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Dossiers - Page 17

  • Ciné d'Asie : Meurtre à Yoshiwara (1960)

    Un film de Tomu Uchida

    3649101963_a6836c3407_m.jpgWild Side Video nous fait découvrir des pans plutôt méconnus du cinéma asiatique avec le coffret Tomu Uchida, sorti en 2006.

    Ce film-ci, narrant la vie pleine de péripéties de Jirozaemon, abandonné à la naissance à cause d’une "horrible" tache sur la joue droite, marque une belle réussite de son auteur.

    La première partie du film s’étend à caractériser le handicap social de l’homme par rapport à sa marque disgracieuse ; malgré une réussite professionnelle sans conteste -il devient un prospère marchand de soie-, les qu’en dira-t-on  ne cessent d’évoquer sa laideur, qui l’empêche, même adulte, de trouver une épouse. L’homme est donc accablé socialement par un défaut physique, malgré une qualité d’être qui ne fait pas de doute. Uchida, pour signifier l’isolement du personnage, compose des cadres symétriques, symétrie que le visage de Jirozaemon ne connaît pas. Sa mise à l’écart sociale s’appuie sur un détachement visuel, le fond et la forme s’accordant d'une bien belle manière. Alors que la majorité des plans font appel à une symétrie classique, donnant aux différents plans un éclat évident, le défaut de l’homme n’en ressort que plus.

    La symétrie va ici de pair avec la beauté flamboyante d’un Scope couleurs extrêmement travaillé : les tons sont quasi pastels, procurant à chaque image le ton doux des estampes japonaises ; on retrouve ici un autre contraste, entre le velouté des couleurs et la tonalité sombre du récit, annoncé dès le titre ; on ne trompe personne, cette histoire est un drame.

    Un drame car encore une fois, le film s’ingénue à opposer deux situations qui vont être le quotidien de Jirozaemon : alors qu’il est un marchand reconnu, faisant par ce biais partie de la bonne société, sa quête d’une épouse va l’obliger à fréquenter assidûment les bordels de Yoshiwara, où il tombe amoureux d’un prostituée, ancienne taularde  qui s’est retrouvée là par obligation. S’oppose alors deux logiques, celle du travail -son entreprise de soie a besoin d’argent car les récoltes n’ont pas été bonnes- et celle du plaisir -la fille de joie veut bien l’épouser s’il lui permet de devenir première courtisane, ce qui demande des fonds importants.

    Le film, fonctionnant continuellement sur des extrêmes contradictoires, est de fait très clairement construit. La trajectoire tragique du personnage principal, handicapé dès la première image, est terrible et s’expiera dans un final marquant. La sournoiserie de la jeune fille, aussi belle que vulgaire, répond à l’opportunisme des tenanciers des maisons closes, qui échafaudent sur le dos de Jirozaemon un plan pour lui soutirer encore plus d’argent. La force tragique du récit, accompagné par quelques fulgurances visuelles, est assez remarquable, surtout dans sa dernière partie. Avant cela, le début nous aura paru tout de même un peu long à se mettre en place. Une belle découverte pour un cinéma nippon toujours surprenant.

  • Dossier : la cinéphilie et le DVD, partie 2

    Continuons notre exploration de la cinéphilie et du DVD, commencée >>ici :

    2. L’institutionnalisation française du cinéma

    a. La Cinémathèque Française
    Henri Langlois, avec l’aide de George Franju, crée la Cinémathèque Française en 1936. Il s’agit d’une association loi 1901, d’initiative privée mais soutenue par l’État, qui est son principal financeur (à hauteur de 80 %). Elle est le premier geste institutionnel de reconnaissance politique du cinéma en France. Elle a pour mission conservation et diffusion de films, qui représentent un ensemble de 40 000 métrages. La passion de Langlois et son initiative sont unanimement reconnues dans le monde cinématographique comme un immense pas en avant pour la reconnaissance de cette forme artistique.
    La Cinémathèque Française est pour beaucoup dans la constitution du goût cinéphilique. La valorisation de ses collections par des rétrospectives, sa programmation et ses éditions sont sans égal. Sans la Cinémathèque, la génération des jeunes-turcs des Cahiers du Cinéma n’aurait certainement pas vu le jour…

