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Critiques de films - Page 84

  • Un justicier dans la ville (1974)

    Un film de Michael Winner

    3112932322_9ff76bbb11.jpg?v=0Un justicier dans la ville est symptomatique du thème d'autodéfense illustré par un certain nombre de films américains dans les années 70. Ici, un architecte heureux en mariage voit sa vie basculer lorsque sa femme et sa fille sont violentées par des voyous. Peu à peu, il franchit les étapes qui le conduiront à incarner le Vigilante, traquant la racaille pour l’exterminer.

    On parle ici d'un film très réussi bien qu'ambigu ; cependant il n'est jamais manichéen et ne glorifie en aucune façon les agissements de son personnage principal, Paul Kersey. Charles Bronson incarne cet homme brisé, représentant les doutes et le malaise de l’Amérique au cœur des années 70. Le film montre bien ces bandes  de voyous zoner dans un New York crépusculaire (qui rappelle un peu les Warriors de Walter Hill), en totale inadéquation avec le monde moderne et civilisé ; des électrons libres déresponsabilisés qui à la fois façonnent et illustrent un monde de peurs. Ce sont ces peurs que Kersey veut exorciser en passant à l’acte ; leur justification est tout à fait insuffisante, ce qui met finalement les bandits et Kersey du même côté ; ils sont hors-la-loi. Il règne sur le film une atmosphère de western moderne, où les valeurs qui y sont défendues paraissent d'un autre âge, quand les menaces semblent, elles aussi, héritées d'un temps plus ancien.

    Ambigu, le film force donc le spectateur à prendre position par rapport à ce qui est montré, preuve d’un cinéma intelligent. On  ne peut, par rapport au dernier plan du film montrant un Charles Bronson souriant en regardant ses prochaines victimes, que penser qu’on a affaire à un fou furieux ; mais la folie du personnage renvoie au chaos du monde qui l'entoure, que ce soient les bandits, mais aussi les politiques qui l’ont sciemment laissé en liberté. Initiateur de nombreuses polémiques (et paradoxalement de nombreuses suites), tout comme les Dirty Harry, Un justicier dans la ville reste aujourd’hui un témoin de son époque troublée, symbole d’un clash entre la fin d’une époque et le début d’une autre, à l'image de l’Hollywood de l’âge d’or qui laisse sa place aux jeunes loups du Nouvel Hollywood.

  • Le cheval venu de la mer (1992)

    Un film de Mike Newell

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    Le cheval venu de la mer est réalisé en 1992, deux ans avant le triomphe du film suivant de Mike Newell, Quatre mariages et un enterrement. Ce n'est qu'à l’occasion de la sortie française de cette comédie que Le cheval venu de la mer nous parvint.

    Le film est un conte initiatique particulièrement fin dans les thèmes qu’il aborde, que ce soit le deuil, la mort, la famille ou bien l'appel de l’aventure. Le quotidien d’une famille de nomades irlandais est bouleversé par l'arrivée d’un magnifique cheval blanc. Le père, alcoolique (Gabriel Byrne, excellent), voit ainsi ses deux garçons partir à l'aventure à dos de cheval, à la découverte de leurs racines. Le film est à la fois une comédie et un conte sur fond de drame humain. La peinture des conditions de vie de la famille donnerait en effet froid dans le dos si elle n’était pas secondée par une musique folklorique sautillante et des images d'une beauté si simple qu’elle en deviendrait surréelle.

    Le titre français, comme le début du film, insiste sur la dimension fantastique du récit, à l'aide de l’apparition extraordinaire et du décalage entre le cheval et la civilisation qui l'accueille. Les premières images installent d’ailleurs le film dans une sorte d’intemporalité, mettant en présence la mer, une plage, le cheval, un vieil homme et sa calèche. Le choc de l'apparition des tours d’immeubles du quartier irlandais désolé duquel la famille est proche n'en devient que plus fort. Ce sentiment d'intemporalité pourrait bien nous conduire vers le Western, genre pour lequel le titre original (Into the west) a beaucoup d'importance. Les enfants sont marqués dès leur plus jeune âge par l’idéal du Cow-boy et du Western, auxquels, nomades et marginaux, ils s'identifient sans mal. L'arrivée du cheval dans ce contexte les rapprochera de leur rêve de western. Car Into the west symbolise autant l'Ouest américain fantasmé que l'Ouest réel de l'Irlande, région dans laquelle ils vont effectuer leur périple.

