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  • Star Trek : Premier contact (1996)

    Un film de Jonathan Frakes

    7859578744_c09a56879c_m.jpgPeu de temps après le succès public de Generations, le producteur Rick Berman confie à nouveau le scénario du prochain Star Trek au duo Moore-Braga, en même temps qu'il laisse les rênes de la réalisation à Jonathan Frakes, acteur-réalisateur sur la série Next Generation. Bonne pioche : Premier contact est la plus grande réussite des film "Next Generation", en même temps qu'un des rares Star Trek à pouvoir rivaliser avec les meilleurs films de science-fiction de la décennie 90.

    L'introduction du film cueille littéralement le spectateur, sa séquence générique habitée par la superbe musique de Jerry Goldsmith, qui signe ici rien de moins que la meilleure mélodie de toute la saga, tout en réinterprétant dans les premières notes son thème historique. La partition du cor, qui s'octroie la mélodie principale, offre une émotion palpable ; moins flamboyante que le thème connu d'Alexander Courage, plus sombre et mélancolique, elle évoque la chaleur des retrouvailles avec un équipage non dénué d'humour (notes fortes, héroïques), tout en ouvrant sur l'inconnu de l'exploration spatiale (les notes lointaines, comme un écho, semblant se perdre dans l'immensité) ; à ce titre, on peut sans mal dresser une filiation entre ce magnifique score et certaines mélodies d'Howard Shore pour Le Seigneur des Anneaux, composées quelques années plus tard. Premier choc.

    Puis, le film débute avec un très gros plan sur l’œil du Capitaine Picard, filant en travelling arrière, faisant peu à peu découvrir un amas de constructions métalliques, une sorte de ruche dans laquelle des formes apparemment humaines sont ordonnées, rangées... préfigurant là encore un grand film de SF à venir, Matrix et ses champs à cultiver les humains. La force visuelle du plan, associée au contraste saisissant entre celui-ci et la lenteur bienfaisante du générique, présente à merveille la menace du film : les Borgs, sorte de zombies cybernétiques dotés d'une conscience collective. Ce plan, puis les suivants, établissent également la connexion très spéciale qui existe entre les Borgs et Picard, ce dernier ayant été assimilé au collectif Borg dans un épisode lointain de la série. La séquence prend la forme d'un rêve emboîté, ressort qui fonctionne toujours très bien (on se rappellera avec bonheur et frayeur la dernière scène du Prince des Ténèbres de John Carpenter, qui utilisait ce procédé).

    Berman, le producteur, voulait avoir un voyage dans le temps ; les scénaristes, eux, apportèrent l'idée de la menace Borg, la force négative la plus réussie de la série. De ces deux idées-forces proviennent tout ce qui fait de Premier contact, non seulement un excellent Star Trek, mais encore plus, un très bon film de SF, le spectateur totalement novice en histoire et généalogie Trek pouvant apprécier le film pratiquement de la même façon.

    Les Borgs sont visuellement très photogéniques, dans la voie de l'esthétique de horreur : arnachés d'armures bio-mécaniques, leurs visages recomposés en fait des monstres de Frankenstein tout à fait convaincants. Dans un trip très Aliens, l'apparition de la reine Borg est éclatante, l'actrice Alice Krige jouant à merveille d'une ambiguïté sexuelle dont Data (excellent Brent Spiner !) va faire les frais. Le "supplice de la peau humaine" est une idée fantastique dans un monde imprégné de techno-robotique, et où même le capitaine Picard peut apparaître comme insensible. 

    Le voyage dans le temps permet cette fois une véritable prouesse : remonter aux origines même du monde inventé par Gene Roddenberry, et être témoin de son éclosion. Le premier contact est en effet le moment historique où des êtres extra-terrestres s'intéressent pour la première fois à la planète Terre, rencontrant leurs occupants ; ainsi débutera une ère de coopération pacifique et d'exploration spatiale.

