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Critiques de films - Page 85

  • Aeon Flux - la série (1995)

    Une série animée de Peter Chung

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    Série d'animation complètement atypique, Aeon Flux ne ressemble à rien d'autre : narration elliptique, personnages concepts, design anguleux (rappelant le travail de l'excellent Bill Plympton), tout cela est parti d’une commande de MTV pour son émission Liquid TV. Peter Chung -connu désormais du grand public comme réalisateur d'un segment de l’anthologie Animatrix- a alors réalisé des histoire très courtes (4 ou 5 minutes), privilégiant l'action non-stop et une intrigue réduite au minimum où Aeon Flux, héroïne habillée mode cuir-SM qui a dû beaucoup marquer les frères Wachowski, évolue au sein de décors industriels ou désertiques (on saisit vaguement que deux camps s'opposent, Aeon dans l'un et le despote Trevor Goodchild dans l'autre, ce dernier étant aussi l'amant de Aeon, s'adonnant à des élans sexuels assez "autre"…).

    L'ambiance générale est tributaire des récits cyber-punk, explorant les liens homme-machine et la nébuleuse des réseaux de communication. Il faut préciser qu'il a été décidé assez tôt dans ces courts de faire mourir l'héroïne à la fin, autorisant dès lors toutes les fantaisies car l'épisode suivant constitue une réinvention totale. Le procédé permet également de n'en voir qu’un sans être trop perdu. Ces courts ayant été récompensé par une forte audience, Peter Chung eut l'opportunité de développer son univers dans une série de 10 épisodes de 26 minutes, qui constituent ici le cœur du programme du très bon DVD sorti en 2006. Ma préférence ira quand même aux premiers courts réalisés, qui, grâce à l’éditeur, sont aussi présent dans ce beau coffret. Dans l'optique de la série, le concept premier n'a pas été gardé (faire mourir l'héroïne à chaque épisode), changeant dès lors l’orientation du show. On se doit de suivre une intrigue plus "construite", plus complète, donc par là moins mystérieuse, elliptique. Cela dit, il est toujours difficile de comprendre ce qui se passe à l’écran ! Que cela ne décourage personne de découvrir cette série à nulle autre pareille ; les 5 premiers épisodes de 26 minutes sont vraiment très réussis, et arrivent à conserver l'ambiance vraiment étrange des premiers courts.

    Les cinq derniers sont à mon sens bien en dessous ; en effet, Chung a voulu donner une continuité à l’intrigue, et c'est paradoxalement là que ça devient moins intéressant, car au moment où il faudrait vraiment suivre le déroulement, des personnages récurrents d'épisodes en épisodes, je n'ai plus compris grand chose... Il s'agit néanmoins d'un ensemble d'épisodes qui gagne à être revus, car on est toujours surpris de trouver une nouvelle donnée, de décoder certains aspects qui nous avaient totalement échappé lors de la première vision.

    Au niveau purement "animé", on y trouve un mouvement segmenté très hypnotisant. Élément-clé, la bande sonore très recherchée de la série nous fait bien ressentir l'inquiétante étrangeté de cet univers différent, et néanmoins tout à fait fascinant.

    Disponibilité vidéo : DVD zone 2 - éditeur : MTV Music Television

  • Pour toi j'ai tué (1948)

    Un film de Robert Siodmak

    3077248094_5368fb47d1_m.jpgA l’occasion d'un travail sur le film noir, nous découvrons aujourd’hui Criss Cross (Pour toi j'ai tué), réalisé par Robert Siodmak en 1948, deux ans après ses Tueurs, déjà avec Burt Lancaster dans le rôle principal. Après la femme fatale détestable de Detour (Edgar G. Ulmer), la violence sèche de La brigade du suicide et Marché de brutes (Anthony Mann) ou encore la folie apocalyptique de En quatrième vitesse (Robert Aldrich), nous pouvons affilier sans problème aucun Criss Cross dans la veine la plus pure du film noir. Ici, à l'image de certains personnages qui dès le début du film ont déjà perdu et sont marqués par le sceau du fatum en marche, tout est déjà joué dès les premières minutes. La vue aérienne qui débute le film est d’ailleurs très à-propos, s'approchant peu à peu du lieu où tout bascule, un bar interlope du centre-ville ; les activités humaines ont l’air d'un monde miniature où le contrôle de la destinée semble impossible, déterminée par quelque chose de plus grand. La tentative de hold-up d'un camion blindé se soldera, ce n'est jamais une surprise, par un échec sanglant.