    Road-movie, conte initiatique, le film de Mike Newell lorgne aussi vers la comédie surréaliste à la Kusturica lors de nombreux passages extrêment réjouissants ; citons ici une séance cinéma clandestine et privée où nos deux cow-boys se font la projection de Retour vers le futur 3 avec leur inséparable cheval.

    Pour les jeunes garçons, qui n'ont que leur père alcoolique et leur grand-père, le voyage qu’ils entreprennent a un autre enjeu que le simple appel de l’Ouest, enjeu inconnu à leurs yeux jusqu'à la presque toute fin : c’est là qu'on retrouve la thématique du deuil, par ailleurs présente tout le long du film, fort bien traitée dans ce film destiné avant tout à un public familial et très jeune. Depuis sa sortie, il est ainsi régulièrement proposé lors de travaux en classes de primaire, à même d’aborder des questionnements pas évidents dans l’esprit d’un enfant. De quoi passer un bon moment !

  • L'aventure du Poséidon (1972)

    Un film de Ronald Neame

    3104403854_e8b109d6cb.jpg?v=0Rejeton classique du genre film-catastrophe, ayant eu ses beaux jours principalement dans les années 70, bien qu'un nombre incalculable de films aient utilisé avant un événement de type catastrophe dans le cours de leur récit, L’aventure du Poséidon déchaîne la mer (via un tremblement de terre sous-marin), ce qui aura pour effet de retourner complètement le navire du titre. Si l'on nomme Airport (George Seaton, 1970) comme un nouveau départ dans le genre, c’est qu'il cristallise plusieurs éléments constitutifs de ce genre : focalisation sur la catastrophe et ses conséquences, centrage sur un petit groupe d'individus rescapés représentant chacun une partie de la société de l’époque, et y ajoute deux aspects caractéristiques de ce renouveau : gros budget et casting de stars. On retrouve ici Gene Hackman, tout juste oscarisé pour French Connection (William Friedkin, 1971), Roddy McDowall, Ernest Borgnine de La Horde sauvage (Sam Peckinpah, 1969), ou encore Shelley Winters, de Lolita (Stanley Kubrick, 1960). Si le début du film fait un peu sourire par sa propension à nous offrir une Croisière s’amuse avant l’heure -c’est le 31 décembre, tout le monde fait la fête et on nous dévoile la vie privée de certains personnages-, cette bonne ambiance est rapidement prise à contre-pied par le renversement sus-cité, assez impressionnant. On touche là au passage obligé du film-catastrophe, la mise en scène du phénomène, qui se doit d'être gigantesque, transformant les êtres humains en fourmis ne pouvant rien faire d’autre que subir la situation. On retrouvera dans chaque film cet écart d'échelle, qui symbolise toute l'étendue de la catastrophe. Dans les airs, sur la mer, à cause d’un volcan, d'éboulement, d'un raz-de-marée, et j'en passe, l'inéluctabilité du fait que tout va changer après est toujours présente. Pour le groupe de survivants, la réflexe de survie est autant présent que le choc de la perte des êtres qui leur sont chers. Dans ce contexte extra-ordinaire, les rapports de force vont rapidement se mettre en place, entre un leader et un groupe à sa charge. Dans L’aventure du Poséidon, la figure d'autorité (Gene Hackman, qui joue un pasteur progressiste) est vite contestée par un autre personnage -Ernest Bognine, un policier-, opposant ainsi deux formes de leadership. Au final, les deux sont assez semblables, comme le discerne bien le pasteur. Les cartes sont ainsi disposées qu’au groupe de survivants adviendra des malheurs, certains étant perdus en cours de route. On touche à l’une des autres constantes du genre, la brutalité et l’injustice des mises à mort. On posera ici un bémol devant le manque de souffle de ces séquences, qui enlèvent des personnages centraux sans assez de force ; ceci étant posé, les personnages restants portent tous le spectre de quelqu’un, chacun une blessure -psychologique et physique-,  augurant des années 70 comme la décennie  de la désillusion.

