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Critiques de films - Page 29

  • Un film, une séquence (1/2) : Superman, le film (1978)

    Le premier rendez-vous de Superman

    "Do you like pink ?"
    Loïs Lane à Superman 

    7840419906_4e1089471b_m.jpgSuperman, le film, réalisé par Richard Donner (La malédiction, 1976, Les Goonies, 1986) est fondateur de l'imagerie des super-héros au cinéma, tout autant de leur psychologie. C'est ce second aspect qui est privilégié dans la séquence du jour, habilement amené par un subtil dialogue entre l'homme d'acier (Christopher Reeve) et Loïs Lane (Margot Kidder) lors de leur premier rendez-vous. En amorce de la séquence, Lane, au Daily Planet, reçoit un message : "Rendez-vous chez vous, à 8h - un ami". Le spectateur, comme Loïs Lane, pense que cet ami est l'homme de Krypton, qui s'est désigné sous ce nom lors de sa première apparition publique. On verra plus tard que c'est en fait Clark Kent qui lui a adressé ce message, réaffirmant du même coup, que Kent et Kal-El ne sont que les deux faces d'une même pièce. La scène du rendez-vous nocturne de Kal-El et Loïs Lane est d'une importance capitale dans le film, montrant l'attirance réciproque des deux personnages, établissant la thématique de la dualité, présentant les pouvoirs principaux de l'homme d'acier, le tout traité sous la forme parfaite d'une rencontre romantique aux dialogues à double-sens particulièrement savoureux.

    Prétexte et double-sens

    Le mot introductif présente la scène comme un rendez-vous galant, ce que l'attitude de Loïs atteste dès le premier plan : elle attends avec une certaine impatience (il est déjà 8h05!) la venue de celui qui l'a tellement impressionnée la nuit précédente -il l'az sauvée d'une mort certaine-. Empiétant sur l'image de Loïs, retentit une sonnerie (c'est le téléphone du bureau de Perry White, rédacteur en chef du Daily Planet qu'on a vu lors de la précédente séquence), indiquant en filigrane l'attente insoutenable, le stress généré par ce premier rendez-vous avec le surhomme : l'heure a sonné ! Les yeux de Loïs, déjà embrumés avant même l'arrivée du futur Superman, en dit déjà beaucoup ; sa robe de soirée ensuite, presque autant que le cri de surprise à sa venue, sorti de la gorge de Loïs comme un cri de jouissance extatique, donne le ton. Kal-El, arrivant en volant sur son balcon, feint d'abord l'arrivée par à l'improviste, "Vous aviez quelque chose de prévu ? Je peux revenir plus tard...", puis utilise un prétexte pour justifier sa venue : "Désolé de vous déranger, mais on doit se poser beaucoup de questions à mon sujet." Comme tout être humain, il use de ficelles connues pour justifier sa venue, ficelles qu'il aura apprises avec les cristaux transmis par son père, ceux-là même qui contiennent toute la connaissance du monde. Bref, il ne s'agit donc pas officiellement d'un rendez-vous, mais d'une interview ! Et nous allons avoir une démonstration éclatante du professionnalisme de Loïs Lane dans cet exercice. Alors qu'ils s'assoient pour commencer, l'homme d'acier recule galamment la chaise de Loïs pour lui permettre de prendre place plus confortablement. Les deux personnages ne font déjà plus mystère du fait que, sous la version officielle de l'interview, se cache en réalité un rendez-vous tout ce qu'il y a de plus concret.