    Le couple qui ouvre le film est un couple clandestin, qui doit se rencontrer la nuit tombée sur le bitume glacé d’un parking. Dès les premiers mots échangés, on entend la résonance d'un passé qui refait surface, d'un passé qui fait mal mais les relie envers et contre tous. Le film est essentiellement construit autour d'un long flash-back de 45 minutes, d'ailleurs quasiment raccord avec le temps réel du métrage.  Ce flash-back n'est cependant pas celui du passé originel, celui de la rencontre, du mariage et du divorce de Steve et d'Anna ; celui-là, on ne le verra jamais, mais on peut aisément le deviner. Non, le flash-back intervient lors des retrouvailles accidentelles des deux amants, un long moment étant déjà écoulé depuis leur séparation. Mais est-ce qu'un accident existe dans le film noir ? Comme l’égrène la voix-off de Burt Lancaster, "It was in the cards", c'était la destinée. Cette voix-off insiste longuement sur sa résistance de Steve envers cette force invisible, qu'il n'était pas revenu dans sa ville natale pour revoir celle qui fut sa femme. Malgré tout, sa première action est de revenir au lieu de leurs rendez-vous d'autrefois, le bar Round-up. On note un vrai décalage entre les actions du personnage principal et ce qu'annonce sa voix-off, elle qui a la possibilité de mettre les événements en perspective. Malgré tout, une fois que le cours du récit revient au temps présent, c’est exactement ces mêmes erreurs que Steve reproduit : même en étant relativement conscient de la mauvaise route qu'il prend, il ne peut pas s'en empêcher. Les choses se passent malgré lui, comme s'il était téléguidé par une force avec laquelle il est en perpétuelle lutte sans avoir aucune chance de gagner. L'enchaînement des actions nous fait comprendre les faiblesses du personnage principal : il se croit maître de ses actions, assez intelligent pour passer entre les gouttes alors que toutes ses décisions ne font que précipiter un peu plus sa fin et celle des autres. Siodmak prend ici à revers les caractéristiques de Swede, le personnage de Burt Lancaster des Tueurs, qui attend sa mort car croit la mériter alors qu'il a tout faux. Ici, Steve pense qu'il va toujours s’en sortir, et il a également tout faux. Les deux films sont ainsi des miroirs chacun l'un pour l’autre : c’est dire la place importante de Criss Cross dans la lignée du film noir. Et si, à la source du tourbillon funèbre, ce n'était ni la poisse, ni le destin, mais seulement une passion dévorante qui marquerait au fer rouge la vie de tous ces personnages ?

  • Futurama : Bender's Big Score (2007)

    3073300503_f2daf88cb9_m.jpgHier soir, Nous avons vu Cœur de dragon. Cependant, critiquer le manque de talent de Rob Cohen étant plutôt facile et manquant cruellement de savoir-vivre -pourquoi s'acharner sur un homme à terre ?- , attelons-nous à autre chose qui, à l'opposé des aventures médiévales du réalisateur de Fast and furious et La momie 3, aurait pu être un bon film. Oui, il s’agit du premier des 4 téléfilms direct-to-video de la série Futurama, Bender’s Big Score. Au cours de 4 saisons, Futurama a dessiné un univers futuriste et science-fictionnel assez drôle et unique, même si inégal. Le passage à un format plus long (1h30 contre 20 min.) a néanmoins cassé les pattes de cette machine à blagues inventée par Matt Groening, le créateur des immortels Simpsons.

