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70's - Page 7

  • Le giallo, une horreur érotique (2011)

    Un film documentaire de Yannick Delhaye

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    Lundi 21 novembre, La chaîne Paris Première a eu la bonne idée de programmer un documentaire récent sur un genre qui nous tient à cœur, le giallo, diffusé au mois de mars dernier sur CinéCinémas ; lui-même précédé d'un de ses chefs-d’œuvres emblématiques, Suspiria (Dario Argento, 1977).  

    Sur une durée plutôt confortable compte-tenu du thème, une multitude d'invités prestigieux prennent la parole pour cerner le genre par ses archétype : les meurtres à l'arme blanche, le tueur fétichiste, les belles jeunes femmes victimes, … Sont ainsi passés en revue les traits principaux d'un genre qui navigue entre plusieurs eaux, comme en témoigne le titre du documentaire. Comme les films d'horreur ou érotique, le giallo est un genre "bis", éloigné des genres principaux dits "légitimes" que sont le drame ou la comédie, mais qui les a contaminés, la périphérie s'invitant ici au centre. 

    Excroissance tout à la fois monstrueuse et magnifique du polar, le giallo va ainsi se positionner à l'extrême, insistant notamment sur les meurtres, les consacrant en véritables morceaux de bravoure cinématographiques, ou encore sur les courbes d'actrices plantureuses, offertes tant au rasoir tranchant du tueur qu'aux yeux du spectateur. Les traumas familiaux, les perversions, et autres comportements déviants sont le lot quotidien de l'amateur de giallo ; Jean-Baptiste Thoret, intarissable sur le cinéma des années 70, restitue habilement ces éléments dans le contexte historique délicat de l'Italie d'alors, en prise à une flambée de violence et de défiance envers les autorités. J'aime particulièrement sa saillie finale sur La baie sanglante (Mario Bava, 1971), qui est, il est vrai, assez unique dans son jusqu'au-boutisme. Luigi Cozzi, réalisateur et collaborateur de longue date de Dario Argento, rappelle l'origine historique du giallo, avec ces fameux livres à couverture jaune (giallo en italien) de l'éditeur Mondadori, qui y publiait des histoires de mystères et de meurtres comme celles de Edgar Wallace.

    De leur côté, Fausto Fasulo (rédac' chef à Mad Movies), ainsi qu'Hélène Cattet et Bruno Forzani,  réalisateurs de Amer (2010), film-hommage au giallo, s'attachent à la stylisation visuelle, et aux implications émotionnelles, et à l'aspect symbolique des clichés du genre. Un style extrêmement codifié, fait d'inserts rapides, d'intérieurs saturés de couleurs, de magnifiques jeunes femmes à la nudité facile, et où l'effroi, la douleur et la jouissance s'entremêlent dans une ambiguïté savamment entretenue. 

    Tel le calme avant la tempête, le giallo pique au thriller des respirations rapidement interrompues par des pics de violence à l'ampleur grand-guignolesque, dont la mise en scène souvent inspirée donne des airs de happening artistique.

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    Nous remémorant les œuvres les plus connues du genre, des films de Mario Bava à ceux de Sergio Martino, en passant par l'inévitable Dario Argento, le doc réussit à dessiner les contours significatifs de ce pur genre de film d'exploitation, cocktail explosif de polar, d'horreur et d'érotisme, saupoudré de sado-masochisme. On peut tout de même tempérer cette impression en donnant au giallo une autre inspiration majeure, qui elle aussi à "infecté" tous les genres principaux : le film noir. En effet, devant la scène de crime, ce n'est pas un policier qui mène son enquête, mais plutôt un homme qui n'est pas une figure de l'autorité assermentée : tantôt journaliste, détective, vendeur d'assurances ou de voitures dans le film noir, il sera musicien, écrivain,  professeur, dans le giallo. Comme le film noir, le giallo est caractérisé par sa dimension urbaine, la froideur des architectures bétonnées rencontrant une folie meurtrière paroxystique à la nuit tombée. Les femmes fatales sont bien là dans le giallo, car sous une apparente fragilité, ce sont souvent elles qui mènent le jeu.

    Dans la dernière partie du documentaire, on nous présente un échantillon du cinéma contemporain qui s'est nourri du giallo, genre désormais exangue ; Blue Velvet (David Lynch, 1986) et Basic Instinct (Paul Verhoeven, 1992) sont bien ceux qu'on appelle aujourd'hui les représentants du néo-noir, peintures d'un univers perclus des machinations les plus tordues, aux meurtres graphiques et au pessimisme rentré. Quoi qu'il en soit, de bien belles références pour un genre qui se joue aux extrémités.

