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Critiques de films - Page 78

  • Watchmen - les gardiens (2009)

    Un film de Zack Snyder

    3370035204_96f0ce2528_m.jpgWatchmen. LE comics définitif pour tous ceux qui l’ont lu. Aucun manichéisme, scénario touffu et hallucinant de subversion, alternance BD/écriture en prose qui propose une immersion totale, visuel hommage aux anciens maîtres BD vraiment réussi, bref : l’idée de voir tout ça sur grand écran a de quoi faire saliver. En n’omettant pas grand-chose du récit originel -si ce n’est le mise en abîme du gosse noir qui lit un comics, la mort d’Hollis Mason, dont on sait pouvoir bénéficier dans la prochaine version longue, l’histoire du psychiatre qui tente d’analyser Rorschach, et deux trois autres détails, tout est là. Toutes les audaces scénaristiques, les scènes traumatisantes comme les pensées métaphysiques du Dr Manhattan, nous sont proposées dans un respect total, dans une littéralité jamais vu auparavant, sinon dans le décalque Sin City (que je trouve par ailleurs très efficace). Donc c’est une réussite. Mais, c’aurait pu être un chef d’œuvre, ce que Watchmen - le film manque d’être, de peu.

    Ce qui fâche, dans cette adaptation sinon extrêmement réussie, c’est la propension du réalisateur à vouloir en faire trop, à rajouter dans l’excès alors que la matière brute présente déjà tout le nécessaire. Rajouter du sexe, pourquoi pas, mais la scène en question (Dan et Miss Jupiter II dans le vaisseau) ressemble à une pose nullement excitante et bien trop artificielle pour convaincre, exactement dans la même configuration que celle de 300, le précédent essai (vraiment raté) de Snyder : même filtres bleutés, même sensation de regarder une publicité pour parfum ou  le passage coquin d’un anonyme téléfilm érotique. Trop de violence aussi, alors que la brutalité du contexte et des échanges déjà présents dans le comics suffisait. Le découpage de l’armoire à glace, dans la prison, constitue à mes yeux le summum : c’est un peu trop.

    A part ces menus défauts -qui, dans l’ampleur narrative et visuelle de l’entreprise, n’est quand même qu’un grain de sable-, le défi est relevé avec panache. La musique qui accompagne l'aventure est efficace et référentielle, à défaut d'être originale : on y croise Bob Dylan et Simon & Garfunkel, au milieu d'autres joyeusetés typique des eighties (l'histoire se passe en 1985). Les personnages sortent directement des pages de la bd, les couleurs flashy respectent la tonalité donnée par le dessinateur Dave Gibbons et le coloriste John Higgins, la dimension désespérée est rendue avec bonheur par le personnage de Rorschach, magnifique, le plus beau du film. La fureur du Comédien, la distance totalement gay de Veidt - Ozymandias, l’impuissance du Hibou II, tout est très, très bon ; à tel point que la relecture du pavé d’Alan Moore donne encore plus envie de refaire le voyage du film, après la première vision. Si ce n’est pas signe d’une qualité qui touche le plus profond du matériau de base...

    Après réflexion toutefois, on peut penser que les non-initiés à Watchmen ne comprennent pas tout ; notamment dans la scène ou le Hibou II trouve le code d’accès aux dossiers secrets d’Adrian Veidt - Ozymandias : ce nom énigmatique étant le pendant grec de Ramsès II, Ramsès II se révélant être le mot de passe recherché, mais sans explication. Une goutte d’eau dans l’océan, peut-être, mais ajouté à d’autres petites choses qui font qu’au final, le film ne sera pas le succès public tant attendu. Alors que... ce Watchmen version ciné est énorme, un des plus grands comic-book movie.