    Faire intervenir des personnages humains du passé permet en outre de donner au film une tonalité comique bien plus réussie que la dernière tentative en date dans l'univers Star Trek (Star Trek IV - Retour sur Terre, avec Spock et son bandana de karatéka). Le personnage de Lily, notamment, nous permet une identification totale, elle qui est amenée à bord de l'Enterprise, et qui découvre un monde futuriste aux préoccupations bien différente (au XXIVème siècle, l'argent n'existe pas, des vaisseaux volent de planètes en planètes et les pistolets laser remplacent les armes plus conventionnelles). Son échange avec Picard, près de la fenêtre donnant sur l'espace et la Terre, est une merveille d'éblouissement. Le personnage de Zefram Cochrane, inventeur historique de la distorsion -technique qui permet à un vaisseau de se déplacer plus vite que la lumière-, est interprétée par un James Cromwell déchaîné ; c'est un soûlard qui se dandine en écoutant du Roy Orbison. De plus, Jonathan Cochrane instillait une atmosphère très détendue qui transparait clairement à l'écran, surtout lors des séquences sur Terre, où Frakes a toujours l'air à deux doigts du fou-rire. Seule la scène de l'holodeck, incluant Picard et Lily dans le monde des gangster, ne trouve pas vraiment sa place dans un ensemble autrement fort bien écrit, réactivant les idéaux transmis par Roddenberry depuis les années 60.

    A tous les niveaux où on pouvait l'attendre, ce Premier contact est réussi ; à l'époque plus gros succès de la franchise, il réconcilie enfin les fans de Star Trek et les novices amateurs de science-fiction.

    En bonus, le fabuleux morceau d'ouverture de Jerry Goldsmith : 

  • Un film, une séquence (2/2) : Superman, le film (1978)

    Suite de la première partie de l'analyse de séquence consacrée à Superman, le film.

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    Un être hors du commun

    La séquence permet en outre de caractériser le personnage de Superman de façon extrêmement précise : outre ses différents pouvoirs (vision aux rayons X, force et résistance surhumaine, pouvoir de voler), elle nous expose clairement le concept du personnage : "Je combats pour la vérité, la justice et l'idéal américain" ; positionnement qui, s'il est objectivement louable, n'en est pas moins très naïf ; Donner désamorce alors immédiatement cette réaction attendue du public par la réplique de Loïs, qui lui rit au nez en lui assénant "Vous allez devoir combattre tous les élus du pays", parant la naïveté christique du personnage par l'ironie de Loïs. Peu après, Superman énoncera une autre part de sa personnalité : "Je ne mens jamais". Ces idéaux inaltérables, paraissant soit dépassés, soit inabordables pour le commun des mortels, font de Kal-El un être hors du commun s'élevant déjà plus haut qu'un homme ordinaire ; allié aux pouvoirs de l'extra-terrestre, cela fait de lui un dieu, une analogie qui parcourt tout le film.

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    Après ces préliminaires, l'homme d'acier prend les choses en mains : il invite Loïs à (sortir) voler en sa compagnie, en convoquant encore une fois un prétexte : calculer sa vitesse. A l'inverse de Clark Kent, tout en timidité maladive, Superman prend l'initiative et emmène Loïs faire un tour dans le ciel. Après un survol des buildings, ils passent non loin de la statue de la Liberté, érigeant matériellement un des idéaux ardemment défendus par le Kryptonien. Dans un deuxième mouvement de ballade en vol, Loïs pense ; et nous l'entendons. Sa question, c'est Est-ce que Superman l'entend, lui ? A-t-il aussi ce pouvoir ? Si la réponse apparaît négative, les pensées de Loïs n'en sont pas moins évidente quand au désir qui l'étreint. "Sais-tu ce que tu éveilles en moi ? Peux-tu voir les images qui m'assaillent ?". Ce vol planant avec un dieu lui donne des ailes, littéralement : grâce aux pouvoirs de Superman, elle a également la sensation de voler, une métaphore classique mais très poétique (tout comme ses pensées, déclamées en vers, avec la répétition langoureuse "Do you read my mind ?") du sentiment amoureux. 

    Ce vol peut, au final, être interprété comme métaphore d'une folle nuit d'amour, ce que Loïs fera dire à son article en termes tout sauf ambiguës : la titre du Daily Planet du lendemain est "Ma nuit avec Superman" !