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    La séquence offre dès lors un jeu jouissif entre l'interview, et le professionnalisme de la retranscription des faits qu'il requiert, et la décontraction ("C'est sympa chez vous", glisse Superman), la légèreté romantique de la découverte mutuelle des deux personnages. Ainsi, Loïs débute l'entretien en remplissant la fiche d'identité de Kal-El ; lui demandant s'il est marié, a une petite amie, des "informations vitales", on en est conscient, pour tout lecteur lambda du Daily Planet ! Les réponses de l'homme d'acier ne sont pas exemptes de sous-entendus : alors que Loïs le questionne sur son âge, il réponds "plus que 21 ans", soit l'âge de la majorité aux Etats-Unis, où un individu est responsable de ses actes et libre de tout faire, y compris entretenir une relations intime avec une autre personne consentante. L'intervieweuse continue dans la voie d'une grivoiserie insoupçonnée en osant un "How big are you" (question pouvant tout à fait se rapporter à la taille du membre viril de son super-homme), qu'elle ravale comme un lapsus en rectifiant par un plus sage "How tall are you", quelle taille faites-vous). Les réponses du surhomme, annonçant des proportions tout bonnement épiques, n'ont de cesse de titiller la curiosité de la dame vers une investigation plus poussée, qui lui fera notamment dire "J'imagine donc que le reste de vos fonctions corporelles sont normales... en termes plus délicats... Est-ce vous... -puis s'arrêtant devant une proposition trop osée- mangez ?". La compatibilité sexuelle des deux tourtereaux semble acquise, et leur désirs concordant, dans une joute verbale qui a des airs de danse pré-nuptiale.

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    Le jeu continue, suivant le fil des questions (impertinentes) de Miss Lane. Ainsi, pour avoir la preuve que notre homme en bleu et rouge voit à travers n'importe quelle élément physique, elle lui demande simplement de décrire la couleur de ses sous-vêtements ! La séquence s'équilibre donc constamment entre la description des pouvoirs du surhomme -ici, on apprend que seul le plomb peut brouiller sa super-vision, Loïs se tenant à cet instant devant un pot de fleurs constitué du fameux métal-, et la romance naissante entre les deux personnages, parfaitement synthétisées par un dialogue digne des meilleures comédie à l'américaine de l'âge d'or. La mise en scène laisse s'exprimer en gros plans les deux acteurs, dont les expressions pleines d'espièglerie enfantine, et de gêne devant la découverte de leurs sentiments ne font aucun mystère de leurs intentions respectives. Les arrières-plans, uniquement composés de transparences ne cachant rien de leur artificialité, confèrent à la scène des allures de rêveries, encore renforcées dans la partie du vol, et par la photo volontairement floutée de Geoffrey Unsworth qui nimbe tout le film. En point d'orgue de cette fabuleuse entrevue pleine de sous-entendus, Lane lancera, au beau milieu d'un épellation du mot Krypton, un simple "Do you like pink ?" - la couleur de ses sous-vêtements, donc-, qui contient  toutes les autres questions importantes qu'on se pose lors d'une rencontre.

    La suite

  • Star Trek : Générations (1994)

    Un film de David Carson

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    Les scénaristes Ronald D. Moore et Brannon Braga ont eu fort à faire en se chargeant du scénario de ce septième épisode cinématographique de la franchise Star Trek. L'objectif : faire se rencontrer les capitaines des deux vaisseaux Enterprise, l'historique James T. Kirk (Star Trek : la série originale, 1966-1969) et le capitaine Picard (Star Trek : The Next Generation -TNG-, 1987-1994), stars des deux séries créées à 30 ans d'intervalle par Gene Roddenberry, et ainsi mettre un point final à la carrière de Kirk. Alors que Kirk et son équipe d'irréductibles ont fait partie des six premiers films cinéma de 1979 à 1991, il s'agit du premier avec l'équipage de TNG. A l'époque, Star Trek connaît un pic de popularité sans précédent : TNG connaît un si grand succès que d'autres séries verront le jour dans son sillage : Deep Space Nine en 1993, puis Star Trek : Voyager en 1995. Lors de la sortie du film, accompagnée par un battage médiatique sans précédent pour la franchise, William Shatner (Kirk) et Patrick Stewart (Picard) posent ensemble pour la une du Time : c'est historique. Ronald Battlestar Galactica D. Moore et Brannon Braga sont déjà scénaristes depuis plusieurs années sur la série TNG quand ils se voient confier leur périlleuse mission, qui constitue donc leur première incursion sur un film cinéma. Les difficultés subsidiaires du projet sont également de présenter au public non averti de nouveaux personnages, sans pour autant ennuyer les fans qui les connaissent par cœur. 