  • Across the universe (2007)

    Un film de Julie Taymor

    3359461336_d02ab4532e_m.jpgRaconter une histoire (d’amour) en prenant pour matériau les chansons mythiques créées par les non moins mythiques Beatles. Tel est la proposition de ce film, forcément musical. En cela, le début constitue un préambule qui teste le spectateur, qui va recevoir une demi-douzaine de pop songs dans les oreilles pendant le premier quart d’heure, presque sans mot parlé. De fait, ce début fait montre de son concept, et dans le même temps prends le gros risque de désolidariser le spectateur avec le fil (ténu) du récit ; il le paie au prix fort. On a beau être charmé par les réorchestrations parfois ingénieuses de l’œuvre des quatre de Liverpool, on ne peut foncièrement pas accrocher à cette histoire d’amour contrariée, qui paraît d’autant plus artificielle que tout, des décors aux mouvements de caméra, ne semblent être que prétextes à une partie de jukebox géant qui s’éternise rapidement. Les acteurs, sélectionnés en premier lieu pour leur voix (très belles performances de l’ensemble du cast) ne sont pas franchement charismatiques ; le fadasse Jim Sturgess en premier lieu, qui donne cependant le ton de la romance en commençant dès les premières images à chanter Girl : l’objet de son affection, celui du film. Le personnage du jeune homme (Jude) est d’ailleurs plus une caricature qu’autre chose, artiste maudit dont le cœur est sans cesse mis à l’épreuve, comme l’illustre de belle manière la séquence de Strawberry Fields Forever, à coups de fraises épinglées sur une toile blanche.

    Déroulant son semblant de trame narrative à l’époque où les Beatles rendaient fous le monde entier, on passe ainsi de la guerre du Viêt-Nam, à l’assassinat de Martin Luther King, tout ceci composant une toile de fond essayant de capter la sensibilité d’une époque, et n’y parvenant que rarement. Un des dinosaures des années Woodstock est d’ailleurs de la partie, j’ai nommé un Joe Cocker qui se permet de jouer...à la Joe Cocker, mimiques faciales et tremblements de mains à l’appui, qui accompagne la partie psychédélique, phase plus réussie du film, convoquant épisodiquement la noirceur d’un The Wall (Alan Parker, 1982), notamment par l’intermédiaire de l'ami de Jude, parti au Viêt-Nam et revenu salement amoché -la chanson Happiness Is a Warm Gun, excellente. On y croise aussi un impressionnant Bono, méconnaissable sous ses lunettes et son épaisse moustache. Son jeu est d’ailleurs d’un naturel qui fait du bien au sein de cet univers très fabriqué. Enchaînements de véritables petits clips, certains pris à part étant très beaux (le lancinant Because), d’autres faisant preuve d’une exubérance qui, à la longue, insupporte (Being for the benefit of Mr Kite, qui la joue Moulin Rouge! sous acide). On prendra donc ce long, très long (2h dont la raison d’être est l’empilement du plus grand nombre de chansons dans ce temps imparti) morceau de cinéma musical comme une grosse glace, indigeste à la fin mais qui nous aura réservé certains moments graphiquement intéressants, ce qui incite à regarder le film par séquences. Enfin, entendre un best-of des Beatles est toujours bon à prendre...

  • L'histoire sans fin (1984)

    Un film de Wolfgang Petersen

    3350346133_4fa7338bf8_m.jpgLa redécouverte de certains films ayant bercé notre enfance nous réserve souvent de fort agréables surprises. Cette histoire sans fin, dont j’avais oublié la plupart des passages, m’a replongé dans un univers fantastique tout bonnement exceptionnel, et pour ainsi dire aujourd’hui disparu ; la grâce des effets spéciaux "en dur" rend vraiment attachant un personnage comme le géant de pierre, doté d’un chara design imparable. Plusieurs aspects rendent ce film tout simplement beau : d’abord la force évocatrice rendue à l’acte de lecture. Les expressions de Bastien, qui sort épisodiquement les yeux de son livre, ou qui fait le geste de fermer l’ouvrage pour regarder la couverture, sont vrais. De même, l’immersion dans le récit reste un modèle quasi parfait, par le biais d’un visuel onirique, fait d’un bestiaire imaginaire vraiment réussi -le dragon, le loup, l’escargot de course, et la tortue géante, extraordinaire- et de décors désolés ou foisonnants assez impressionnants. Filmé avec tout ce qu’il faut pour rendre ces décors majestueux, le métrage nous offre une ballade dans le souffle brumeux d’un rêve éveillé. Des moments durs, comme tout bon conte initiatique (la mort du cheval, cruelle) ou d’autres qui s’inscrivent directement dans une dimension mystique (le passage des Sphynx). Bien que tourné la langue de Shakespeare, le film est presque entièrement allemand, et constitue à ce jour l’un des plus gros budgets du pays ; peuplé d’un casting dont on n’avait jamais croisé les têtes ailleurs, le monde du film s’ouvre et se referme en même temps que la séquence-titre et le mot fin, telle une parenthèse magique.