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    Une fois revenue les pieds sur Terre -le chronométrage totalement oublié-, elle lui donnera son nom, après s'être exclamé "What a super man!", répondant en écho à la demande de Perry White de trouver un nom à ce nouveau justicier. La séquence, tout en donnant des informations capitales sur le personnage pour le reste du film, est une ballade romantique et coquine extraordinairement écrite. L'épilogue, particulièrement savoureux, voit Clark sonner à la porte de Loïs, puis lui disant : "Vous vous rappelez ? Nous avions rendez-vous", confortant l'idée que c'est bien lui qui a fait la proposition à Loïs. Content de la voir désorientée, il serait prêt à lui révéler son identité secrète, pourtant formellement interdit par son père. 

    La conception du personnage de Clark Kent / Superman est telle dans ce premier film que Clark Kent est le déguisement de Kal-El, et Superman sa véritable personnalité. Pour faire Kent, il se tient voûté, prend une voix hésitante, un ton haut placé et multiplie les tics de stress (le doigt qui remonte constamment ses lunettes) ; en outre, ses cheveux sont tellement gominés qu'on dirait une perruque ; un vrai déguisement. Son air livide est certainement du à un fond de teint blanc, alors que Superman a le teint hâlé.

    Donner montre alors le personnage de Kal-El sous un jour très humain, cédant facilement à ses sentiments. S'il ne désobéit finalement pas dans l'instant  à ce commandement (ce sera pour le deuxième épisode), il va influer sur le cours de l’existence des humains alors que, de la même façon, son père lui avait interdit. Et, à chaque fois, le moteur de ses intervention sera Loïs... Superman, un justicier par amour ?

  • Un film, une séquence (1/2) : Superman, le film (1978)

    Le premier rendez-vous de Superman

    "Do you like pink ?"
    Loïs Lane à Superman 

    7840419906_4e1089471b_m.jpgSuperman, le film, réalisé par Richard Donner (La malédiction, 1976, Les Goonies, 1986) est fondateur de l'imagerie des super-héros au cinéma, tout autant de leur psychologie. C'est ce second aspect qui est privilégié dans la séquence du jour, habilement amené par un subtil dialogue entre l'homme d'acier (Christopher Reeve) et Loïs Lane (Margot Kidder) lors de leur premier rendez-vous. En amorce de la séquence, Lane, au Daily Planet, reçoit un message : "Rendez-vous chez vous, à 8h - un ami". Le spectateur, comme Loïs Lane, pense que cet ami est l'homme de Krypton, qui s'est désigné sous ce nom lors de sa première apparition publique. On verra plus tard que c'est en fait Clark Kent qui lui a adressé ce message, réaffirmant du même coup, que Kent et Kal-El ne sont que les deux faces d'une même pièce. La scène du rendez-vous nocturne de Kal-El et Loïs Lane est d'une importance capitale dans le film, montrant l'attirance réciproque des deux personnages, établissant la thématique de la dualité, présentant les pouvoirs principaux de l'homme d'acier, le tout traité sous la forme parfaite d'une rencontre romantique aux dialogues à double-sens particulièrement savoureux.

    Prétexte et double-sens

    Le mot introductif présente la scène comme un rendez-vous galant, ce que l'attitude de Loïs atteste dès le premier plan : elle attends avec une certaine impatience (il est déjà 8h05!) la venue de celui qui l'a tellement impressionnée la nuit précédente -il l'az sauvée d'une mort certaine-. Empiétant sur l'image de Loïs, retentit une sonnerie (c'est le téléphone du bureau de Perry White, rédacteur en chef du Daily Planet qu'on a vu lors de la précédente séquence), indiquant en filigrane l'attente insoutenable, le stress généré par ce premier rendez-vous avec le surhomme : l'heure a sonné ! Les yeux de Loïs, déjà embrumés avant même l'arrivée du futur Superman, en dit déjà beaucoup ; sa robe de soirée ensuite, presque autant que le cri de surprise à sa venue, sorti de la gorge de Loïs comme un cri de jouissance extatique, donne le ton. Kal-El, arrivant en volant sur son balcon, feint d'abord l'arrivée par à l'improviste, "Vous aviez quelque chose de prévu ? Je peux revenir plus tard...", puis utilise un prétexte pour justifier sa venue : "Désolé de vous déranger, mais on doit se poser beaucoup de questions à mon sujet." Comme tout être humain, il use de ficelles connues pour justifier sa venue, ficelles qu'il aura apprises avec les cristaux transmis par son père, ceux-là même qui contiennent toute la connaissance du monde. Bref, il ne s'agit donc pas officiellement d'un rendez-vous, mais d'une interview ! Et nous allons avoir une démonstration éclatante du professionnalisme de Loïs Lane dans cet exercice. Alors qu'ils s'assoient pour commencer, l'homme d'acier recule galamment la chaise de Loïs pour lui permettre de prendre place plus confortablement. Les deux personnages ne font déjà plus mystère du fait que, sous la version officielle de l'interview, se cache en réalité un rendez-vous tout ce qu'il y a de plus concret.