  • La malédiction de la panthère rose (1978)

    Un film de Blake Edwards

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    Bien des années ont passé depuis La Panthère Rose inaugurale et son deuxième opus paradoxalement fondateur, Quand l'inspecteur s'emmêle (A shot in the dark, Blake Edwards, 1964). Menant topujours la bataille du gag burlesque qui n'en finit pas, le tandem Edwards / Sellers aura passé presque deux décennies à imaginer de nouvelles cascades humoristiques, tours de passe-passe comiques, à l'inusable et impassible inspecteur Clouseau. Revenge of the Pink Panther (titre original du film) constitue le sixième épisode de la saga -en comptant l'Infaillible inspecteur Clouseau, réalisé par Bud Yorkin en 1968 avec Alan Arkin dans le rôle-titre, et l'on arrive ici au point de rupture d'un concept basé avant tout sur le comique de répétition. 

    Point de rupture d'abord, par l'effet d'éternel recommencement dont nous gratifie Blake Edwards, avec des scènes répétées de film en film : la convalescence de ce pauvre inspecteur Dreyfus tyrannisé par la maladresse -presque géniale- de Clouseau, les attaques répétées de Kato, les inévitables chutes aquatiques ou encore les déguisements improbables de Clouseau -mention spéciale au marin affublé d'une perruque rousse type balai-brosse et d'un perroquet gonflable ! Il ira même, le temps d'une courte séquence, jusqu'à prendre l'identité de Dreyfus... le déguisement ultime, en quelque sorte !

    Point de rupture ensuite, car le film s'engage enfin dans un style purement 70's, délaissant les cadrages posés et débordant de vie, colorés, des 60's. S'en dégage alors un feeling bien moins festif, la fantaisie devenant un n'importe quoi généralisé (avec dans le lot un passage avec uin travesti un peu glauque).

    Passé un générique animé, excellent comme à l'habitude, les gags s'enchaînent moins systématiquement, faute à la trop grande place laissée à une intrigue mafieuse à l'intérêt très discutable. Un des parrain de la French Connection, Philippe Douvier, doit montrer aux autres clans qu'il est toujours le maître à bord : il promet de (faire) tuer Clouseau, l'homme à la stature internationale qui leur à donner tant de fil à retordre ces dernières années. Exploit qu'il croira accompli, une cérémonie ô combien poignante à la clé (discours funèbre d'un colonel Dreyfus limite extatique inclus). Son tueur fou sera néanmoins maîtrisé très facilement par Clouseau, croyant à une attaque surprise de son majordome.

    La seule originalité valable de cet épisode fatigué est la transformation de la "résidence Clouseau" en maison des plaisirs par Kato. D'un coup d'un seul, on rentre dans un film d'exploitation asiatique, les costumes mordorés et les tentures rouges envahissent le cadre, d'accortes demoiselles se pressant autour d'un Clouseau perdu. 

    La girl du jour n'est pas des plus intéressante (Dyan Cannon, habituée des séries TV), sa voix haut-perchée et son débit-mitraillette en faisant un personnage énervant, presque antipathique. Le délire va peut-être loin, finissant dans une apothéose  colorée, un entrepôt de feux d'artifices faisant office de dernier arrêt avant le tour de cirque. Malgré la teneur objectivement correcte de gags sensés provoquer le rire, c'est un air assez languissant et triste que nous joue cette Malédiction... Dernier épisode avant la mort de Peter Sellers, il aurait été pluis que temps de tirer le rideau sur cette idée d'abord géniale de Blake Edwards. Il y en aura pourtant quelques autres, dont le reboot des années 2000 n'est pas le pire représentant (cette place étant tenue sans conteste par A la recherche de la panthère rose, Blake Edwards, 1982). 

  • Mais qu'avez-vous fait à Solange ? (1972)

    Un film de Massimo Dallamano

    6175740164_69e524fc40_m.jpgLes premiers films de Dario Argento (L'oiseau au plumage de cristal, 1970, Le chat à neuf queues et Quatre mouches de velours gris, 1971) donnent au cinéma italien des années 70 un élan passionnel pour ces récits policiers aux crimes pervers, mâtinés d'onirisme ou de fantastique ; Mais qu'avez-vous fait à Solange est la preuve que la copie peut égaler, voire surpasser, l'original. 