    b. Le Centre National de la Cinématographie

    Le CNC est un organisme public créé dans l’immédiat après-guerre, en 1947. Il est censé encadrer la production cinématographique nationale et la recenser. Il n’institue cependant dans un premier temps que le dépôt volontaire des films par leurs ayant-droits -les producteurs le plus souvent-, dans le souci de les protéger juridiquement. Le recensement sera donc d’abord partiel car facultatif. Alors que le copyright sur les œuvres filmiques aux Etats-Unis existe depuis 1912 (pour des raisons économiques), le dépôt légal français date de 1977. Dès lors, tous les films sortis sur le territoire seront répertoriés et conservés.
    D’autre part, le Service des Archives du film du CNC a été créé en 1969, après que Langlois ait été évincé de la Cinémathèque en février 1968. Ce pôle est un des hauts lieux de la restauration (environ 1000 œuvres par an), concernant les films bien sûr, mais aussi le non-film : affiches, scénarios, matériel publicitaire. Le cercle digne de restauration s’élargit. Le film, partie prenante dans ces autres dimensions, devient un véritable univers. Élément « solaire », il rayonne sur tous ses satellites qui forment finalement une galaxie-système indissociable.
    Nous sommes au cœur de la cinéphilie, mise en perspective permanente, qui touche à tous les domaines du film. Ici, la cinéphilie se comprend comme besoin de savoir (et d’avoir) l’annexe pour mieux connaître  le principal.

    La suite à télécharger >>ici

  • Ciné d'Asie : Le bras de la vengeance (1969)

    Un film de Chang Cheh

    3567678450_f7314b72c8_m.jpgSecond volet de la trilogie du sabreur manchot, ce Bras de la vengeance radicalise les partis-pris du film original, tout en s’ancrant dans la logique du serial. Suite directe, le film commence là où l’on avait laissé le sabreur Fang Gang, retourné après les péripéties du premier opus travailler son domaine agricole avec son épouse.

    Lui qui avait juré qu’on ne l’y reprendrait plus est contraint de reprendre les armes contre une groupe de combattants surpuissants, les 8 rois, qui, sous le prétexte d’un tournoi d’arts martiaux, veulent annihiler toute concurrence dans la maîtrise du sabre.

    Pour les éléments typiquement serialesques, on comprend tout de suite la règle de la surenchère : les combats sont beaucoup plus nombreux, le sang plus présent, tout comme les ennemis et le nombre d’armes utilisées -par ailleurs délicieusement farfelues : j’aime bien le sabre qui projette du venin, ou les boucliers tranchants, très cinégéniques. Plus encore, on va retrouver certains acteurs charismatiques du premier épisode ici, dans des rôles différents évidemment, étant passé de vie à trépas dans Un seul bras les tua tous. Liu Chia-Liang et Tien Feng sont notamment de la partie, constituant une belle galerie de trognes de méchants. Pas le temps de développer un scénario réduit au strict minimum, le but est d’accumuler un nombre impressionnant de combats, captés par la caméra mobile d’un Chang Cheh très inspiré. Les nombreux travellings, la variation des échelles de plans et la multiplicité des angles de prises de vues donne une vraie richesse au film, sans compter le soin apporté aux costumes et aux décors, somptueux. On pourrait, à ce titre, ainsi qu’à d’autres, rapprocher la logique commerciale de la Shaw Brothers avec celle de la firme Hammer, productrice de certains des plus beaux films fantastiques des années 50-60.

    Après un moment d’hésitation, notre sabreur préféré va donc reprendre les armes et dominer ses adversaires d’une façon tellement facile que cela en devient caricatural, un peu à la façon d’un super-héros -il fait d’ailleurs ici beaucoup plus de pirouettes câblées que dans le film précédent, ce qui casse un peu l’élan chorégraphique de certaines scènes ; en effet, alors que des batailles sanglantes et très terriennes font rage, ces sauts fantastiques et -malgré eux- comiques, sortent le spectateur du film.

    Jimmy Wang Yu tient toujours bien son rôle, et si sa grâce martiale n’égale pas celle d’un Gordon Liu ou d’un Jet Li, il n’est pas indigne dans le rôle, d’autant que son visage toujours empreint de gravité rend bien ses cicatrices intérieures.

    Belle suite, le film tire son épingle du jeu par sa frénésie visuelle, ainsi que par la perversité de l’un des huit rois qui n’est autre qu’une reine, prenant avantage de l’effet qu’elle produit sur des combattants qui, pour le coup, deviennent bien inoffensifs. Chang Cheh poursuit son chemin de réalisateur et montre de plus en plus sa passion pour les effusions de sang, doublé d’une ambiance quasiment intégralement masculine... Le summum arrivant bientôt avec la dernière pierre à l’édifice de la trilogie, La rage du tigre (1971), alias The new one-armed swordsman, où David Chiang prend la place de Wang Yu dans le rôle-titre.

  • Dossier : la cinéphilie et le DVD, un autre regard sur le film

    Inaugurons ici un nouveau dossier, constitué de notre mémoire d'études de 2005, revu et corrigé actuellement, qui décortique les rapports délicats entre l'idéal cinéphile et le dvd (faisons bref).