    Dans l'univers Star Trek, la série originale et TNG sont distantes de 78 ans. Toute la question tourne autour de l'astuce à employer pour réunir les deux personnages centraux. Le voyage dans le temps, utilisé à de nombreuses reprises, ne sera pas privilégié, au profit d'une invention un brin compliquée qui, si elle constitue le centre du film, en est également sa principale faiblesse. 

    L'axe principal du film, rassemblant deux générations de capitaines (et de fans, donc), est le temps. Si le film commence au temps de Kirk vieillissant, visitant pour la première fois un vaisseau Enterprise dont il ne sera pas capitaine (amusants dialogues entre Kirk, Scottie et Chekov). On y voit Kirk se sacrifier alors que le vaisseau est absorbé par un phénomène spatial, puis l'on passe rapidement "78 ans après" où l'Enterprise devient ... un bateau datant de l'ère de la piraterie, costume d'époque compris. Jouant de l'analogie entre l'esprit naval (très présent sur les films, moins sur la série originale), les scénaristes imaginent une sortie de l'équipage de Picard dans le Holodeck, cette salle du vaisseau Enterprise qui peut recréer à loisir n'importe quel environnement. Cette séquence permet de tracer une chronologie de l'Enterprise, plusieurs vaisseaux portant le même nom au fil du temps, constituant un lien indéfectible entre les époques. La contradiction entre aspect futuriste et artefacts anciens donne tout son sel à la séquence, et dévoile également une des constantes du film : être là où on ne l'attend pas.

    Le temps, c'est également l'obsession du méchant du jour, Soran (Michael McDowell, excellent comme toujours) ; il recherche l'immortalité après avoir goûté aux délices du Nexus, cet endroit en dehors du temps où l'on ne vieillit pas. Chacun y recrée par la pensée son univers idéal, ce qui donne une séquence totalement décalée sur le capitaine Picard, débordante de mièvrerie. Celle sur Kirk est encore moins réussie, Picard le découvrant coupant du bois et faisant la cuisine... Si le Nexus ressemble fort à une vision du Paradis chrétien, il est également inutilement embrouillé dans sa représentation cinématographique car on doit y aller (première gageure) et pouvoir en revenir (alors là...), alors même que l'espace n'y a, pas plus que le temps, aucune importance : la seule pensée nous déplace dans le temps et dans l'espace. Les deux scénaristes, dans leurs commentaires audio des années après la sortie du film, en conviennent facilement : ils n'ont pas pris le meilleur parti du concept de base.

    Pas évident donc, de s'y retrouver, même si des bonnes surprises surnagent : un humour bienvenu, notamment grâce à l'excellent personnage de Data (Brent Spinner), équivalent de Spock dans la nouvelle série, puis aux collègues de Kirk au début du film, qui tranchent avec la droiture de Picard. Le temps, l'espace, la mort, la fin de Kirk... Trop d'éléments à digérer pour un seul film, qui s'égare dans des séquences voulue tellement "originales" qu'elles sont incongrues. La mort de Kirk est ainsi traitée en mode mineur, malgré un reshoot d'envergure (il devait succomber d'un coup de feu de pisto-laser dans le dos, asséné par Soran!). Bref, trop d'enjeux ont tué ce Générations, qui devait pourtant redonner un nouveau souffle à la saga, en abandonnant d'ailleurs la numérotation des précédents films. Malgré les bonnes scènes du crash ou encore de la carte stellaire, un résultat bien moyen. Anecdote parlante de la bouche des scnéaristes : travaillant au même moment sur le scénario du double-épisode final de TNG, All Good Things, ils trouvent ce dernier... bien meilleur !

  • Trilogie Quatermass, 3ème partie : Les monstres de l'espace (1967)

    Un film de Roy Ward Baker

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    "We are the martians now !" 