    Le film de Dallamano cherche son identité italienne : co-production avec la firme allemande Rialto, tournage en anglais à Londres, le résultat fait montre d'un multiculturalisme du crime tout à fait intéressant. Partagé entre une ambiance londonnienne au décorum typique (bureaux de Scotland Yard, London Bridge, véhicules, etc.) et son ascendance italienne, Mais qu'avez-vous fait à Solange en tire simplement le meilleur des parties. La trame policière, appliquée, s'inspire des krimis allemands de Edgar Wallaces. Elle s'allie à une caméra virtuose qui sait nous offrir des fulgurances visuelles choc lors des meurtres, et à une photographie absolument somptueuse -les tons de peau sont chauds, subtilement rendus, la nature est colorée et s'invite volontiers dans le cadre, offrant un contraste évident avec l'atrocité des faits. Loin des images parfois poisseuses et volontairement ternes de certains giallos bas de gamme, nous avons ici à faire à une oeuvre de premier ordre.

    Un criminel en série assassine des jeunes filles de la plus horrible des façons, les faisant violemment mourir par là où naît la vie ; Un professeur et sa maîtresse, présents lors d'un des meurtres, se retrouvent au coeur de l'affaire. Le mauvais endroit, au mauvais moment. Alors que les soupçons se font plus pressants sur eux, le professeur Rosseni décide d'agir et d'enquêter par lui-même. Fabio Testi est très bon dans le rôle, un peu perdu, cherchant la vérité, offrant un contrepoint idéal au charismatique Joachim Fuchsberger (vu entre autres dans Le masque de Fu Manchu, Don Sharp, 1965)

    Plus que la cruauté des meurtres, c'est le mystère entourant un groupe de jeunes filles proche des victimes qui donne un sentiment de malaise. Quelque chose se passe, hors du cadre, hors de la narration, et ce quelque chose reste flou jusqu'aux toutes dernières minutes du métrage, donnant corps au point d'interrogation du titre, reproduit de nombreuses fois sur les affiches d'époque. Cette sensation, viscérale, infernale, est la grande réussite de Mais qu'avez-vous fait à Solange. Rappelant l'imaginaire collectif des sociétés secrètes, des rites de passage, le film reste, après visionnage, comme nimbé de cette aura de mystère et de tabou. La partition de Ennio Morricone, empreinte de tristesse, est à ranger parmi ses meilleures créations. Elle donne à la sombre histoire qui nous est contée un parfum de romantisme déçu, de drame déchirant. Et c'est le coeur serré que l'on quitte la scène, terrassé par une intrigue tendue comme un rasoir. Mais qu'avez-vous fait à Solange demeure aujourd'hui, presque quarante ans après son tournage, d'une force intacte.

  • Quatre mouches de velours gris (1971)

    Un film de Dario Argento

    5935903539_466c28f4a6_m.jpgRapidement après son sympathique Oiseau au plumage de cristal et un moyen Chat à neuf queues, Dario Argento alimente sa filmographie d'un troisième giallo, ultime pierre d'une trilogie animale dans laquelle il affine et radicalise son style.

    La séquence d'ouverture nous plonge dans un assourdissant concert de percussions, qui préfigure certains arrangements des Goblins dans Suspiria. Une furie sonore envahit l'espace, entrecoupés de plans d'une opacité d'ébène, qui nous offre la vision d'un coeur qui bat, accompagné en sourdine de son battement. Le coeur, comme la caisse du batteur, résonnent d'un rythme différent, à l'intensité variable, donnant peut-être un indice sur le mélange des genres que veut offrir Argento sur le film. Nous découvrons alors Roberto Tobias (Michael Brandon, ressemblant assez à une version idéalisée d'Argento), batteur d'un groupe de rock, tourmenté par une mouche. Le réalisateur, sûrement soucieux de poser un lien direct entre le contenu du film et son titre pour le moins nébuleux, nous enbobine du même coup comme il adore le faire, multipliant les fausses pistes.