    La cinéphilie est une affection, dit-on. Une passion obsessionnelle s’exerçant sur le film et le cinéma. Le statut de la cinéphilie pose beaucoup de questions, car repose sur cet objet constamment tiraillé entre création et rentabilité économique.
    Le DVD fait partie de ce marché, où les étoiles et les récompenses se distribuent à l’aune des profits dégagés. Pourtant, le DVD est aussi bien d’autres choses. Comme transformer la vision du film, changeant l’expérience cinématographique en objet, l’immatériel prenant corps. Le DVD, sur de nombreux plans, révolutionne l’approche du cinéma et donc modifie les comportements cinéphiliques. DVD et cinéphilie ont beaucoup à voir, ils feront l’objet d’un rapprochement privilégié au sein de ce travail, notamment à travers l’étude des parutions Criterion, éditeur de DVD américain et cinéphile avant tout.

    La cinéphilie, rapport éminemment personnel au cinéma, se retrouve ainsi dans le DVD, reconstruisant comme on va le voir une cinéphilie en utilisant ses propres artifices.

    A travers la naissance de la cinéphilie, on verra comment s’est constitué une véritable culture de cinéma. Le DVD s’annonce comme le support pensé pour le cinéphile. Concrétisant le film et la culture du cinéma, il instaure un rapport de connaissance à l’œuvre qui rappelle ce qu’on appellera l’idéal cinéphile.

    Le cinéma a toujours compris, dans une approche psychanalytique, un penchant obsessionnel nommé fétichisme. Ce sera le troisième terme fort de l’étude, autour duquel nous ferons graviter la notion de collection.


    La suite à télécharger >> ici (pdf, 27 ko)

    Rendez-vous chaque semaine pour suivre la suite de la réflexion...

  • Ciné d'Asie : Un seul bras les tua tous (1967)

    Un film de Chang Cheh

    One_Armed_Swordsman_movie_poster.jpgUn jeune homme, entraîné par le maître de son père, est la risée de ses condisciples à cause de ses origines modestes. Les persécutions vont jusqu’à lui couper le bras droit, ce qui condamne a priori sa destinée dans les arts martiaux.

    Le personnage du sabreur manchot, incarné par Jimmy Wang Yu, représente une sorte de fantasme de puissance car il est tout à fois amoindri, mutilé, et triomphe de ses ennemis avec une aisance déconcertante, donc jouissive. La beauté plastique des combats, accompagnée d’une mythologie sympathique (le héros tient son enseignement d’un livre dont les pages ont brûlé à moitié et dont il ne reste que la méthode de combat pour le bras gauche ; livre qui lui est transmis par une femme qui l’a précédemment sauvé) rendent ce film vraiment divertissant, trouvant le juste équilibre, où les combats s’inscrivent gracieusement dans les méandres du scénario et, qui plus est, loin des excès gore qui auront par la suite la préférence d’un Chang Cheh tout dévoué au pouvoir cathartique de la violence.

    The one-armed swordsman, ou Dubei Dao dans son idiome original, s’inscrit dans la lignée des wu xia pian à philosophie confucianiste, mettant en haut de l’échelle des valeurs le respect et la dette envers le personnage du père / maître, laissant le personnage principal torturé par des problèmes d’ampleur shakespearienne ; ici, bien q’une femme lui ait coupé le bras (ce n'est pas rien, tout de même), notre sabreur manchot va voler à son secours quand elle se retrouvera piégée par des brigands, et que le père de celle-ci s’est déjà sacrifié pour essayer de la sauver. Tout cela car le père de la jeune femme n’est autre que son ancien maître, le sauvetage étant donc une façon de ré-équilibrer la balance.

    Au niveau de la réalisation, Chang Cheh assure vraiment avec des mouvements de caméras fréquents mais toujours justifiés, élaborés avec un grand soin (ce qui ne sera malheureusement plus le cas dans sa fin de carrière). Les combats, chorégraphiés de main de maître (c’est la cas de le dire) par Liu Chia-Liang, futur réalisateur d’une flopée de films kung-fu très réussis, sont tout à fait intéressants. Même si la préférence, dans toute l’écurie de réalisateurs Shaw Brothers, ira sans nul doute à Liu Chia-Liang ou Chu Yuan, réalisateur du grand Intimate confessions of a chinese courtesan (1972), cet opus de Chang Cheh -qui connaîtra deux suites- reste une date dans le film de sabre chinois, et supporte un visionnage au premier degré plus de 40 ans après sa réalisation. Le personnage central, traversant l'histoire du cinéma chinois, squattera d'ailleurs plus d'une fois les écrans après 1967, notamment en confrontation avec un autre archétype surpuissant et infirme, dans le bien nommé Zatoichi contre le sabreur manchot (Kimiyoshi Yasuda, 1971).