    Dans l’ensemble, le film a assez bien vieilli même s'il n’exploite pas toutes les ressources de l’écran panoramique. Celui-ci rend tout de même la scène du renversement et de la lame de fond plus impressionnante. Le périple de notre petit monde dans les dédales de couloirs remplis de débris et de morts, poussés par l’eau qui envahit peu à peu les compartiments en dessous d’eux, est bien ficelé même si certains passages font penser à un parcours d’épreuves type Fort Boyard (Shelley Winters, pourtant grossie d’une vingtaine de kilos, qui parcourt à la nage un conduit souterrain). Finalement, c’est de cela qu’il est question : un parcours du combattant au cours duquel les ressources de chacun sont mises à contributions, et dans lequel on voit également apparaître les faiblesses des personnages. Si le genre a rapidement donné des signes d’essoufflement, les années 2000 lui donne encore des énormes budgets, à l’image d’un Jour d’après (Roland Emmerich, 2004) , de En pleine tempête (Wolfgang Petersen, 2000), ou du prochain film de Roland Emmerich, 2012. Le gigantisme nécessaire à l’élaboration de ces projets sied bien à l’inflation des budgets actuels, et au concept tant aimé de surenchère...

    Pour finir, une petite page sympathique sur le genre du film-catastrophe ici.

  • Eden Log (2007)

    Un film de Franck Vestiel

    3099957292_a25802f551_m.jpgIl y a des films que l'on a envie d’aimer ; ceux qui, sans en avoir vu une seule image, nous disent qu'ils correspondent a priori à tout ce qu'on aime. La science-fiction est un genre placé quelque part au plus haut dans mon panthéon cinéphile perso (2001, Les fils de l’homme, The Fountain, La planète des singes, ou encore Sunshine sont des films dont la seule évocation me donne envie de les revoir), je pense être le public-cible d’Eden Log. Quelle ne fut pas ma déception devant ce film, qui essaye vaguement de raconter son histoire (un homme se réveillant dans une grotte ne se rappelle plus de rien ; son chemin sera de comprendre ce qu'il fait là) au mépris de toute considération pour son spectateur. On touche ici aux limites d'un premier film (raté), c'est qu’il parle beaucoup plus à son auteur qu'aux autres.

    En prenant pour personnage principal (qui sera le plus souvent seul à l'image) un Clovis Cornillac grognant et beuglant dans une composition essentiellement muette, Vestiel interdit toute empathie et identification au rôle, ce qui pose quand même un sacré problème. Préférant laisser Cornillac seul avec l'obscurité errer sans un mot pendant la -très longue- première demi-heure, il réussit le pari insensé de nous ennuyer dès les premières minutes de son film, dès lors que l’on comprend qu’il ne passera rien de plus. Le spectateur, essayant de réunir les quelques morceaux épars d'un scénario au mieux elliptique, au pire absent, n'a rien à quoi s'accrocher, si ce n’est qu'il peut éventuellement remarquer un bon travail au niveau du design sonore du métrage, ainsi qu'une photo assez belle. Cependant, la faute à un budget ridicule, l’image ne donne finalement pas grand-chose à voir  et se laisse aller à un trip claustrophobe pas efficace pour deux sous. Pour toute progression narrative, on a droit à une recherche d’indices qui montre une influence tout droit sortie des jeux vidéo ; on pourrait ainsi le rapprocher d’un Silent Hill (Christophe Gans, 2006), lequel, même s’il ne constitue pas une réussite flagrante, est à 100 lieux de l’échec artistique d’Eden Log. Enfin, on avancera que, si le film se cherche des parrains renommés -notre esprit divaguera en cours de visionnage de Soleil Vert (Richard Fleischer, 1973) à The Fountain (Darren Aronofsky, 2006)- les 5 minutes de la fin voulant concentrer la seule idée du film, l'oeuvre ne peut que laisser un goût amer. celui de la perte de temps. Le film aurait sûrement beaucoup mieux fonctionné au format moyen voire court-métrage. Disons que ce n’est pas avec le film de Franck Vestiel que l’on peut augurer avec confiance de l’avenir du cinéma de science-fiction en France !

