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60's - Page 4

  • Flashback Presse Cinéma : Midi-Minuit Fantastique n°1

    14853437706_a15a800b4c_m.jpgToujours à l’affût des projets originaux dans le domaine du cinéma, la maison d'édition Rouge Profond nous a permis il y a quelques mois de redécouvrir tout un pan de la littérature cinématographique des années 60 avec la publication du premier tome d'une intégrale de la revue Midi-Minuit Fantastique, comprenant les six premiers numéros, augmentées de reproduction en couleurs de magnifiques photographies d'exploitation. Le mérite en revient évidemment surtout à Michel Caen, rédacteur en chef de la revue, et à Nicolas Stanzic, auparavant auteur d'un ouvrage indispensable sur la Hammer Films. Pour vous replonger dans une époque aujourd'hui révolue, de prime découverte et d'émerveillement pour le cinéma fantastique, je vous propose un bref compte-rendu de chaque numéro de la revue.

    Midi-Minuit Fantastique ouvre un territoire qui n'existait pas à l'époque, proposant une réflexion approfondie sur le genre que nous chérissons, entre autres, dans ces lignes. Ainsi, dans le premier numéro de la revue, daté de mai-juin 1962, les rédacteurs (Jean-Claude Romer, Alain Le Bris, Michel Caen, Jean Boullet, Paul-Louis Thirard, Michel Nuridsany), ont trouvé un thème fédérateur : le réalisateur Terence Fisher, grand architecte du cinéma de la Hammer, qu'ils apprécient par-dessus tout (et ils sont presque seuls dans ce cas-là à l'époque). Même si l’œuvre de Fisher n'est pas terminée, il a depuis longtemps déjà posé les jalons de son cinéma, notamment avec les relectures du cycle des Universal Monsters : principalement Frankenstein s'est échappé (1957), Le cauchemar de Dracula (1958), La nuit du loup-garou (1962). Et les cinéphiles passionnés de la revue de décortiquer la filmographie du réalisateur sont un angle quasi-uniquement visuel ; les figures du sang, du château, de l'érotisme sont ainsi abordées, de même que le mythe de Frankenstein.

    On remarque que la musique, importante dans la constitution d'une ambiance Hammer, n'est symptomatique pas évoquée dans le numéro, alors que d'autre part, le directeur photo Jack Asher est tout de suite repéré comme un artisan notable du charme des images made in Hammer. La répartition des illustrations, nombreuses dans la revue, est souvent construite sur des comparaisons avec les anciennes versions des films (Universal versus Hammer), les articles étant également épaulés par les dessins à l'encre d'Adrien Dax. A la suite des articles thématiques, on trouve un cahier critique des nouveautés sorties dans les genres qui intéressent la revue ; Jean Boullet nous donne par exemple envie de voir L'épée enchantée (Bert I. Gordon, 1962). Dès ce premier numéro, on note également l'accent mis sur le côté encyclopédique de la revue, misant à chaque fois que l'occasion le permet sur la liste : filmographies commentées à tous les étages.

    Découvrir ces précieux documents aujourd'hui génère bien des surprises, la première d'entre elle étant l'intemporalité de l'écriture et le sérieux de l'analyse. Bien qu'on soit en plein voyage dans le temps culturel, les textes ne peuvent être réduits à de simples documents historiques relatant les débuts de la cinéphilie fantastique à la française et gardent aujourd'hui toute leur pertinence. On relèvera particulièrement dans ce numéro l'édito de Jean Boullet sur "Terence Fisher et la permanence des mythe",  témoignant d'un profond amour du cinéma fantastique et reconnaissant en Terence Fisher son nouveau prophète du genre... alors même qu'il n'a pas encore vu un seul de ses films ! Aujourd'hui, à mon tour de témoigner ma plus grande gratitude envers les cinéphiles passionnés qui ont permis l'exhumation de ce trésor inestimable : Michel Caen et Nicolas Stanzic, merci à vous pour le cadeau que vous faîtes aux amoureux du cinéma fantastique qui redécouvrent aujourd'hui l'origine de leur passion ! Quant à moi, je vous donnerai régulièrement rendez-vous ici-même au fur et à mesure de la lecture de l'imposant et magnifique pavé constituant le premier tome de cette intégrale.

    Pour plus d'infos concernant Midi-Minuit Fantastique, une seule adresse : midiminuitfantastique.com

  • La vallée de Gwangi (1969)

    Un film de Jim O'Connolly

    13793807285_5309bc1227_m.jpgA l'origine idée du vétéran des effets spéciaux Willis O'Brien comme suite du King Kong de 1933, La vallée de Gwangi et sa découverte d'un espace où la vie préhistorique aurait survécu est repris par le grand Ray Harryhausen, en quelque sorte fils spirituel de O'Brien. Les prises de vues, incluant James Franciscus ou Freda Jackson (vue dans A Canterbury Tale de Powell & Pressburger, Les grandes espérances de David Lean ou encore Les maîtresses de Dracula de Terence Fisher, sont bouclées en Espagne. Elles ne sont guère enthousiasmantes, le film prenant toutes sa valeur avec les créatures fantastiques créées par Harryhausen ; un ptérodactyle, une sorte de tyrannosaure (le fameux Gwangi du titre), mais aussi un cheval miniature, et un éléphant sont les attraction de ce film à effets. La fluidité de l'image par image n'aura jamais été si parfaite à l'époque. Le cheval miniature notamment, outre son caractère fantaisiste très rigolo, est formidablement animé. De même, l'animation réaliste d'un éléphant à la fin du film est très réussie.