    Quatermass and the Pit renoue avec le bon docteur et ses aventures fantastiques 10 ans après le deuxième volet cinématographique, La marque ; dans le laps de temps, beaucoup de changements se sont opérés, dans le monde du cinéma et pour la firme Hammer qui produit le film. Ainsi, l'on passe du noir et blanc à la couleur, signe distinctif des productions Hammer à partir de Frankenstein s'est échappé (Terence Fisher, 1957). Le moustachu Brian Donlevy, auparavant interprète froid et colérique du personnage principal, est remplacé par Andrew Keir et sa barbe épaisse mais taillée avec soin, qui donne une toute autre tonalité au rôle : plus chaleureux, il apparaît plus humain, se souciant de protéger le plus grand nombre de découvertes potentiellement explosives, jusqu'à l'épuisement total. Il tente toujours, comme dans les deux autres films, de défendre son projet lunaire, devant des représentants du gouvernement qui n'affichent pas une once d'intérêt. Contrairement à son prédécesseur, il n'est ici que le second rôle, la tête d'affiche étant tenu par James Donald (Le pont de la rivière Kwaï, David Lean, 1957, La grande évasion, John Sturges, 1963), qui interprète le scientifique conduisant les recherches. Ultime Hammer Girl, Barbara Shelley incarne son assistante. L'abbaye de Westminster, après avoir été le théâtre du climax du premier film, trouve encore ici sa place.

    On retrouve au scénario Nigel Kneale, créateur du personnage, qui signe ici l'histoire la plus ambitieuse de la trilogie, les implications des découvertes excavées d'une bouche du métro londonien allant très, très loin. 

    Quatermass intervient alors qu'au coeur de Londres, dans la station Hobb's End, sont retrouvés des squelettes humanoïdes. Ils s’avéreront être ceux des ancêtres des hommes, aillant foulés la Terre il y a des millions d'années. Face au scientifique qui a la charge des recherches, s'oppose rapidement l'armée, qui déterre un objet au fuselage bleu d'apparence métallique qu'ils prennent pour un missile... celui-ci devant être désarmé.

    La multitude de personnages, l'opposition des forces en présence, puis la menace potentielle de l'artefact découvert porte clairement le film sur le terrain du genre catastrophe, dont l'âge d'or ne débutera qu'à l'orée 1970. Les monstres de l'espace brille notamment par une scène de bousculade d'anthologie dans le dernier tiers, la presse et le public ayant été conviés dans la bouche de métro, au moment où se produit un phénomène destructeur. 

    Pas effrayé par l'ampleur de la narration, Kneale remonte tout simplement aux origines de l'humanité pour chambouler la tradition darwiniste. Ouvrant sur une intrigue d'une rare richesse, Kneale introduit des créatures présentes sur Terre depuis des millénaires, faisant évoluer l'homme -ou expérimentant sur les autralopithèques - vers ce qu'il est aujourd'hui, les aliens étant aussi responsable de toutes les superstitions du monde. Magie, sorcellerie, esprits frappeurs : les thèmes du film nous rappellent à quel point les responsables de la Hammer étaient versés dans l'occulte, eux qui sortiront l'année suivante un des chef-d’œuvre de Terence Fisher, Les vierges de Satan (The devil rides out). Comme dans le premier film, une des clés du mystère sera dévoilée lors d'une projection de film retrouvé, qui laisse cependant voir des effets spéciaux d'une pauvreté sans appel. Ce sera malheureusement là où le bât blesse durant tout le film, les révélations tonitruantes du film étant très souvent désamorcées par une cassure de la suspension d'incrédulité particulièrement chère au cinéma fantastique. Roy Ward Baker n'a cependant pas démérité en livrant un spectacle cohérent avec les deux autres opus de la saga,  et et ne manquant pas d'émouvoir -la musique stressante de James Bernard étant ici remplacée par celle de Tristram Cary, plus mélancolique et tragique. Bref, un Hammer film comme on les aime, old school mais pas dépassé.

  • The Dark Knight Rises (2012)

    Un film de Christopher Nolan

    7718046812_850705cbfe_m.jpgSept ans après Batman Begins, la trilogie de Christopher Nolan dévoile son final. C'est surtout le deuxième volet, envahi par le jeu démentiel du regretté Heath Ledger, qui avait marqué les esprits. Après le récit des origines (Begins), puis un tableau complexe mais très maîtrisé de la dualité qui habite Bruce Wayne et ses opposants (The Dark Knight), ce troisième volet nous propose une destruction et renaissance aussi foisonnantes que l'étaient les précédents opus ; l'affiche du film marque d'ailleurs un retour aux tons dorés de celle du premier film, mâtinés d'orangé : Gotham in on fire !

