. Entrant dans cette mer de personnages inanimés, il donne le ton : à la musique classique qui baignait le Musée quelques minutes auparavant se substitue le Partyman rn’b/pop de Prince. Affublé d'un béret, couvre-chef cliché des artistes-peintres, le Joker va se livrer à une danse endiablée, accompagné de ses acolytes. On assiste là à une entreprise de destruction/reconstruction de l’espace, en tous les cas à la défiguration des œuvres d’art. Certaines sculptures sont juste détruites, mais d'autres œuvres sont ré-interprétées à la façon du Pop-Art (les acolytes du Joker constituent ainsi sa propre Factory) : bustes peints aux couleurs caractéristiques du Joker, empreintes de mains sur un tableau, symbole dollar taggé sur un autre (re-création à partir d’une association d'idées sympathique, Joker voyant un portrait de George Washington, ordonnant "figure de billet de banque !"; quelques instants plus tôt, il avait décidé qu'Abraham Lincoln soit rasé de près), et des sauts de peintures entiers jetés sur certains autres, dans une suite de points de synchronisation image/musique comme les aime Burton (on y a notamment droit dans le générique de Edward aux mains d’argent et dans L’étrange noël de Monsieur Jack même si ce dernier film n'est pas à proprement parler une de ses réalisations), rythmant et dynamisant cette défiguration.

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    Rencontre entre la peinture, le tag (Joker was here!) et la destruction d'œuvres, cette véritable performance montre que le Joker n’aime pas les œuvres exposées, et qu'il a la liberté de tout faire à son goût. On a tout de même droit à l'exception qui confirme la règle, le dernier tableau, le plus sombre et le plus étrange, ayant les faveurs du Joker, étant épargné. Ce dernier choix, parlant à son esprit dérangé en reflétant son chaos mental et physique, est finalement assez logique.

    Deuxième partie, la rencontre puis le tête-à-tête avec Vicky. Changement d'ambiance, changement de fond sonore : les rythmes rapides de Prince laissent brutalement la place à une symphonie douce mais complètement cheap qui rappelle les bonnes vieilles musiques d'ascenseur ; de même, les sbires installent des bougies, dans un style qui se voudrait romantique mais qui n'est que ridicule. Ainsi le Joker réorganise, modelant l'espace et le son. Depuis le début de la séquence, on nous donne à voir un discours sans équivoque sur l'art, conchiant les beautés  classiques révérées par l'école critique. En examinant les photos de Vicky, Joker s'arrête sur les images noir et blanc d’un cadavre et dit ainsi : "je ne sais pas si c’est de l’art, mais  j’adore". Quelques secondes plus tard, il remet ça en déclarant à Vicky "Vous savez comment les gens sont, cela est attrayant, cela ne l'est pas : et bien j'ai balayé tout ça". Ce n'est qu'à ce moment-là qu'on comprend finalement la motivation du Joker, la généralisation de la défiguration, afin que tout soit à son image, d'une disproportion caricaturale, fer de lance d’une "nouvelle esthétique" dont il veut faire de Vicky sa collaboratrice attitrée.

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    En grand malade qu'il est lui-même, Jack Nicholson donne dans l’exagération et crée un personnage bigger than life qui existe bien plus qu'un Bruce Wayne ; cette séquence nous fait donc également comprendre le déséquilibre conscient dans les films de Burton sur la chauve-souris, favorisant les bad guys au gentil (mais torturé) milliardaire Bruce Wayne.