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90's - Page 2

  • Star Trek : Générations (1994)

    Un film de David Carson

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    Les scénaristes Ronald D. Moore et Brannon Braga ont eu fort à faire en se chargeant du scénario de ce septième épisode cinématographique de la franchise Star Trek. L'objectif : faire se rencontrer les capitaines des deux vaisseaux Enterprise, l'historique James T. Kirk (Star Trek : la série originale, 1966-1969) et le capitaine Picard (Star Trek : The Next Generation -TNG-, 1987-1994), stars des deux séries créées à 30 ans d'intervalle par Gene Roddenberry, et ainsi mettre un point final à la carrière de Kirk. Alors que Kirk et son équipe d'irréductibles ont fait partie des six premiers films cinéma de 1979 à 1991, il s'agit du premier avec l'équipage de TNG. A l'époque, Star Trek connaît un pic de popularité sans précédent : TNG connaît un si grand succès que d'autres séries verront le jour dans son sillage : Deep Space Nine en 1993, puis Star Trek : Voyager en 1995. Lors de la sortie du film, accompagnée par un battage médiatique sans précédent pour la franchise, William Shatner (Kirk) et Patrick Stewart (Picard) posent ensemble pour la une du Time : c'est historique. Ronald Battlestar Galactica D. Moore et Brannon Braga sont déjà scénaristes depuis plusieurs années sur la série TNG quand ils se voient confier leur périlleuse mission, qui constitue donc leur première incursion sur un film cinéma. Les difficultés subsidiaires du projet sont également de présenter au public non averti de nouveaux personnages, sans pour autant ennuyer les fans qui les connaissent par cœur. 

    Dans l'univers Star Trek, la série originale et TNG sont distantes de 78 ans. Toute la question tourne autour de l'astuce à employer pour réunir les deux personnages centraux. Le voyage dans le temps, utilisé à de nombreuses reprises, ne sera pas privilégié, au profit d'une invention un brin compliquée qui, si elle constitue le centre du film, en est également sa principale faiblesse. 

    L'axe principal du film, rassemblant deux générations de capitaines (et de fans, donc), est le temps. Si le film commence au temps de Kirk vieillissant, visitant pour la première fois un vaisseau Enterprise dont il ne sera pas capitaine (amusants dialogues entre Kirk, Scottie et Chekov). On y voit Kirk se sacrifier alors que le vaisseau est absorbé par un phénomène spatial, puis l'on passe rapidement "78 ans après" où l'Enterprise devient ... un bateau datant de l'ère de la piraterie, costume d'époque compris. Jouant de l'analogie entre l'esprit naval (très présent sur les films, moins sur la série originale), les scénaristes imaginent une sortie de l'équipage de Picard dans le Holodeck, cette salle du vaisseau Enterprise qui peut recréer à loisir n'importe quel environnement. Cette séquence permet de tracer une chronologie de l'Enterprise, plusieurs vaisseaux portant le même nom au fil du temps, constituant un lien indéfectible entre les époques. La contradiction entre aspect futuriste et artefacts anciens donne tout son sel à la séquence, et dévoile également une des constantes du film : être là où on ne l'attend pas.

    Le temps, c'est également l'obsession du méchant du jour, Soran (Michael McDowell, excellent comme toujours) ; il recherche l'immortalité après avoir goûté aux délices du Nexus, cet endroit en dehors du temps où l'on ne vieillit pas. Chacun y recrée par la pensée son univers idéal, ce qui donne une séquence totalement décalée sur le capitaine Picard, débordante de mièvrerie. Celle sur Kirk est encore moins réussie, Picard le découvrant coupant du bois et faisant la cuisine... Si le Nexus ressemble fort à une vision du Paradis chrétien, il est également inutilement embrouillé dans sa représentation cinématographique car on doit y aller (première gageure) et pouvoir en revenir (alors là...), alors même que l'espace n'y a, pas plus que le temps, aucune importance : la seule pensée nous déplace dans le temps et dans l'espace. Les deux scénaristes, dans leurs commentaires audio des années après la sortie du film, en conviennent facilement : ils n'ont pas pris le meilleur parti du concept de base.

