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60's - Page 10

  • Bonnie & Clyde (1967)

    Un film d'Arthur Penn

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    La sortie de Public Enemies (Michael Mann) m’a décidé à enfin découvrir le Bonnie & Clyde d’Arthur Penn, tant certains aspects me semblaient similaires entre les deux films (j’espérais ainsi voir un film très réussi, au contraire de celui de Mann, surévalué comme à l’accoutumée).

    Film choc, film du changement (une des amorces du Nouvel Hollywood), Bonnie & Clyde marque dans plusieurs camps : film de gangsters (et film noir), road movie, romance ; de ces trois dimensions, présentes quasi à égalité dans le film, on ressent surtout la dernière, pleine de contrariétés (malgré des "préliminaires" suggestifs, Clyde reste prostré et semble impuissant) et d’un élan romanesque significatif. Clyde a déjà de la prison au compteur quand il rencontre Bonnie Parker, fille de riche qui s’ennuie. C’est l’amour fou en un instant, en même temps qu’une pulsion de mort, destructrice.

    Au rayon film de gangsters, le film offre des fusillades tonitruantes (ils ne comptent pas leurs balles), mais surprend à plusieurs reprises par les coups manqués du duo. En effet, certains plans de Clyde se soldent par une banque en faillite, et jamais il ne s’en sort avec de gros butins. La philosophie de Clyde n’est d’ailleurs pas celle du gros-coup-qui-pourra-le-mettre-à-l’abris-du-besoin, comme on pourrait le croire quand l’alliance commence. Ainsi, quand Bonnie en a assez et voudrait tout arrêter, elle demande à Clyde ce qu’il ferait si toute l’ardoise était effacée. Et Clyde de mettre au point une nouvelle stratégie... toujours pour braquer des banques. C’est un véritable mode de vie pour Barrow. Il a néanmoins bon fond (notez que Public Enemies reprend in extenso un échange de paroles entre Clyde et un épargnant à la banque, quand il lui dit "Range ton argent, c’est la banque qu’on vole, [pas toi]." L’hommage va un peu loin, et Mann pousse le vice à l’intégrer dans sa bande-annonce ! Bref. Mais le parcours de Bonnie & Clyde se voit aussi comme une fuite en avant.

    Car le film est également un road-movie dans sa plus pure expression. Traversant les états pour ne plus être poursuivis, le gang Barrow, désormais enrichi d’un pompiste, du frère et de la belle-sœur de Barrow, fait les 400 coups. La réalisation épouse cette cavalcade effrénée, Penn filmant souvent les acteurs cheveux au vent, libres mais toujours dans l’urgence. De même, l’enivrante course contre le temps des bandits est accompagnée d’une multitude de cris (de joie, de peur) assourdissants et d’une musique country, totalement inhabituelle dans le genre, qui souligne cette folle danse d’amour et de mort. Public enemies reprend également cette musique à son compte, mais d’une façon beaucoup moins naturelle : la répétition inlassable du même morceau, calé sur les images sans (a)ménagenent, brute, souligne un côté fabriqué.

    Enfin, malgré qu’il s’agisse d’un film d’époque, le film ne peut faire abstraction d’une peinture mentale de la fin des années 60 : l’assassinat de JFK, qui a traumatisé toute l’Amérique, occupe les moments les plus violents du film :on y voit un homme recevoir une balle dans la tête en gros plan, plutôt rare à cette époque, l’hémoglobine coule de ses gros flots rouges, et le frère de Clyde (joué par Gene Hackman) connaîtra une fin qui ressemble à s’y méprendre à celle du président américain. La séquence finale, clôturant le film dans une apothéose de violence, symbolise l’éclatement d’un système qui est conscient de sa fin, tel celui des studios de cinéma américain. En effet, Bonnie & Clyde marque aussi un point de non-retour, ouvrant la voie aux jeunes réalisateurs inspirés par le cinéma européen : pour une nouvelle façon de faire des films.

    Source image : capture dvd Warner Bros.

  • Ciné d'Asie : Meurtre à Yoshiwara (1960)

    Un film de Tomu Uchida

    3649101963_a6836c3407_m.jpgWild Side Video nous fait découvrir des pans plutôt méconnus du cinéma asiatique avec le coffret Tomu Uchida, sorti en 2006.

    Ce film-ci, narrant la vie pleine de péripéties de Jirozaemon, abandonné à la naissance à cause d’une "horrible" tache sur la joue droite, marque une belle réussite de son auteur.

    La première partie du film s’étend à caractériser le handicap social de l’homme par rapport à sa marque disgracieuse ; malgré une réussite professionnelle sans conteste -il devient un prospère marchand de soie-, les qu’en dira-t-on  ne cessent d’évoquer sa laideur, qui l’empêche, même adulte, de trouver une épouse. L’homme est donc accablé socialement par un défaut physique, malgré une qualité d’être qui ne fait pas de doute. Uchida, pour signifier l’isolement du personnage, compose des cadres symétriques, symétrie que le visage de Jirozaemon ne connaît pas. Sa mise à l’écart sociale s’appuie sur un détachement visuel, le fond et la forme s’accordant d'une bien belle manière. Alors que la majorité des plans font appel à une symétrie classique, donnant aux différents plans un éclat évident, le défaut de l’homme n’en ressort que plus.