    La deuxième dimension remarquable que l’on retrouve dans l’histoire sans fin est une mise en abîme particulièrement soignée, que l’on doit d’ailleurs au livre de Michael Ende dont est tiré le film. Cette mise en abîme marchait sûrement encore mieux avec le livre, car le lecteur se trouvait, de fait, dans la même posture que Bastien, qui lit lui aussi un livre nommé L’histoire sans fin. La possibilité entrevue d’interagir avec les personnage du roman est un rêve d’enfant, qu’on tenté de reproduire de façon bancale ces ouvrages "dont vous êtes le héros". Cela vous rappelle-t-il quelque chose ?

    L’histoire est aussi un pur Creature Movie dont chaque nouvelle scène comprend une ou plusieurs créatures fantasmagorique, et dont le récent Hellboy II est un avatar (assez réussi). D’où une multitude de bonnes raisons de toujours apprécier ce film une fois adulte ; et aussi parce que le film s’ouvre sur une chanson typique des eighties (donc à l’orchestration dépassée mais à la mélodie terriblement entraînante), une NeverEnding Story bien-nommée... J’ai hésité à vous proposer le clip de la chanson sur Youtube qui est assez autre... Mais non. L’histoire sans fin de Wolfgang Petersen doit garder son intégrité artistique. A l’heure où un remake de ce chef d’œuvre est en discussion à Hollywood, proclamons notre attachement à l’original !

  • L'étrange histoire de Benjamin Button (2009)

    Un film de David Fincher

    3340965990_884987ce11_m.jpgThe curious case of Benjamin Button
    . Titre qui convoque l’imaginaire littéraire d’un R.L. Stevenson (The strange case of Dr. Jeckyll and Mr. Hyde), d’un Conan Doyle, d’un Poe ou d’un Lovecraft. Raté, c’est d’une nouvelle de Scott Fitzgerald qu’est tirée la substance du film. D’où une relative mésentente sur le parfum de mystère et d’irrésolu (qui appelle donc une résolution) qui se dégage de ce titre. En effet, la première chose qui saute aux yeux à la sortie de salle du nouveau Fincher (Se7en, The Game, Fight Club, Zodiac), c’est que la dimension fantastique proclamée n’est pas traitée : ce personnage qui naît vieux pour ensuite rajeunir, allant à contre-courant du sens de la vie, offrait des potentialités intéressantes au niveau du développement scénaristique -développement encouragé par la faible durée de la nouvelle, pour arriver à un film qui approche les 3h. Que signifie d’être le seul à parcourir le temps à l’envers ? Comment le personnage s’en sort avec cela ? Des questions qui, pareillement, ne seront pas traitées.

    Fincher est un réalisateur de l’image -il a notamment réalisé des clips pour Michael Jackson, Madonna ou les Rolling Stones-, il s’attache donc à démontrer visuellement le passage du temps : le personnage grandit, a de plus en plus de cheveux, de muscles ; moins de rides. Les coupes de cheveux changent, ainsi que les vêtements, les modes. Qu’y a-t-il au-delà de ces images ? Hé bien, pas grand-chose. Je ne peux pas dire que je m’y suis ennuyé, mais pas non plus que j’y ai vu tout ce que j’espérais. Il manque clairement une profondeur psychologique et philosophique qui était permise par le matériau de base. En fait, le postulat fantastique apparaît juste comme un prétexte à raconter une histoire d’amour finalement assez simple. Button traverse les époques, approche certains événements historiques, ce qui fait que certains ont rapproché ce film de Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994). Rapprochement pas franchement pertinent, tant la ligne directrice du film est différente. Sauf qu’effectivement, le film aurait pu être signé par Zemeckis. L’émotion n’est pas très présente non plus, car motivée par l’image, encore et toujours. Les stades du rajeunissement de Brad Pitt semblent être l’unique objet d’un métrage qui échoue à montrer autre chose qu’un sage album d’images. De plus, la narration en flash-back dans l’hôpital me semble une option tout à fait inutile pour ce genre de film, si ce n’est pour rajouter artificiellement une ligne temporelle. Le simple récit de l’histoire principale m’aurait d’ailleurs mieux convenu, tant les passages dans l’hôpital me sortait de la trame narrative principale.