    Pas évident donc, de s'y retrouver, même si des bonnes surprises surnagent : un humour bienvenu, notamment grâce à l'excellent personnage de Data (Brent Spinner), équivalent de Spock dans la nouvelle série, puis aux collègues de Kirk au début du film, qui tranchent avec la droiture de Picard. Le temps, l'espace, la mort, la fin de Kirk... Trop d'éléments à digérer pour un seul film, qui s'égare dans des séquences voulue tellement "originales" qu'elles sont incongrues. La mort de Kirk est ainsi traitée en mode mineur, malgré un reshoot d'envergure (il devait succomber d'un coup de feu de pisto-laser dans le dos, asséné par Soran!). Bref, trop d'enjeux ont tué ce Générations, qui devait pourtant redonner un nouveau souffle à la saga, en abandonnant d'ailleurs la numérotation des précédents films. Malgré les bonnes scènes du crash ou encore de la carte stellaire, un résultat bien moyen. Anecdote parlante de la bouche des scnéaristes : travaillant au même moment sur le scénario du double-épisode final de TNG, All Good Things, ils trouvent ce dernier... bien meilleur !

  • Star Trek VI : Terre inconnue (1991)

    Un film de Nicholas Meyer

    7643149614_9f48f498c9_m.jpgAprès le désolant cinquième épisode (L'ultime frontière), Paramount décide de mettre en chantier le dernier film incluant le casting original de la série télé : Shatner / Kirk, Nimoy / Spock, Kelley / McCoy, ... Il est clair que terminer sur le souvenir embarrassant (litote) du film réalisé par Shatner aurait été une erreur. Le retour de Meyer à la réalisation est également une nouvelle appréciable, tant sont deuxième épisode (La colère de Khan) et son très bon C'était demain (Time after time, 1979) sont réussis. Meyer, Nimoy et le scénariste Denny Martin Flinn élaborent un scénario riche et intrinsèquement lié à son époque : la scène inaugurale, montrant l'explosion d'une planète, suivie d'un onde de choc aux proportions atomiques, fait écho à l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986. Les répercussions de cette explosion dans le film (privés d'une grande partie de leur ressource énergétique, les Klingons, éternels ennemis de la Fédération, demandent de l'aide et la suppression de la zone neutre -leur mur de Berlin, tombé quelques mois plus tôt dans la vie réelle) sont clairement une transposition des préoccupations contemporaines de la société.

    Le capitaine Kirk, hanté par le meurtre de son fils par les Klingons (voir l'épisode III, A la recherche de Spock, 1984), est submergé de ressentiment, et, alors même qu'il est tout entier contre la pacification des relations Fédération / Klingons, va en être le messager. Les antagonismes entre civilisations, le racisme exprimé, les incompréhensions, sont évoqués frontalement, en même temps qu'un effort de pacification cher à la mission première des équipages de Starfleet. Le comportement des hommes de Kirk, et parfois de Kirk lui-même dans la première partie ("Qu'ils meurent !") sont néanmoins exagérés, pas très cohérents par rapport à la psyché de leur personnage, créés uniquement dans le but de dessiner une trajectoire d'apaisement et enfin, de réconciliation avec leur némésis ultime. Sur l'équipage, qui voit s'étendre le voile de la vieillesse, se pose la question de leur rôle, leur utilité au sein de Starfleet une fois "mis à la retraite", comme le glisse Kirk à Bones au début du film. Et, clairement, la question fonctionne dans la fiction comme dans la réalité.

    Certains passages sont vraiment marquants ; j'en retiens un tout particulièrement : l'attaque de deux individus masqués sur le vaisseau Klingon, alors en état d'apesanteur. La lenteur des corps qui flottent légèrement dans le vaisseau, soutenus par une musique symphoniques aux accents lourds et menaçants, donne un prégnant sentiment d'étrangeté. Les deux mercenaires éliminant tous les individus qu'ils croisent, marchent lentement, sans bruit aucun, autour des bulles de sang Klingon qu'ils ont eux-mêmes provoqués. La séquence, soldée par la mort du Chancelier diplomate Gorkon (ainsi nommé pour rappeler Gorbatchev, et arborant la barbe de Lincoln), réunit de remarquables qualités cinématographiques, là où montage, effets, musique, échelle de plan, servent le contenu : une intrusion implacable de deux tueurs.