  • La Belle et la Bête (1946)

    Un film de Jean Cocteau

    3095171218_d7dc68ae07_m.jpgGrosse impression pour la première vision (hé oui !) de ce classique fantastique de l'artiste total Jean Cocteau. Au sortir de la seconde guerre mondiale on pouvait donc voir à l'affiche ce conte de fée sur pellicule, fait avec les moyens du bord (ce n'était pas un gros budget même pour l'époque), qui constitue en soi un vrai miracle cinématographique. Tous les éléments s'y assemblent parfaitement, à commencer par Josette Day, alors amante de Marcel Pagnol, que ce dernier recommanda à son ami Cocteau. Elle est Belle dans une simplicité et une clarté solaire impressionnante. Jean Marais, jouant deux rôles, la Bête et le soupirant de Belle, a transformé sa voix précieuse et haut placée avec le concours de cigarettes à gogo et de rhumes pris exprès. Ainsi, il donne à la Bête une très crédible irritabilité et une voix rauque douloureuse. Les décors somptueux créés par Christian Bérard, dont ce sera l'œuvre la plus significative, imprègnent le film d’une atmosphère gothique propice aux rêves. Cocteau est également épaulé par René Clément, assistant-réalisateur sur le film mais aussi réalisateur de seconde équipe, et déjà cinéaste depuis les années 30, futur réalisateur de Plein soleil (1960) ou Paris brûle-t-il ? (1966). Tous ces éléments sont soumis à la vision d'un artiste, Cocteau, qui commence d'ailleurs le film en écrivant lui-même les crédits du générique devant la caméra, démontrant dès les premières minutes sa position d'auteur. Et le film d'émailler pendant 90 minutes des visions étonnantes : l'entrée de Belle au ralenti dans le château de la Bête, guidée par des torches portées par des bras étrangement animés, la première apparition de la Bête, et diverses transformations et autres ingéniosités qui font de La Belle et la Bête un creuset d'inventions pour faire croire au fantastique. Les costumes, extraordinairement travaillés, sont aussi l'élément qui nous fait y croire.

    On peut voir deux mondes bien opposés dans le film, d’un côté le quotidien de Belle et ses sœurs dans le village, traité de façon plutôt comique / comédie de mœurs, et de l’autre le château de la Bête, théâtre gothique d’un temps onirique où les statues sont vivantes et où un miroir magique peut vous montrer ce que vous voulez ; où les choses préférées d’une Bête sont des roses... Deux mondes tellement dissemblables qu'on prendrait l'un pour le monde réel et l'autre pour un rêve éveillé. Le côté réel et comique de la vie de Belle et ses sœurs au village, dimension qu'on tend à oublier devant les passages -certes plus long- au château de la Bête, révèlent de forts bons moments, comme ces laquais qui dorment au soleil en attendant une possible requête de leurs maîtresses, et ce jeune homme qui parodie l'énervement des nobles, en criant "Petits laquais ! petits laquais !" est hilarant. Film sans équivalent, à l'époque comme aujourd’hui, La Belle et la Bête a marqué au fer rouge l'histoire du cinéma mondial (avant ce film, le conte de Mme Leprince de Beaumont n'avait jamais été adapté) dont on retrouve des traces toujours vivace ; le film de Disney, celui par lequel le conte est aujourd'hui plus connu, utilise beaucoup d'aspects du film de Cocteau ; pour sa mini-série Angels in America, Mike Nichols (Le Lauréat, Closer) rend un bel hommage à la scène magique de Belle entrant dans le château de la Bête. Même si on a tendance à user de ce mot à tour de bras, on peut bien parler de visionnaire en parlant de Jean Cocteau et de son adaptation de La Belle et la Bête.