    Et l'histoire, me direz-vous ? Pas fantastique, contrairement à son postulat de départ. Le patron d'un cirque ayant des difficultés financières va voir l'arrivée du cheval miniature comme un aubaine, le clou de son futur spectacle. La découverte de la vallée de Gwangi est typique des films de dinosaures, à l'image du Monde perdu (Harry O. Hoyt, 1925), de King Kong (Shoedsack & Cooper, 1933), ou plus tard Le sixième continent (Kevin Connor, 1975) et Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993), mais y ajoute le western, le film se déroulant au début du XXème siècle. Tuck (James Franciscus) a tous les atours du cow-boy. Dans la lutte pour la possession de l'animal fantastique, Le scientifique se heurte au commercial, une belle jeune femme se trouve au centre des enjeux (la pauvre Gila Colan, d'origine polonaise, verra toutes ses répliques redoublées par une autre actrice en raison son trop fort accent), et le film s'inspire d'ailleurs largement du dernier acte de King Kong.

    Malgré son histoire prétexte, The valley of Gwangi mérite d'être découvert aujourd'hui : scènes de foules convaincantes, paysages désertiques de l'Espagne, et les très nombreuses animations de Ray Harryhausen doivent suffire au bonheur des fans du genre.

    Disponibilité vidéo : DVD zone 1 avec VF et VOST - éditeur : Warner Home Video

    Source image : affiche du film © Morningside Movies

  • L'Halluciné (1963)

    Cliquez sur l'image pour accéder à la chronique :

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  • Ciné d'Asie : Goyokin (1969)

    Un film de Hideo Gosha

    8386361219_129f3a83c8_m.jpg1831, ère d'Edo. Le peuple vit sous le joug du shogun, qui règne sur une organisation très hiérarchisée : les samouraïs, tel des hommes de main, prêtent allégeance à des seigneurs, lesquels opèrent sous les ordres du shogun. Le Japon vit alors une période féodale très autoritaire. 

    Magobei (Tatsuya Nakadaï, possédé), samouraï, ancien membre du clan Sabai, a autrefois refusé de participer à une action détestable voulu par Rokugo (Tetsuro Tamba, excellent), son seigneur, guidé par l'appât du gain. Cela fait de lui un paria, mais, au contraire de ses anciens comparses, il a le sens de l'honneur ; s'opposant au clan Sakai, il va tout faire pour que cet évément traumatique ne se reproduise pas.

    Le film débute par une séquence qu'on pourrait qualifier d'épouvante, où une jeune femme, rentrant chez elle, découvre un endroit désolé, envahi par des nuées de corbeaux emplissant le ciel de leur ténébreux croassement. Les tissus sont éventrés, les alentours déserts : la trentaine de pêcheurs qui habitaient le village ont disparu. Depuis lors, on les appelle les "enlevés des dieux", et Oriha, la jeune fille l’épargnée des dieux. Un arrière-plan mythologique se tisse alors, comme si des forces invisibles présidaient aux destinées des pauvres mortels. Comme on l'a vu plus haut, il n'en est rien : les hommes et leur cupidité sont les seuls responsables.

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    L'originalité du film est de situer son intrigue en hiver, les paysages étant donc constamment nimbés d'une lumière aveuglante et d'un tapis neigeux immaculé. Et, lorsque la neige s'efface, elle laisse place à une boue qui souille toute personne qui s'y aventure... On dit souvent que les films de samouraïs sont au Japon ce que les westerns sont aux États-Unis : l'illustration de leur propre histoire. Grand amateur de western, Hideo Gosha place Goyokin dans la filiation de westerns, mais non des westerns américains. Il faut plutôt chercher du côté des westerns italiens, en l’occurrence ceux de Sergio Corbucci (Django, 1966, ou Le grand silence, 1968), qui partagent cette atmosphère crépusculaire. Le personnage principal, mutique et solitaire, est également inspiré des westerns de Sergio Leone, premiers avatars d'une longue série. La construction du film, insérant un flash-back au milieu du film qui révèle la véritable teneur de cette "malédiction des dieux", se retrouve aussi dans le western italien, aux personnages torturés, marqués par un traumatisme initial.

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    Au-delà des influences, Goyokin éblouit par sa forme, en tous points sublime. Le travail sur la lumière et les éclairages, mené de main de maître par le directeur de la photo Kozo Okazaki. la composition des plans, et cet éclairage souvent très ciblé (voir les scènes en intérieur entre Magobei et sa femme), fait de Goyokin un véritable poème visuel. Le montage est aussi travaillé : flash-back, et et même un flash-forward très réussi (la séquence de la danse des masques à la toute fin du film) composent un ensemble très travaillé, uniquement au service de l'histoire contée. Composante aussi réussie, la musique du film, créée par le grand Masaru Sato. Il a auparavant accompagné de sa partition les films de Kurosawa (La forteresse cachée, Barberousse), et devenu un fidèle de Gosha. Ses mélodies, fleurant bon l'aventure, rappellent les musiques d'Ennio Morricone, mais préfigurent également certains airs de Basil Poledouris pour Conan le barbare (John Milius, 1982). Elle offre un contrepoint au pessimisme de l'ensemble, soulignant l'humanisme de Magobei ; et achève de faire du film une réussite à tous les points de vue.

    Hormis le personnage central, ceux qui gravitent autour de lui sont tous remarquablement interprétés, écrits et caractérisés : que ce soit l'infâme Rokugo, la rescapée Ohira, la femme effacée de Magobei, ou l'ennemi devenu compagnon d'armes, ils existent tous, dans toutes leur essence romanesque. Aucun personnage n'est laissé de côté et chacun a "sa" séquence. 

    Le regard enfiévré de Tatsuya Nakandai hantera longtemps le spectateur qui s'aventure sur les terres désolées de Goyokin ; il s'agit tout simplement d'une date dans le cinéma japonais, et pas seulement du film de sabre.

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