    La richesse narrative du film, passant d'une attaque surprise sur le vaisseau Klingon, à une évasion glaciales des mines de Rura Penthe, sans oublier un dîner pour le moins tendu entre l'équipage de l'USS Enterprise et leurs anciens ennemis, offre une variété bienvenue dans l'univers codifié de Star Trek. La profondeur des thèmes évoqués sied  tout à fait à la science-fiction humaniste telle que mise en place par son créateur Gene Roddenberry, auquel le film est dédié. La terre inconnue, c'est cet espace-temps qui s'ouvre devant les personnages, un avenir sans conflit ; enfin du moins, c'était l'objectif...

  • Ciné d'Asie : Executioners (1993)

    Un film de Johnnie To & Ching Siu-Tung

    7396522090_45c14f184c_m.jpgLe duo déjà aux commandes de The Heroic Trio rempile pour une suite presque aussi délirante que son modèle, réutilisant leur trois sublimes héroïnes (Michelle Yeoh, Maggie Cheung et la regretté Anita Mui).

    A l'ambiance très fantasy du premier opus, Executioners impose au contraire un tonalité post-apocalyptique au contenu très politique. Ici, le monde fait face à une pénurie d'eau suite à la contamination des sources provoquée par une guerre nucléaire ; un système de purification très coûteux permet à une population paupérisée de survivre. Dans ce cadre, la criminalité a explosé, donnant le champ libre à nos trois personnages féminins : Maggie la chasseuse de primes continue son oeuvre par appât du gain ; Anita Mui, la Justicière, a raccroché les gants depuis qu'elle est épouse et mère ; Michelle Yeoh, elle, a rallié les forces gouvernementales. On le voit, le trio créé précédemment s'est dispersé ; il va se reformer afin de mettre au jour la dernière source non polluée du pays.

    Sur un canevas plus sage que le précédent, Executioners va tout de même nous donner des séquences ahurissantes, justifiant ses excès par un héritage opératique revendiqué. Executioners, loin de toutes les étiquettes de genre qu'on serait tenté de lui apposer, est une véritable tragédie au sens classique du terme : De multiples personnages, principaux ou secondaires, décèdent au son d'un chœur mélodique sous-titrant les pensées des survivants dévastés (typique du cinéma de Hong-Kong), le grand criminel de l'histoire dissimule son visage défiguré sous un masque tel le fantôme de l'Opéra. Le personnage de Michelle Yeoh est assisté d'un bossu recouvert de guenilles, s'exprimant en vagues borborygmes rappelant un sous-fifre de Victor Frankenstein... Les symboles sont là pour assurer la profondeur dramatique de l’œuvre. Une narration avançant au pas de charge, la multiplications des trames narratives et un montage elliptique, là aussi typique des cinémas asiatiques, donnent la touche de surréalisme finale à cette fantaisie faite film.

    La séquence de la recherche de la source est très belle, entre plans sous-marins, déclaration d'amour avortée et périple dans les sous-terrains inondés ;  le tout est shooté à travers des filtres multicolores, donnant la couleur des émotions, comme seul le cinéma asiatique peut l'imaginer. La séquence finale dans l'église est tout aussi extrême.

    Il y a une vraie jubilation à découvrir ce type de films aujourd'hui, un trip délirant et imprévisible qui dynamite le politiquement correct et les conventions (morales ou cinématographiques). Un bol d'air frais -et sanglant-, une bouffée d'hélium qui fait un plaisir fou.

  • The Shadow (1994)

    Un film de Russell Mulcahy

    6158277245_08fc2a850d_m.jpgPerdu dans les pourtant rares adaptations de comics des années 90, The Shadow ne fait pas beaucoup parler de lui, si ce n'est en termes condescendants. Il est certain qu'il ne fait pas le poids face aux Batman (1989, 1992) de Tim Burton, son modèle évident. Lamont Cranston, playboy le jour, n'y est personne d'autre que le redouté The Shadow, revenant après 7 ans de voyages en Asie, chassant le crime sans répit -les plus informés auront flairé une ressemblance de plus avec Batman, le même prétexte scénaristique ayant été utilisé dans la série animée de Bruce Timm, ainsi que dans Batman Begins (Chistopher Nolan, 2005). D'aucun pensent, comme pour Batman, qu'il ne s'agit que d'une légende urbaine de plus. Le film ne manque pourtant pas d'atouts. Le Shadow est tout d'abord apparu comme héros de pièces radiophoniques, avant d'être adapté en bande dessinée. 