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    La séquence suivante offre un parallèle assez flagrant avec la scène de meurtre dans L'oiseau au plumage de cristal : aux trousses d'un homme qui l'a suivi toute la journée, il se retrouve nez-à-nez avec lui dans un théatre désafecté, et, alors que l'inconnu brandit un couteau, ce dernier s'effondre après une rapide bousculade, mort. Sous la lumière blanche d'un projecteur, Tobias, hébété, un couteau ensanglanté en main, est pris en photo par un étrange indiviu masqué qui assistait à la scène, protégé par l'obscurité. Le montage, malgré sa caractéristique elliptique, ne cache pas vraiment que ce qui semble s'être produit n'est pas la réalité. Tobiais prend pourtant pour argent comptant le fait d'avoir tué accidentellement un inconnu. Cette scène est intéressante car elle démontre la facilité avec laquelle Dario Argento passe d'un effet de réalité tout à fait vraisemblable (éclairage, organisation spatiale, interaction sociale) à un onirisme qui fait exploser cet effet. Tout à coup, l'espace est déconstruit, les éclairages semblent irréels, et le réalisme fait place à une scène théâtrale dont la vie a été escamotée, comme un décor, en coulisse. La scène ne se veut jamais vraisemblable, ni même logique. On retrouve parfois cet vision dans certains films d'exploitations des années 60-70, notamment au Japon avec Yasuzo Masumura, Norifumi Suzuki ou Seijun Suzuki. L'utilisation de ce glissement chez Argento, comme si l'on percevait les sensations du personnage qui vit la scène, offre un résultat non pas maîtrisé mais flottant comme un cauchemar, brouillon, qui force l'immersion dans le film.

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    Au passage, on reconnaîtra la patte de Luigi Cozzi au scénario, plus versé dans la science-fiction, par le biais d'une séquence un peu hors-sujet où des scientifiques réussissent, en examinant au laser l'oeil d'une des victimes, à photographier sa dernière vision... une indication sur le meurtrier. On retrouve d'ailleurs cette intérêt pour la science dans Le chat à neuf queues, où l'on isolait le gène XYY de la violence. L'oeil innervé inspirera d'ailleurs plusieurs affiches lors de la sortie de Quatre mouches de velours gris.

    Le personnage principal, forcément chamboulé intérieurement par l'événement, est en plus persécuté par le "photographe" qui s'ingénue à lui faire comprendre qu'il sait tout, mais sans chantage. Un parfum d'étrangeté fort bien distillé sourd au fil des séquences, qui s'enchaînent avec de vraies trouvailles cinématographiques, et les passages les plus effrayants de la jeune carrière du réalisateur. la séquence de l'assassinat de la bonne reste ainsi comme le meilleur moment du film. Lorsqu'elle se rend dans un parc, de nuit, pour rencontrer le "maître chanteur", son audacieuse aventure se retourne contre elle, alors qu'elle tente d'échapper à un agresseur, dans un dédale devenu totalement surréaliste (un passage très étroit devient au fil des pas trop exiguë). De même, l'accompagnement musical laisse parfois la place à un silence de mort, comme lorsqu'une jeune femme, poursuivie dans une maison, s'aventurant dans une pièce au sous-sol, se cache dans un placard pour échapper au meurtrier.

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    Pour ce troisième film, Dario Argento maîtrise totalement l'art de la peur, tout en instillant pourtant des éléments comiques, alternance qui fait aussi partie de son style. Ici, c'est le personnage fantasque d'un détective (interprété par Jean-Pierre Marielle) qui joue ce rôle. Homosexuel quelque peu maniéré, il s'enorgueillit d'avoir à son actif plus de 80 affaires non élucidées, preuve irréfutable selon lui pour que la prochaine soit celle, enfin de la résolution. Ce qui se révèlera vrai... On croise également Bud Spencer, appelé Dieu (dans la version française comme dans la version américaine), ce qui nous vaut un beau moment où Tobias l'appelle au téléphone et l'implore : "Allô ? Dieu ?!". La variété des ambiance, la maîtrise technique et les terribles séquences de meurtres, font de Quatre mouches de velours gris (méconnu en France pour cause d'invisibilité en DVD) le meilleur Argento de son début de carrière. Alors, même si Michael Brandon ne joue pas très bien la comédie, la majesté visuelle de l'ensemble et les dérapages incontrôlés vers des scènes convoquant nos plus grandes peurs irrationnelles (peur du noir, du silence, des masques, ...) font de Quatre mouches de velours gris un moment tout à fait recommandable.

    A lire aussi : le Hors-Série Argento sorti chez Mad Movies en novembre 2010.