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    La séquence offre dès lors un jeu jouissif entre l'interview, et le professionnalisme de la retranscription des faits qu'il requiert, et la décontraction ("C'est sympa chez vous", glisse Superman), la légèreté romantique de la découverte mutuelle des deux personnages. Ainsi, Loïs débute l'entretien en remplissant la fiche d'identité de Kal-El ; lui demandant s'il est marié, a une petite amie, des "informations vitales", on en est conscient, pour tout lecteur lambda du Daily Planet ! Les réponses de l'homme d'acier ne sont pas exemptes de sous-entendus : alors que Loïs le questionne sur son âge, il réponds "plus que 21 ans", soit l'âge de la majorité aux Etats-Unis, où un individu est responsable de ses actes et libre de tout faire, y compris entretenir une relations intime avec une autre personne consentante. L'intervieweuse continue dans la voie d'une grivoiserie insoupçonnée en osant un "How big are you" (question pouvant tout à fait se rapporter à la taille du membre viril de son super-homme), qu'elle ravale comme un lapsus en rectifiant par un plus sage "How tall are you", quelle taille faites-vous). Les réponses du surhomme, annonçant des proportions tout bonnement épiques, n'ont de cesse de titiller la curiosité de la dame vers une investigation plus poussée, qui lui fera notamment dire "J'imagine donc que le reste de vos fonctions corporelles sont normales... en termes plus délicats... Est-ce vous... -puis s'arrêtant devant une proposition trop osée- mangez ?". La compatibilité sexuelle des deux tourtereaux semble acquise, et leur désirs concordant, dans une joute verbale qui a des airs de danse pré-nuptiale.

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    Le jeu continue, suivant le fil des questions (impertinentes) de Miss Lane. Ainsi, pour avoir la preuve que notre homme en bleu et rouge voit à travers n'importe quelle élément physique, elle lui demande simplement de décrire la couleur de ses sous-vêtements ! La séquence s'équilibre donc constamment entre la description des pouvoirs du surhomme -ici, on apprend que seul le plomb peut brouiller sa super-vision, Loïs se tenant à cet instant devant un pot de fleurs constitué du fameux métal-, et la romance naissante entre les deux personnages, parfaitement synthétisées par un dialogue digne des meilleures comédie à l'américaine de l'âge d'or. La mise en scène laisse s'exprimer en gros plans les deux acteurs, dont les expressions pleines d'espièglerie enfantine, et de gêne devant la découverte de leurs sentiments ne font aucun mystère de leurs intentions respectives. Les arrières-plans, uniquement composés de transparences ne cachant rien de leur artificialité, confèrent à la scène des allures de rêveries, encore renforcées dans la partie du vol, et par la photo volontairement floutée de Geoffrey Unsworth qui nimbe tout le film. En point d'orgue de cette fabuleuse entrevue pleine de sous-entendus, Lane lancera, au beau milieu d'un épellation du mot Krypton, un simple "Do you like pink ?" - la couleur de ses sous-vêtements, donc-, qui contient  toutes les autres questions importantes qu'on se pose lors d'une rencontre.