    Russell Mulcahy, le réalisateur de Highlander (1986), est à la barre et n'a rien perdu de sa patte si reconnaissable : un montage cut, des plans aériens et des cadrages aux angles extrêmes (contre-plongées exagérées, éléments qui semblent vouloir jaillir du cadre) qui offrent une belle illustration des périples super-héroïques. Entre ces envolées baroques, Mulcahy donne à voir un New-York années 30 inspiré de Batman. Il en a cependant les moyens, ne lésinant pas sur les costumes, riches en détails, les véhicules, les riches intérieurs (le Cobalt Club, L'Hotel Monolith), ... L'ambiance rétro est ce qui est le plus réussi dans The Shadow, ainsi que son parfum de pulp, qui s'il peut passer pour cheap, n'en est pas moins intentionnel. Les personnages sont un peu surrannés, les dialogues dépassent la ligne du ridicule ; c'est une des évidences les plus criantes du film. L'on y ressent aussi un flottement incessant, le spectacle oscillant sans cesse entre rêve et réalité, hallucination et émerveillement. Rien que la séquence du Cobalt Club, où Lamont Cranston (Alec Baldwyn) est subjugué par la beauté et la présence de Margo Lane (Penelope Ann Miller), est révélatrice de cet aspect. Et pour cause : l'hypnose, cet état de demi-conscience, est le pouvoir que possède Cranston / The Shadow. Embrumer les consciences et les persuader d'une réalité, là est l'arme du playboy contre le crime. La révélation de l'Hotel Monolith, caché en plein jour, est un moment poétique épaulé par la belle mélodie de Jerry Goldsmith.

    Là où le Shadow s'avère une plus grande réussite que Le fantôme du Bengale (Martin Wincer, 1996), jouant dans la même cour -il s'agit aussi de l'un des premiers super-héros, évoluant dans le même New-York des années 30), si ce n'est pour ces décors, réside bien dans sa belle bande originale. Pour l'occasion, le compositeur de La Planète des singes, Patton ou Chinatown, ou des meilleurs opus cinéma de Star Trek, se fend d'un score symphonique mêlant le classique à quelques arrangements électroniques, passant allègrement d'un thème fort et positif à une respiration plus sombre, évoquant la nature schizophrène du personnage. On retiendra aussi les chants des trompettes, sonnant telles des sirènes de police sillonnant un New-York infesté par le crime.

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    The Shadow a malheureusement des défauts, au premier lieu desquels on peut citer les prestations des comédiens, toutes décevantes. Alec Baldwyn, même dans sa période de lumière, reste bien fade, si ce n'est sa voix grave seyant bien à son alter-ego des ténèbres. Mais alors que dire de Sir Ian McKellen, cantonné à un second rôle inepte, et John Lone (pourtant très bon dans L'année du dragon), dans le rôle du méchant chinois, qui nous rappelle les temps désuets de Fu Manchu ? On dira que malgré tout, cela fait partie du charme un tantinet dépassé du serial tel que l'a imaginé Mulcahy. Tim Curry, l'éternel Frank N Furter du Rocky Horror Picture Show, nous offre quand à lui un moment totalement fou, atomisant l'air avec sa mitraillette, dans un hall désert. Ses yeux démesurés, bien utiles dans Ça, fichent la frousse, en même temps que les méthodes expéditives du Shadow (quand on vous dit que Batman n'est pas loin). 

    Si The Shadow est aujourd'hui relativement oublié, ce n'est pas sans raison. Son caractère délicieusement daté, sûrement perceptible dès sa sortie, aura eu raison de lui. Pourtant, l'on pense que cet univers dans lequel on nous entraîne est saupoudré d'une désuétude tout voulue et assez savoureuse ; un cocktail divertissant au parfum bis, attirant malgré tout notre plus grande sympathie. 

  • Mars Attacks ! (1996)

    Un film de Tim Burton

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    "Désintégrer des célébrités à l'aide de pistolets à rayon laser me semblait juste une idée judicieuse"

    Tim Burton par Tim Burton, de Mark Salisbury, 1999

    Quand le scénariste Jonathan Gems lui présente les cartes à jouer Mars Attacks pour en tirer un film, Tim Burton, alors mal à l'aise après le bide de Ed Wood (1994), entrevoit la possibilité de tout faire sauter, en même temps qu'adjoindre à son prochain film un humour caustique qui n'épargne pas grand monde. 