    On louera en premier lieu la qualité des premières minutes du film, réglant ses comptes avec la Fox qui avait torpillé la série au bout de 4 saisons. On retrouve les personnages bien campés comme si on ne les avait pas quittés, Bender en tête, suivi de Fry, Leela et toute la bande. Les scénaristes ont décidé de s'attaquer à une constante des récits de science-fiction / fantastique, à savoir le voyage dans le temps, qui comprend aussi un sacré piège au niveau de la cohérence scénaristique : le paradoxe temporel (exemple : dans Terminator, comment John Connor peut-il être envoyé dans le passé résoudre l’affaire T-800 et en sortir vainqueur ? Car s'il est gagnant, il n’a pas besoin de faire le voyage dans le temps la première fois, car la destinée a changé. Bref, c'est le poisson qui se mord la queue). Ils ont néanmoins bien bossé, car au niveau logique, c'est réussi. Sauf que... Hé oui, sauf que l’histoire du double de Fry qui mène une vie parallèle en 2000 et des poussières, et bien on s’en tamponne ! Les allers-retours dans le temps sont carrément dommageables au reste du métrage, tellement on a envie de voir les héros évoluer en l’an 3000 comme dans la série. Les enchaînements hasardeux donne à voir une narration foutraque et traitée par-dessus la jambe, même si l’énergie du gag est bien présente. Ce qui est un comble, c’est de trouver le temps long même si les enjeux majeurs de la série se trouvent traités dans le film : Leela trouve chaussure à son pied, on retrouve les origines de la série par le biais du voyage dans le temps, les créatures extra-terrestres venus conquérir la Terre, etc. La faute à un fourre-tout scénaristique et comique qui veut trop en faire, là où le passage au long de la famille Simpson avait resserré les péripéties pour un résultat hilarant. Nous serons tout de même au rendez-vous pour la suite, The Beast with a billion backs. So long !

  • Le facteur sonne toujours deux fois (1946)

    Un film de Tay Garnett

    3060986982_d3c6a7a251_m.jpgDans ce film noir typique adapté du roman de James M. Cain, deux amants criminels prévoient le meurtre du vieux mari de la jeune femme, dans un enchaînement d'actions qui fait penser au chef d'œuvre de Billy Wilder, Double Indemnity (Assurance sur la mort). La rencontre des futurs meurtriers est construite de façon assez similaire : alors que dans Double Indemnity, la caméra filait les jambes de Barbara Stanwick accompagnée des paroles de Fred MacMurray en off, ici c’est un bruit, un rouge à lèvres qui tombe sur le sol, qui scelle la rencontre. La caméra s'immobilise d’abord sur l’objet, puis remonte vers son origine et s'arrête à nouveau sur deux jambes parfaites. En contre-champ, le jeune homme n'en croit pas ces yeux. Le plan suivant nous dévoile Cora (Lana Turner), au teint hâlé dans une tenue d’une blancheur immaculée, comme sortie de l’Olympe céleste. Frank (John Garfield), en contre-champ, en a eu le souffle coupé (son jeu est juste incroyable). Dans cette introduction réside la plus belle scène du film. John Garfield, acteur maudit, d’abord sous-employé par les Studios et harcelés par la chasse des sorcières, finira sa vie épuisé, à l'âge de 39 ans. Il excelle dans ce film à jouer cet homme perdu dans la société contemporaine, souffrant de la maladie des "pieds qui démangent", prenant toujours la fuite. Allez, pour les nostalgiques (et tous les autres), la perle du film.

    La thématique de l’ensemble me semble bien être l'imprévisibilité, tout ce qui sort du cadre ; car, bien que minutieusement préparé, le plan va dès le début se vriller complètement. Comme à l'habitude, me direz-vous : un chat qui ne devait pas être là, ainsi qu’un policier, font tout capoter la première fois, alors qu'on pouvait penser que le plan allait fonctionner mais que les amants allaient être inquiétés. Première surprise, le mari ne meurt pas et le couple échappe à l’inculpation. Ils décident alors d'abandonner leurs sombres idées et de s'éloigner l'un de l'autre. Cela ne dure qu’un temps, et lorsque John Garfield reparaît, il réanime l'envie de meurtre. La suite est aussi surprenante dans sa capacité à jouer de l’imprévu. Une assurance-vie de 10 000 $ a été souscrite au nom du mari (comme dans Double Indemnity) mais ni la jeune femme ni son amant n’étaient au courant ! Autre surprise. Le film joue sans cesse avec le spectateur, ne partant généralement pas dans la direction où on  l'attendait. C'est déjà une grande réussite. Ce qui fascine encore plus, c’est l'alchimie entre les deux amants et la puissance érotique que dégage Lana Turner, alors que la censure du code Hays battait son plein. Tout comme Phyllis, Cora entraîne un jeune homme hors du droit chemin, presque malgré elle, mais le fatum est à l’œuvre : la noirceur chère au film noir rattrapera tout ce petit monde pour un message final cette fois plus raccord avec le code de production cinématographique, sacrant la justice universelle, contre l'impunité. Mais l'on est pas dupe : le désespoir nimbant l'oeuvre détourne la censure et les contraintes, ces dernières constituant bien à l'époque un challenge constant et ici, très réussi.