    Nolan profite du passif créé par les deux précédents films pour enrichir encore la mythologie du personnage. La ligue des ombres, emmenée autrefois par Ra's Al Ghul (Liam Neeson), refait surface par le biais d'un nouveau personnage, Bane, à la force de frappe inédite dans le parcours du chevalier noir. Débutant huit ans après The Dark Knight, la première séquence nous rappelle la mort d'Harvey Dent, et le mensonge sur lequel est bâti la paix à Gotham (Batman a endossé les crimes commis par Dent / Double-Face afin que celui-ci incarne l'idée du bien triomphant, celui qui se sera sacrifié pour la ville). Après Ra's Al Ghul, le Moriarty de Batman, et le Joker, nemesis historique, Bane est considéré comme l'ennemi le plus mortel du Détective, alliant puissance et intelligence.

    Les scénaristes David S. Goyer et Jonathan Nolan connaissent bien leur petit Batman illustré, et vont puiser dans plusieurs sagas-clés : la première d'entre elle est la première partie de l'arc Knightfall, publié entre 1993 et 1994, durant lequel Bane, obsédé par la prise de pouvoir de Gotham et donc, l'anéantissement de la chauve-souris, sème le chaos en utilisant, tel un marionnettiste virtuose, les criminels de Gotham. Bruce Wayne, épuisé, acculé jusque dans ses ultimes réserves, -et marqué par son sens extrême du sacrifice- aura finalement la colonne brisée par Bane. Les origines de Bane, remaniées dans le film, proviennent de numéros antérieurs, Vengeance of Bane et Bane of the Demon. Ces histoires concernant Bane (un surnom de circonstance signifiant fléau) ont été rééditées récemment en France par Urban Comics.

    Un autre arc narratif a été pris pour modèle dans ce film, dont on parle moins : il s'agit de No man's land, qui date de 1999, a priori inédit en VF. A la suite d'un tremblement de terre, les esprits malades de Gotham s'échappent ; la gouvernement américain fait alors sauter les ponts et points de jonction qui relient Gotham au reste du monde, le déclarant no man's land, l'excluant même des Etats-Unis ; les hors-la-loi ont alors tout loisir de faire régner leur loi dans une zone de non-droit. Petit à petit, les zones libérées par Batman sont marquées d'un petit logo, dont on retrouve la trace dans le film. Engendrée dans une optique résolument réaliste, la trilogie se termine donc par un film dur aux accents de guerre urbaine, dans lequel l'héroïsme est moins du fait de Bruce Wayne / Batman -qui passe la plupart du métrage à se retrouver lui-même-, que de personnages plus ordinaires, telles le commissaire Gordon, et bien sûr son adjoint nouvellement promu, l'inspecteur Blake (Joseph Gordon-Levitt, à l'implication palpable). 

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    Loin de se borner à reprendre telles quelles les trames narratives du comic, celles-ci s'entremêlent, sont parfois grandement modifiées, pour produire un spectacle le plus souvent très cohérent. Tout juste pourra-t-on reprocher les connexions hasardeuses entre Bane et Ra's Al Guhl, hors-sujet par rapport au comic, et le personnage de Miranda Tate (Marion Cotillard), mal écrit, prévisible et lisse. Le reste est un bijou de caractérisation des personnages, jouant constamment avec l'attente du spectateur, alternant séquences d'actions de grande ampleur et pauses astucieusement dialoguées qui réjouissent d'intelligence. Et, comme toujours chez Nolan, les apparences sont souvent trompeuses, réservant au public des surprises, petites ou grandes, qui émaillent un édifice à la construction méticuleuse. La trilogie ainsi réalisée par Nolan va continuer de forcer l'admiration encore un moment ; et l'on dit déjà qu'un nouveau Batman, un autre reboot, verra le jour rapidement. Mais sans Nolan, qui fait de grands films en utilisant le genre à ses propres fins, à quoi faut-il s'attendre ? Réponse à l'horizon 2014...

