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70's - Page 5

  • Tueur d'élite (1975)

    Un film de Sam Peckinpah

    8659088372_6b2a827d59_n.jpgIl faut bien se dire la vérité : de tous les Peckinpah déjà visionnés par votre serviteur, Tueur d'élite (The Killer Elite) est bien le moins bon. Le documentaire sur le film, en bonus de l'édition DVD et blu-ray sorti chez Wild Side, est assez éloquent à ce sujet : personne ne parle du film, mais plutôt de la déchéance de Peckinpah à l'époque (cocaïne & co), de la détestable ambiance de tournage -la jeune Tiana Alexandra est imposée par son mari, le scénariste Sterling Silliphant (Nightfall) méprise toute l'équipe-, ou de la (réelle) difficulté de Peckinpah à faire financer ses projets, alors que sa filmographie est émaillée de chef-d’œuvres définitifs (La horde sauvage, 1969 ; Les chiens de paille, 1971 ; Apportez-moi la tête d'Alfredo Garcia, 1974). Pour autant, ils n'ont jamais rapporté beaucoup d'argent aux studios.

    Ça ne commençait pourtant pas si mal : une première mission réussie par un duo d'agents de la CIA, James Caan (Mike Locken) et Robert Duvall (George Hansen). La complicité est évidente entre les deux frères du Parrain (Francis Ford Coppola, 1972) ; la meilleure séquence du film est là, dans le fou rire qu'ils entretiennent lors d'une virée en voiture : on y voit à la fois les liens forts qui les unissent, mais aussi les prémisses d'un désespoir commun qui semble les condamner... Puis Hansen trahit son camp et passe à l'ennemi, en blessant notamment Locken au genou et au coude.

    La suite, si elle n'est pas inintéressante, montre la reconstruction physique de Locken, et sa reprise de service pour contrer son ancien pote. L'enjeu ? Protéger un activiste politique jusqu'à son départ pour le Japon. Les pions mis en place, de façon efficaces, laissent présager un pétaradant face à face (Peckinpah style) entre Mike et Hansen. Mais... ce n'est pas l'option retenue. Rappelons ici que Peckinpah a eu des déboires avec le scénario, qu'il a rafistolé au jour le jour sur le tournage... et c'est très visible. Un exemple : la scène, mélangeant comédie, suspense et action (fantôme), de la découverte d'une bombe dissimulée sous la voiture qu'empruntent Locken et sa bande. Le danger de la bombe est évacué en quelques secondes par un officier de police benêt, et la grande explosion est entendue hors-champ, d'une façon étonnement anti-dramatique. Et ça, lorsqu'on est  en face d'un Peckinpah, ça embête aux entournures.

    Une fois le film pris dans un épilogue (plus qu'un dernier acte) un brin longuet, mais plutôt joli (le port de San Francisco et tous les navires de guerre sont bien exploités), arrivent les ninjas. Et là, même si on pouvait se douter que de toutes façons, ça allait nous tomber dessus, ça ne casse pas des briques ; et, alors que Peckinpah voulait le meilleur résultat possible, ce n'est pas à la hauteur des espérances. En termes d'enjeux, la scène a peu d'intérêt ; alors, même si les ralentis à la Peckinpah sont de rigueur, on n'a qu'un échantillon de sa maestria, pas le plat complet. Si la grammaire visuelle du film est restée très classe, la débandade a lieu sur la partie scénaristique, et malheureusement pour Peckinpah c'est à mon sens le plus important. Sur le papier, le casting est bon (avec notamment Mako, et la bonne trogne de Burt Young qu'on a vu à peu près partout), mais la sauce ne prend pas : quand ça veut pas...

    Source image : affiche du film © Exeter Associates

    Disponibilité vidéo : en Blu-ray et DVD zone 2 - éditeur : Wild Side Video.

  • Un film, une séquence (2/2) : Superman, le film (1978)

    Suite de la première partie de l'analyse de séquence consacrée à Superman, le film.

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    Un être hors du commun

    La séquence permet en outre de caractériser le personnage de Superman de façon extrêmement précise : outre ses différents pouvoirs (vision aux rayons X, force et résistance surhumaine, pouvoir de voler), elle nous expose clairement le concept du personnage : "Je combats pour la vérité, la justice et l'idéal américain" ; positionnement qui, s'il est objectivement louable, n'en est pas moins très naïf ; Donner désamorce alors immédiatement cette réaction attendue du public par la réplique de Loïs, qui lui rit au nez en lui assénant "Vous allez devoir combattre tous les élus du pays", parant la naïveté christique du personnage par l'ironie de Loïs. Peu après, Superman énoncera une autre part de sa personnalité : "Je ne mens jamais". Ces idéaux inaltérables, paraissant soit dépassés, soit inabordables pour le commun des mortels, font de Kal-El un être hors du commun s'élevant déjà plus haut qu'un homme ordinaire ; allié aux pouvoirs de l'extra-terrestre, cela fait de lui un dieu, une analogie qui parcourt tout le film.