    La suite

  • Star Trek : Générations (1994)

    Un film de David Carson

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    Les scénaristes Ronald D. Moore et Brannon Braga ont eu fort à faire en se chargeant du scénario de ce septième épisode cinématographique de la franchise Star Trek. L'objectif : faire se rencontrer les capitaines des deux vaisseaux Enterprise, l'historique James T. Kirk (Star Trek : la série originale, 1966-1969) et le capitaine Picard (Star Trek : The Next Generation -TNG-, 1987-1994), stars des deux séries créées à 30 ans d'intervalle par Gene Roddenberry, et ainsi mettre un point final à la carrière de Kirk. Alors que Kirk et son équipe d'irréductibles ont fait partie des six premiers films cinéma de 1979 à 1991, il s'agit du premier avec l'équipage de TNG. A l'époque, Star Trek connaît un pic de popularité sans précédent : TNG connaît un si grand succès que d'autres séries verront le jour dans son sillage : Deep Space Nine en 1993, puis Star Trek : Voyager en 1995. Lors de la sortie du film, accompagnée par un battage médiatique sans précédent pour la franchise, William Shatner (Kirk) et Patrick Stewart (Picard) posent ensemble pour la une du Time : c'est historique. Ronald Battlestar Galactica D. Moore et Brannon Braga sont déjà scénaristes depuis plusieurs années sur la série TNG quand ils se voient confier leur périlleuse mission, qui constitue donc leur première incursion sur un film cinéma. Les difficultés subsidiaires du projet sont également de présenter au public non averti de nouveaux personnages, sans pour autant ennuyer les fans qui les connaissent par cœur. 

    Dans l'univers Star Trek, la série originale et TNG sont distantes de 78 ans. Toute la question tourne autour de l'astuce à employer pour réunir les deux personnages centraux. Le voyage dans le temps, utilisé à de nombreuses reprises, ne sera pas privilégié, au profit d'une invention un brin compliquée qui, si elle constitue le centre du film, en est également sa principale faiblesse. 

    L'axe principal du film, rassemblant deux générations de capitaines (et de fans, donc), est le temps. Si le film commence au temps de Kirk vieillissant, visitant pour la première fois un vaisseau Enterprise dont il ne sera pas capitaine (amusants dialogues entre Kirk, Scottie et Chekov). On y voit Kirk se sacrifier alors que le vaisseau est absorbé par un phénomène spatial, puis l'on passe rapidement "78 ans après" où l'Enterprise devient ... un bateau datant de l'ère de la piraterie, costume d'époque compris. Jouant de l'analogie entre l'esprit naval (très présent sur les films, moins sur la série originale), les scénaristes imaginent une sortie de l'équipage de Picard dans le Holodeck, cette salle du vaisseau Enterprise qui peut recréer à loisir n'importe quel environnement. Cette séquence permet de tracer une chronologie de l'Enterprise, plusieurs vaisseaux portant le même nom au fil du temps, constituant un lien indéfectible entre les époques. La contradiction entre aspect futuriste et artefacts anciens donne tout son sel à la séquence, et dévoile également une des constantes du film : être là où on ne l'attend pas.

    Le temps, c'est également l'obsession du méchant du jour, Soran (Michael McDowell, excellent comme toujours) ; il recherche l'immortalité après avoir goûté aux délices du Nexus, cet endroit en dehors du temps où l'on ne vieillit pas. Chacun y recrée par la pensée son univers idéal, ce qui donne une séquence totalement décalée sur le capitaine Picard, débordante de mièvrerie. Celle sur Kirk est encore moins réussie, Picard le découvrant coupant du bois et faisant la cuisine... Si le Nexus ressemble fort à une vision du Paradis chrétien, il est également inutilement embrouillé dans sa représentation cinématographique car on doit y aller (première gageure) et pouvoir en revenir (alors là...), alors même que l'espace n'y a, pas plus que le temps, aucune importance : la seule pensée nous déplace dans le temps et dans l'espace. Les deux scénaristes, dans leurs commentaires audio des années après la sortie du film, en conviennent facilement : ils n'ont pas pris le meilleur parti du concept de base.