    La bande annonce américaine (la voix-off semble être celle de Vincent Price) : 

  • Le chat à neuf queues (1971)

    Un film de Dario Argento

    5645736313_637a3fa1e5_m.jpgAprès le succès de L'oiseau au plumage de cristal, les producteurs d'Argento veulent un nouveau giallo : la même formule, mais en plus international. Sont ainsi parachutés au casting James Franciscus, remarqué dans Les naufragés de l'espace et le sympathique Secret de la planète des singes, ainsi que Karl Malden, impérissable second couteau des films de gangsters, ou Archie Lee dans le moite Baby Doll d'Elia Kazan. 

    Un tueur en série sévit dans les alentours d'une clinique de pointe (dont le hall rappelle la galerie de L'oiseau au plumage de cristal) ; un journaliste (Franciscus), aidé d'un vénérable aveugle (Malden), lui aussi journaliste dans son jeune temps, veut tirer ça au clair. Les scientifiques sont sur le point de mettre au jour une remarquable découverte, la constante d'un génome finissant par XYY constaté chez les personnes violentes, faisant voler en éclat les théories de la psychanalyse moderne.

    Les thématiques de Dario Argento sont présentes de façon évidentes, notamment l'obsession de la vision (on suit le meurtrier dans une succession de plans subjectifs et d'inserts sur son oeil en gros plan, par ailleurs éclairé par une source de lumière très forte. L'ironie de l'enquêteur aveugle, tâchant de "faire la lumière" d'entre les ténèbres, est à savourer. De même, la vision partielle d'un événement, sous-entendant une information primordiale manquante, est également au centre du film, tout comme L'oiseau au plumage de cristal et, avant lui, le Blow-Up de Michelangelo Antonioni, matrice évidente de la première partie des oeuvres d'Argento. L'image est le centre nerveux du film, la nécessité de voir en pleine lumière et en "version intégrale" les événements passés fonctionnent comme une métaphore d'un cinéma respectueux de la vision du cinéaste. L'image  virevolte au gré des personnages, épousant tour à tout la vision subjective de chacun d'eux, composant par là un kaléidoscope d'images qui s'entrechoquent. Le titre ouvertement fantastique du film fait écho au premier, un chat chassant l'oiseau...

    La mise en scène et le montage sont tout à fait cohérents avec la primauté de la vision, multipliant les plans aux différences d'échelles notables (un très gros plan succède à un plan d'ensemble, obligeant le spectateur à adapter en continu sa propre vision) ; les inserts interviennent par ailleurs de façon assez expérimentale, illustrant les réminiscences des personnages, ou le cours de leurs pensées, s'inscrivant à contre-courant d'une narration traditionnelle. Nicholas Roeg nous fera profiter de la même structure dans son très beau Ne vous retournez pas (1973). Tout comme L'oiseau au plumage de cristal, la valse de suspects est de mise, les fameuses neuf queues du chat (en points d'interrogation comme il se doit) représentant les différentes pistes possibles. La scène du barbier qui devient l'espace de quelques minutes un danger trop proche pour Franciscus en est un exemple parfait.

    Le ton du film est effectivement plus passe-partout que L'oiseau au plumage de cristal, plus lisse, à l'image du jeu distancié de Franciscus, peu concerné. L'humour introduit par la relation entre l'aveugle et la fillette qu'il a recueillie, et le personnage ouvertement comique du flic, font un peu tâche dans une enquête se voulant autrement tendue. Cet humour fait néanmoins partir du style Argento, comme en témoignent les scènes de la version intégrale des Frissons de l'angoisse concernant David Hemmings et Daria Nicolodi. Peu de scènes sortent de l'ordinaire, et les chocs annoncés sont pour le moins expédiés (la scène de la gare, qui aurait pu être mieux gérée en termes de tension et de timing). Les cadrages sont précis et parfois impressionnants, montrant une plus grande maîtrise de l'outil que dans son premier essai ; néanmoins, l'ensemble est beaucoup moins charmant, dans le sens où les moments mémorables manquent. Et que dire de ces ouvertures successives de portes dans l'hôpital, sinon qu'elles sont plutôt embarrassantes, n'étant pas au même niveau que le reste du film. Pas étonnant qu'Argento ne place pas Le chat... dans son cœur, -les injonctions des producteurs, les acteurs complètement absents -à part Malden- malgré le jalon technique qu'il pose, et l'affirmation de ses thématiques clés.