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    Après ces préliminaires, l'homme d'acier prend les choses en mains : il invite Loïs à (sortir) voler en sa compagnie, en convoquant encore une fois un prétexte : calculer sa vitesse. A l'inverse de Clark Kent, tout en timidité maladive, Superman prend l'initiative et emmène Loïs faire un tour dans le ciel. Après un survol des buildings, ils passent non loin de la statue de la Liberté, érigeant matériellement un des idéaux ardemment défendus par le Kryptonien. Dans un deuxième mouvement de ballade en vol, Loïs pense ; et nous l'entendons. Sa question, c'est Est-ce que Superman l'entend, lui ? A-t-il aussi ce pouvoir ? Si la réponse apparaît négative, les pensées de Loïs n'en sont pas moins évidente quand au désir qui l'étreint. "Sais-tu ce que tu éveilles en moi ? Peux-tu voir les images qui m'assaillent ?". Ce vol planant avec un dieu lui donne des ailes, littéralement : grâce aux pouvoirs de Superman, elle a également la sensation de voler, une métaphore classique mais très poétique (tout comme ses pensées, déclamées en vers, avec la répétition langoureuse "Do you read my mind ?") du sentiment amoureux. 

    Ce vol peut, au final, être interprété comme métaphore d'une folle nuit d'amour, ce que Loïs fera dire à son article en termes tout sauf ambiguës : la titre du Daily Planet du lendemain est "Ma nuit avec Superman" !

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    Une fois revenue les pieds sur Terre -le chronométrage totalement oublié-, elle lui donnera son nom, après s'être exclamé "What a super man!", répondant en écho à la demande de Perry White de trouver un nom à ce nouveau justicier. La séquence, tout en donnant des informations capitales sur le personnage pour le reste du film, est une ballade romantique et coquine extraordinairement écrite. L'épilogue, particulièrement savoureux, voit Clark sonner à la porte de Loïs, puis lui disant : "Vous vous rappelez ? Nous avions rendez-vous", confortant l'idée que c'est bien lui qui a fait la proposition à Loïs. Content de la voir désorientée, il serait prêt à lui révéler son identité secrète, pourtant formellement interdit par son père. 

    La conception du personnage de Clark Kent / Superman est telle dans ce premier film que Clark Kent est le déguisement de Kal-El, et Superman sa véritable personnalité. Pour faire Kent, il se tient voûté, prend une voix hésitante, un ton haut placé et multiplie les tics de stress (le doigt qui remonte constamment ses lunettes) ; en outre, ses cheveux sont tellement gominés qu'on dirait une perruque ; un vrai déguisement. Son air livide est certainement du à un fond de teint blanc, alors que Superman a le teint hâlé.

    Donner montre alors le personnage de Kal-El sous un jour très humain, cédant facilement à ses sentiments. S'il ne désobéit finalement pas dans l'instant  à ce commandement (ce sera pour le deuxième épisode), il va influer sur le cours de l’existence des humains alors que, de la même façon, son père lui avait interdit. Et, à chaque fois, le moteur de ses intervention sera Loïs... Superman, un justicier par amour ?

  • Un film, une séquence (1/2) : Superman, le film (1978)

    Le premier rendez-vous de Superman

    "Do you like pink ?"
    Loïs Lane à Superman 

    7840419906_4e1089471b_m.jpgSuperman, le film, réalisé par Richard Donner (La malédiction, 1976, Les Goonies, 1986) est fondateur de l'imagerie des super-héros au cinéma, tout autant de leur psychologie. C'est ce second aspect qui est privilégié dans la séquence du jour, habilement amené par un subtil dialogue entre l'homme d'acier (Christopher Reeve) et Loïs Lane (Margot Kidder) lors de leur premier rendez-vous. En amorce de la séquence, Lane, au Daily Planet, reçoit un message : "Rendez-vous chez vous, à 8h - un ami". Le spectateur, comme Loïs Lane, pense que cet ami est l'homme de Krypton, qui s'est désigné sous ce nom lors de sa première apparition publique. On verra plus tard que c'est en fait Clark Kent qui lui a adressé ce message, réaffirmant du même coup, que Kent et Kal-El ne sont que les deux faces d'une même pièce. La scène du rendez-vous nocturne de Kal-El et Loïs Lane est d'une importance capitale dans le film, montrant l'attirance réciproque des deux personnages, établissant la thématique de la dualité, présentant les pouvoirs principaux de l'homme d'acier, le tout traité sous la forme parfaite d'une rencontre romantique aux dialogues à double-sens particulièrement savoureux.