    Devant la menace d'une invasion extra-terrestre, un groupe de personnes va devoir réagir. Reporters, scientifique, promoteur immobilier, américains moyens, et bien sûr le président des États-Unis. Et ce qui saute aux yeux... est que la plupart ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Pire, il sont tous d'une crétinerie finie. Enfermés dans des archétypes (le guérillero ultra patriote, le chef des armées qui veut dynamiter tout ce qui bouge, le présentateur télé surtout soucieux de son lustre capillaire, la futile femme du président, le conseiller libidineux, etc.), ils ne sont présents que pour être atomisés en règle par une bande de martiens belliqueux. Un jeu de massacre anar à l'humour féroce. 

    Mars Attacks !, c'est aussi un casting cinq étoiles qui peut vraisemblablement concourir pour le plus prestigieux jamais vu dans un film (Sin City, de Robert Rodriguez et Frank Miller, pourrait y participer aussi). Ce défilé de stars rappelle évidemment les films-catastrophes du producteur Irwin Allen, où se côtoyaient quelques stars du moment et -surtout- d'anciennes gloires d'Hollywood. Le parallèle est amené jusque sur l'affiche du film, où les têtes s'affichent sur une bande sur la partie basse du visuel, comme c'était le cas pour L'aventure du Poséidon (Ronald Neame, 1972), La tour infernale (John Guillermin, 1974) ou encore Tremblement de terre (Mark Robson, 1974).

    De la même façon qu'on pourrait scinder la distribution entre les nouveaux (Pierce Brosnan, Natalie Portman, Jack Black) et les anciens (Nicholson, Glenn Close, Pam Grier, Jim Brown, Rod Steiger), On peut également les diviser entre les ridicules (la plupart) et ceux qui ont les égards du réalisateur -les mis à l'écart, grand cheval de bataille de Tim Burton. Ainsi, la jeune fille du président subit les événements et regarde, du lointain, la guerre que met en marche son père. On rapprochera volontiers son personnage de celui de Lydia, la jeune gothique de Beetlejuice (1988), interprétée par Winona Ryder. Son détachement des choses de la vie normale, et son contact surréaliste avec la société - sentiment partagé par Burton - est patent, comme en témoignent ses déambulations dans la Maison Blanche, interrompues par un agent de sécurité car "une visite est en cours". Elles vivent toutes deux au beau milieu d'un carnaval permanent, plus témoins qu'actrices, composant avec ce monde imposé. 

    Les vignettes s'égrennent, laissant à voir des humains pathétiques, mais avec un humour évident et communicatif. Les séquences de destruction sont jubilatoires, offrant un contrepoint parfait au patriotique Independence Day (Roland Emmerich, 1996) sorti quelques mois plus tôt -qui n'a cependant pas influé sur le film, Tim Burton confessant ne pas l'avoir vu avant. Et, si l'on peut déceler, de ci de là, un certain manque de rythme, c'est que la vocation chorale du film semble échapper à la maîtrise de Burton, signant quelques transitions d'une rare lourdeur (telles ces limousines qui passent dans les quartiers pauvres, avec à leur bord des personnages hétéroclites), il se rattrape bien dans les scènes guerrières, où chaque mouvement de foule (soucoupes volantes, militaires, aliens s'armant), chorégraphié, anime le cadre avec élan. La musique de Danny Elfman (réconcilié avec Burton depuis leur brouille sur L'étrange Noël de Monsieur Jack), martelant des airs martiaux à l'aide d'un thérémine sorti des années 50 (familier de Burton depuis Ed Wood), accompagne ces plans avec puissance et ironie contenue.

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    C'est une toute autre musique qui aura raison des envahisseurs, la country de Slim Withman répondant, encore une fois, à la flottante calypso entonnée par Harry Bellafonte dans Beetljuice. Dans chaque cas, la partition semblant émaner d'un autre monde, d'une voix dont l'origine humaine est difficilement décelable... Burton se moque de ces films de SF qui trouvaient une résolution risible, mais aimait dans le même temps leur imagerie fantastique, avec ces extra-terrestres au crâne sur-dimensionné comme dans Les survivants de l'infini (Joseph M. Newman, 1955), leur petite combinaison verte et leur pistolet laser semblables à des fusils à eau. Et nous rions avec lui devant ce spectacle déchaîné, d'un éclat parfois acide mais incontrôlable ; un film des plus satiriques, un sommet de politiquement incorrect sans pareille dans carrière du réalisateur.