    La somme des péripéties se réduit en fait à peau de chagrin, et on se surprend à guetter le running-gag du vieux sur qui tombe la foudre un certain nombre de fois. L’accueil de Benjamin dans une sorte d’hospice, qui lui fait côtoyer les personnes âgées, et donc la mort, cette "invitée particulière", aurait pu être plus forte si l’on sentait ce que cela faisait à Benjamin Button. Le fait que tout le film soit narré par la voix du Button adulte en fait un conte très américain qui se voudrait philosophique mais n’arrive pas à l’être. Le titre français, en modifiatn légèrement le vocabulaire du titre original, s'en fait d'ailleurs l'écho. On est donc en droit d’être déçu par une affiche aussi intéressante et des performances d’acteurs qui ne le sont pas moins. Au final, Fincher n’était peut-être pas le réalisateur qu’il fallait à Button. On restera donc sur notre faim pour cette fois-ci, en attendant cependant avec toujours autant d’impatience le prochain projet d’un homme qui constitue un excellent technicien de l’image.

  • L'année du dragon (1985)

    Un film de Michael Cimino

    3335018268_1790f30e50.jpg?v=0Ouf ! Après une longue semaine de silence critique (dûe entre autres à l’arrivée dans mon modeste lieu de vie d’un écran plat, à l’effet très hypnotisant...), nous découvrons aujourd’hui ce magnifique polar - film noir d’un Michael Cimino qui, décidément, est un grand metteur en scène. Après un Voyage au bout de l’enfer (1979) récemment visionné pour la première fois, ses films me font l’impression d’un grand choc tant esthétique que dramatique et lyrique, portés par des comédiens en état de grâce. C’est vraiment le cas ici avec la performance que livre Mickey Rourke, chien fou qui fonce tête baissée dans une croisade impossible contre le crime organisé dans Chinatown. Stanley White, son personnage, est hanté par l’échec (la guerre du Viêt-Nam, fantôme de l’œuvre de Cimino) et semble mener cette mission tant pour réussir enfin quelque chose, que pour fuir le monde qui l’entoure : son action peut être clairement interprétée comme une tentative de suicide, une fuite en avant. Entre sa femme qu’il délaisse et une journaliste chinoise qui l’attire, presque malgré lui, -représentant quand même tout ce qu’il cherche à oublier-, il semble définitivement ailleurs. Toujours flanqué d’un chapeau mou, réminiscence du film noir des années 40, son statut est flou : flic, il n’arbore pourtant jamais l’uniforme. Il semble se battre contre son propre camp, car c’est finalement un solitaire tant professionnellement que personnellement. Ces deux dimensions n’en font qu’une chez Stanley White, et de cet amalgame naîtront ses démons. En cela, il est l’architecte de sa propre déchéance.

    Plusieurs thèmes reviennent dans l’œuvre de Cimino ; parmi ceux-ci, la guerre du Viêt-Nam, mais aussi la dimension du sacré (la longue séquence du mariage dans Voyage au bout de l’enfer, ici les enterrements, les croix à tous les coins du cadre) et un pessimisme prégnant. Les flics s’arrangent avec la mafia, du coup ni vu ni connu, ils sont complices des pires atrocités. Les valeurs de bien ou de mal n’ont plus cours dans le monde de L’année du dragon. On y montre bien que chaque personnage abuse de la liberté qui lui est accordée, de la journaliste aux interpellations télévisées intrusives, au policier justicier qui doit bouleverser certains codes établis pour faire entendre sa voix, en passant par les mafieux, dont la fonction fondamentale est d’entraver les règles.

    Le film de Cimino montre une communauté multi-ethnique (chinois, américains, polonais) qui résiste à l’image du melting-pot (celui-ci correspondant à un mélange harmonieux des hommes) et dessine plus un paysage compartimenté, où les différentes pièces communiquent mal. C’est dans cette partie que j’ai trouvé le film le plus juste et terrifiant. La mise en scène très opératique de Cimino (ah, La porte du paradis) accompagne à merveille cette sorte de danse d’amour et de mort. Utilisant bien les possibilités du Cinémascope, la ville en ressort comme un monstre tentaculaire qui semble porter en lui (ambiance poisseuse, ruelles sordides) les signes de la déliquescence qui est en marche. Un excellent moment de cinéma, d’ores et déjà mon film du mois (difficilement détrônable !).