  • Star Trek VI : Terre inconnue (1991)

    Un film de Nicholas Meyer

    7643149614_9f48f498c9_m.jpgAprès le désolant cinquième épisode (L'ultime frontière), Paramount décide de mettre en chantier le dernier film incluant le casting original de la série télé : Shatner / Kirk, Nimoy / Spock, Kelley / McCoy, ... Il est clair que terminer sur le souvenir embarrassant (litote) du film réalisé par Shatner aurait été une erreur. Le retour de Meyer à la réalisation est également une nouvelle appréciable, tant sont deuxième épisode (La colère de Khan) et son très bon C'était demain (Time after time, 1979) sont réussis. Meyer, Nimoy et le scénariste Denny Martin Flinn élaborent un scénario riche et intrinsèquement lié à son époque : la scène inaugurale, montrant l'explosion d'une planète, suivie d'un onde de choc aux proportions atomiques, fait écho à l'explosion de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986. Les répercussions de cette explosion dans le film (privés d'une grande partie de leur ressource énergétique, les Klingons, éternels ennemis de la Fédération, demandent de l'aide et la suppression de la zone neutre -leur mur de Berlin, tombé quelques mois plus tôt dans la vie réelle) sont clairement une transposition des préoccupations contemporaines de la société.

    Le capitaine Kirk, hanté par le meurtre de son fils par les Klingons (voir l'épisode III, A la recherche de Spock, 1984), est submergé de ressentiment, et, alors même qu'il est tout entier contre la pacification des relations Fédération / Klingons, va en être le messager. Les antagonismes entre civilisations, le racisme exprimé, les incompréhensions, sont évoqués frontalement, en même temps qu'un effort de pacification cher à la mission première des équipages de Starfleet. Le comportement des hommes de Kirk, et parfois de Kirk lui-même dans la première partie ("Qu'ils meurent !") sont néanmoins exagérés, pas très cohérents par rapport à la psyché de leur personnage, créés uniquement dans le but de dessiner une trajectoire d'apaisement et enfin, de réconciliation avec leur némésis ultime. Sur l'équipage, qui voit s'étendre le voile de la vieillesse, se pose la question de leur rôle, leur utilité au sein de Starfleet une fois "mis à la retraite", comme le glisse Kirk à Bones au début du film. Et, clairement, la question fonctionne dans la fiction comme dans la réalité.

    Certains passages sont vraiment marquants ; j'en retiens un tout particulièrement : l'attaque de deux individus masqués sur le vaisseau Klingon, alors en état d'apesanteur. La lenteur des corps qui flottent légèrement dans le vaisseau, soutenus par une musique symphoniques aux accents lourds et menaçants, donne un prégnant sentiment d'étrangeté. Les deux mercenaires éliminant tous les individus qu'ils croisent, marchent lentement, sans bruit aucun, autour des bulles de sang Klingon qu'ils ont eux-mêmes provoqués. La séquence, soldée par la mort du Chancelier diplomate Gorkon (ainsi nommé pour rappeler Gorbatchev, et arborant la barbe de Lincoln), réunit de remarquables qualités cinématographiques, là où montage, effets, musique, échelle de plan, servent le contenu : une intrusion implacable de deux tueurs.

    La richesse narrative du film, passant d'une attaque surprise sur le vaisseau Klingon, à une évasion glaciales des mines de Rura Penthe, sans oublier un dîner pour le moins tendu entre l'équipage de l'USS Enterprise et leurs anciens ennemis, offre une variété bienvenue dans l'univers codifié de Star Trek. La profondeur des thèmes évoqués sied  tout à fait à la science-fiction humaniste telle que mise en place par son créateur Gene Roddenberry, auquel le film est dédié. La terre inconnue, c'est cet espace-temps qui s'ouvre devant les personnages, un avenir sans conflit ; enfin du moins, c'était l'objectif...