  • Le retour de l'inspecteur Harry (1983)

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    Un film de Clint Eastwood

    Ce quatrième épisode de la saga inspecteur Harry est celui des changements nécessaires, après un The enforcer (L'inspecteur ne renonce jamais) mou du genou et tirant vers la comédie, Eastwood ayant une partenaire féminine rigolote et un peu gauche (Tyne Daly).

    Le retour de l'inspecteur Harry, c’est d’abord l'arrivée derrière la caméra d'Eastwood lui-même qui, 12 ans après ces premiers pas de réalisateur dans le premier Harry, décide de prendre les choses en mains. On retrouve ces plans d'hélicoptère filmés près de la côte qui faisait la beauté ténébreuse de son premier long-métrage, Play Misty for me (Un frisson dans la nuit). Eastwood est véritablement attaché au personnage de Harry, qui vraisemblablement a évolué en même temps que lui. Ainsi, tout en retrouvant certains acteurs avec qui il a déjà tourné par le passé (Sondra Locke et Pat Hingle dans L’épreuve de force, Harry Guardino déjà dans la série des Harry), son inspecteur Harry change. Confronté à une meurtrière en série (dont le visage nous est dévoilé dès la première séquence), il questionne ses propres valeurs. Le film est d’ailleurs moins sur l’inspecteur que sur le personnage complexe de Jennifer Spencer (Sondra Locke), qui dans la grande tradition du rape n' revenge (viol puis vengeance), va exécuter un par un ceux qui ont violenté sa sœur et elle. Les mâles vont perdre ainsi leurs attributs virils, dans la soif de vengeance exprimée avec toujours autant de hargne par l’actrice. Cette dernière incarne une artiste aux peintures torturées, expressions de ses blessures intérieures. Le film questionne donc la problématique de la violence et du meurtre, dans une acception plus complexe qu’auparavant. Jennifer et Harry, dès leur première rencontre, sont représentés comme des êtres assez semblables, les paroles d’Harry correspondant à la vision de la vie de Jennifer ; Harry comprend petit à petit l’optique de la jeune femme. C’est néanmoins une criminelle, et la limite entre les deux ici est floue, thématique qu’utilisera  Tightrope (La corde raide), réalisé par Richard Tuggle l’année suivante, toujours avec Eastwood. L’affiche de ce film, évocatrice, titrait fièrement Flic ou violeur ?, respectant bien la lignée initiée par la série des Harry où la seule différence entre les criminel et l'inspecteur, c’était qu’Harry avait un badge de police.

    On retrouve dans Le retour... l'inspecteur tête brûlée des débuts (une des premières scènes du film, où Harry se rend nonchalamment dans un café, théâtre d’un hold-up, fait écho à une scène analogue dans le premier épisode de la série lorsque Harry mange un sandwich juste en face d'une banque elle aussi en train d'être dévalisée), le côté fétichiste des armes à feu (attention à sa nouvelle arme, un véritable monstre), et donc son rôle de  pistolero moderne qui appartiendrait à l'époque passée où l'on appliquait la justice en faisant parler la poudre. Harry n'est d'ailleurs à 100% lui-même que lorsqu’il sort son arme (et il la sort souvent), lui qui, alors qu'il est mis à pied par ses supérieurs, passe son après midi au soleil à s'entraîner... au tir.

    Une fois encore, la série des Harry s’inspire des meurtriers en série (le premier épisode décalquant consciemment son modèle sur le véritable Zodiaque, qui avait terrorisé San Francisco dans les années 70) et constitue une évolution du film noir, avec ces atmosphères nocturnes et urbaines, cette odeur de crime omniprésente qui jaillit à chaque coin de rue, et un personnage central solitaire, à cheval entre la justice et l'illégalité. A ce titre, la saga inspecteur Harry reste inégalée par la présence solaire de Clint Eastwood, dont le visage crispé est telle une cartographie mouvante des canyons du Far West : dans un monde mis sans dessus-dessous par le crime, sa conception individuelle de la justice ne s’embarrasse pas de détails.