    La symétrie va ici de pair avec la beauté flamboyante d’un Scope couleurs extrêmement travaillé : les tons sont quasi pastels, procurant à chaque image le ton doux des estampes japonaises ; on retrouve ici un autre contraste, entre le velouté des couleurs et la tonalité sombre du récit, annoncé dès le titre ; on ne trompe personne, cette histoire est un drame.

    Un drame car encore une fois, le film s’ingénue à opposer deux situations qui vont être le quotidien de Jirozaemon : alors qu’il est un marchand reconnu, faisant par ce biais partie de la bonne société, sa quête d’une épouse va l’obliger à fréquenter assidûment les bordels de Yoshiwara, où il tombe amoureux d’un prostituée, ancienne taularde  qui s’est retrouvée là par obligation. S’oppose alors deux logiques, celle du travail -son entreprise de soie a besoin d’argent car les récoltes n’ont pas été bonnes- et celle du plaisir -la fille de joie veut bien l’épouser s’il lui permet de devenir première courtisane, ce qui demande des fonds importants.

    Le film, fonctionnant continuellement sur des extrêmes contradictoires, est de fait très clairement construit. La trajectoire tragique du personnage principal, handicapé dès la première image, est terrible et s’expiera dans un final marquant. La sournoiserie de la jeune fille, aussi belle que vulgaire, répond à l’opportunisme des tenanciers des maisons closes, qui échafaudent sur le dos de Jirozaemon un plan pour lui soutirer encore plus d’argent. La force tragique du récit, accompagné par quelques fulgurances visuelles, est assez remarquable, surtout dans sa dernière partie. Avant cela, le début nous aura paru tout de même un peu long à se mettre en place. Une belle découverte pour un cinéma nippon toujours surprenant.

  • Ciné d'Asie : Le bras de la vengeance (1969)

    Un film de Chang Cheh

    3567678450_f7314b72c8_m.jpgSecond volet de la trilogie du sabreur manchot, ce Bras de la vengeance radicalise les partis-pris du film original, tout en s’ancrant dans la logique du serial. Suite directe, le film commence là où l’on avait laissé le sabreur Fang Gang, retourné après les péripéties du premier opus travailler son domaine agricole avec son épouse.

    Lui qui avait juré qu’on ne l’y reprendrait plus est contraint de reprendre les armes contre une groupe de combattants surpuissants, les 8 rois, qui, sous le prétexte d’un tournoi d’arts martiaux, veulent annihiler toute concurrence dans la maîtrise du sabre.

    Pour les éléments typiquement serialesques, on comprend tout de suite la règle de la surenchère : les combats sont beaucoup plus nombreux, le sang plus présent, tout comme les ennemis et le nombre d’armes utilisées -par ailleurs délicieusement farfelues : j’aime bien le sabre qui projette du venin, ou les boucliers tranchants, très cinégéniques. Plus encore, on va retrouver certains acteurs charismatiques du premier épisode ici, dans des rôles différents évidemment, étant passé de vie à trépas dans Un seul bras les tua tous. Liu Chia-Liang et Tien Feng sont notamment de la partie, constituant une belle galerie de trognes de méchants. Pas le temps de développer un scénario réduit au strict minimum, le but est d’accumuler un nombre impressionnant de combats, captés par la caméra mobile d’un Chang Cheh très inspiré. Les nombreux travellings, la variation des échelles de plans et la multiplicité des angles de prises de vues donne une vraie richesse au film, sans compter le soin apporté aux costumes et aux décors, somptueux. On pourrait, à ce titre, ainsi qu’à d’autres, rapprocher la logique commerciale de la Shaw Brothers avec celle de la firme Hammer, productrice de certains des plus beaux films fantastiques des années 50-60.

    Après un moment d’hésitation, notre sabreur préféré va donc reprendre les armes et dominer ses adversaires d’une façon tellement facile que cela en devient caricatural, un peu à la façon d’un super-héros -il fait d’ailleurs ici beaucoup plus de pirouettes câblées que dans le film précédent, ce qui casse un peu l’élan chorégraphique de certaines scènes ; en effet, alors que des batailles sanglantes et très terriennes font rage, ces sauts fantastiques et -malgré eux- comiques, sortent le spectateur du film.

    Jimmy Wang Yu tient toujours bien son rôle, et si sa grâce martiale n’égale pas celle d’un Gordon Liu ou d’un Jet Li, il n’est pas indigne dans le rôle, d’autant que son visage toujours empreint de gravité rend bien ses cicatrices intérieures.

    Belle suite, le film tire son épingle du jeu par sa frénésie visuelle, ainsi que par la perversité de l’un des huit rois qui n’est autre qu’une reine, prenant avantage de l’effet qu’elle produit sur des combattants qui, pour le coup, deviennent bien inoffensifs. Chang Cheh poursuit son chemin de réalisateur et montre de plus en plus sa passion pour les effusions de sang, doublé d’une ambiance quasiment intégralement masculine... Le summum arrivant bientôt avec la dernière pierre à l’édifice de la trilogie, La rage du tigre (1971), alias The new one-armed swordsman, où David Chiang prend la place de Wang Yu dans le rôle-titre.