    Prétexte et double-sens

    Le mot introductif présente la scène comme un rendez-vous galant, ce que l'attitude de Loïs atteste dès le premier plan : elle attends avec une certaine impatience (il est déjà 8h05!) la venue de celui qui l'a tellement impressionnée la nuit précédente -il l'az sauvée d'une mort certaine-. Empiétant sur l'image de Loïs, retentit une sonnerie (c'est le téléphone du bureau de Perry White, rédacteur en chef du Daily Planet qu'on a vu lors de la précédente séquence), indiquant en filigrane l'attente insoutenable, le stress généré par ce premier rendez-vous avec le surhomme : l'heure a sonné ! Les yeux de Loïs, déjà embrumés avant même l'arrivée du futur Superman, en dit déjà beaucoup ; sa robe de soirée ensuite, presque autant que le cri de surprise à sa venue, sorti de la gorge de Loïs comme un cri de jouissance extatique, donne le ton. Kal-El, arrivant en volant sur son balcon, feint d'abord l'arrivée par à l'improviste, "Vous aviez quelque chose de prévu ? Je peux revenir plus tard...", puis utilise un prétexte pour justifier sa venue : "Désolé de vous déranger, mais on doit se poser beaucoup de questions à mon sujet." Comme tout être humain, il use de ficelles connues pour justifier sa venue, ficelles qu'il aura apprises avec les cristaux transmis par son père, ceux-là même qui contiennent toute la connaissance du monde. Bref, il ne s'agit donc pas officiellement d'un rendez-vous, mais d'une interview ! Et nous allons avoir une démonstration éclatante du professionnalisme de Loïs Lane dans cet exercice. Alors qu'ils s'assoient pour commencer, l'homme d'acier recule galamment la chaise de Loïs pour lui permettre de prendre place plus confortablement. Les deux personnages ne font déjà plus mystère du fait que, sous la version officielle de l'interview, se cache en réalité un rendez-vous tout ce qu'il y a de plus concret.

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    La séquence offre dès lors un jeu jouissif entre l'interview, et le professionnalisme de la retranscription des faits qu'il requiert, et la décontraction ("C'est sympa chez vous", glisse Superman), la légèreté romantique de la découverte mutuelle des deux personnages. Ainsi, Loïs débute l'entretien en remplissant la fiche d'identité de Kal-El ; lui demandant s'il est marié, a une petite amie, des "informations vitales", on en est conscient, pour tout lecteur lambda du Daily Planet ! Les réponses de l'homme d'acier ne sont pas exemptes de sous-entendus : alors que Loïs le questionne sur son âge, il réponds "plus que 21 ans", soit l'âge de la majorité aux Etats-Unis, où un individu est responsable de ses actes et libre de tout faire, y compris entretenir une relations intime avec une autre personne consentante. L'intervieweuse continue dans la voie d'une grivoiserie insoupçonnée en osant un "How big are you" (question pouvant tout à fait se rapporter à la taille du membre viril de son super-homme), qu'elle ravale comme un lapsus en rectifiant par un plus sage "How tall are you", quelle taille faites-vous). Les réponses du surhomme, annonçant des proportions tout bonnement épiques, n'ont de cesse de titiller la curiosité de la dame vers une investigation plus poussée, qui lui fera notamment dire "J'imagine donc que le reste de vos fonctions corporelles sont normales... en termes plus délicats... Est-ce vous... -puis s'arrêtant devant une proposition trop osée- mangez ?". La compatibilité sexuelle des deux tourtereaux semble acquise, et leur désirs concordant, dans une joute verbale qui a des airs de danse pré-nuptiale.

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    Le jeu continue, suivant le fil des questions (impertinentes) de Miss Lane. Ainsi, pour avoir la preuve que notre homme en bleu et rouge voit à travers n'importe quelle élément physique, elle lui demande simplement de décrire la couleur de ses sous-vêtements ! La séquence s'équilibre donc constamment entre la description des pouvoirs du surhomme -ici, on apprend que seul le plomb peut brouiller sa super-vision, Loïs se tenant à cet instant devant un pot de fleurs constitué du fameux métal-, et la romance naissante entre les deux personnages, parfaitement synthétisées par un dialogue digne des meilleures comédie à l'américaine de l'âge d'or. La mise en scène laisse s'exprimer en gros plans les deux acteurs, dont les expressions pleines d'espièglerie enfantine, et de gêne devant la découverte de leurs sentiments ne font aucun mystère de leurs intentions respectives. Les arrières-plans, uniquement composés de transparences ne cachant rien de leur artificialité, confèrent à la scène des allures de rêveries, encore renforcées dans la partie du vol, et par la photo volontairement floutée de Geoffrey Unsworth qui nimbe tout le film. En point d'orgue de cette fabuleuse entrevue pleine de sous-entendus, Lane lancera, au beau milieu d'un épellation du mot Krypton, un simple "Do you like pink ?" - la couleur de ses sous-vêtements, donc-, qui contient  toutes les autres questions importantes qu'on se pose lors d'une rencontre.

    La suite

  • L'île du docteur Moreau (1977) : du livre... au film

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