    Pas évident donc, de s'y retrouver, même si des bonnes surprises surnagent : un humour bienvenu, notamment grâce à l'excellent personnage de Data (Brent Spinner), équivalent de Spock dans la nouvelle série, puis aux collègues de Kirk au début du film, qui tranchent avec la droiture de Picard. Le temps, l'espace, la mort, la fin de Kirk... Trop d'éléments à digérer pour un seul film, qui s'égare dans des séquences voulue tellement "originales" qu'elles sont incongrues. La mort de Kirk est ainsi traitée en mode mineur, malgré un reshoot d'envergure (il devait succomber d'un coup de feu de pisto-laser dans le dos, asséné par Soran!). Bref, trop d'enjeux ont tué ce Générations, qui devait pourtant redonner un nouveau souffle à la saga, en abandonnant d'ailleurs la numérotation des précédents films. Malgré les bonnes scènes du crash ou encore de la carte stellaire, un résultat bien moyen. Anecdote parlante de la bouche des scnéaristes : travaillant au même moment sur le scénario du double-épisode final de TNG, All Good Things, ils trouvent ce dernier... bien meilleur !

  • Trilogie Quatermass, 3ème partie : Les monstres de l'espace (1967)

    Un film de Roy Ward Baker

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    "We are the martians now !" 

    Quatermass and the Pit renoue avec le bon docteur et ses aventures fantastiques 10 ans après le deuxième volet cinématographique, La marque ; dans le laps de temps, beaucoup de changements se sont opérés, dans le monde du cinéma et pour la firme Hammer qui produit le film. Ainsi, l'on passe du noir et blanc à la couleur, signe distinctif des productions Hammer à partir de Frankenstein s'est échappé (Terence Fisher, 1957). Le moustachu Brian Donlevy, auparavant interprète froid et colérique du personnage principal, est remplacé par Andrew Keir et sa barbe épaisse mais taillée avec soin, qui donne une toute autre tonalité au rôle : plus chaleureux, il apparaît plus humain, se souciant de protéger le plus grand nombre de découvertes potentiellement explosives, jusqu'à l'épuisement total. Il tente toujours, comme dans les deux autres films, de défendre son projet lunaire, devant des représentants du gouvernement qui n'affichent pas une once d'intérêt. Contrairement à son prédécesseur, il n'est ici que le second rôle, la tête d'affiche étant tenu par James Donald (Le pont de la rivière Kwaï, David Lean, 1957, La grande évasion, John Sturges, 1963), qui interprète le scientifique conduisant les recherches. Ultime Hammer Girl, Barbara Shelley incarne son assistante. L'abbaye de Westminster, après avoir été le théâtre du climax du premier film, trouve encore ici sa place.

    On retrouve au scénario Nigel Kneale, créateur du personnage, qui signe ici l'histoire la plus ambitieuse de la trilogie, les implications des découvertes excavées d'une bouche du métro londonien allant très, très loin. 

    Quatermass intervient alors qu'au coeur de Londres, dans la station Hobb's End, sont retrouvés des squelettes humanoïdes. Ils s’avéreront être ceux des ancêtres des hommes, aillant foulés la Terre il y a des millions d'années. Face au scientifique qui a la charge des recherches, s'oppose rapidement l'armée, qui déterre un objet au fuselage bleu d'apparence métallique qu'ils prennent pour un missile... celui-ci devant être désarmé.

    La multitude de personnages, l'opposition des forces en présence, puis la menace potentielle de l'artefact découvert porte clairement le film sur le terrain du genre catastrophe, dont l'âge d'or ne débutera qu'à l'orée 1970. Les monstres de l'espace brille notamment par une scène de bousculade d'anthologie dans le dernier tiers, la presse et le public ayant été conviés dans la bouche de métro, au moment où se produit un phénomène destructeur. 

    Pas effrayé par l'ampleur de la narration, Kneale remonte tout simplement aux origines de l'humanité pour chambouler la tradition darwiniste. Ouvrant sur une intrigue d'une rare richesse, Kneale introduit des créatures présentes sur Terre depuis des millénaires, faisant évoluer l'homme -ou expérimentant sur les autralopithèques - vers ce qu'il est aujourd'hui, les aliens étant aussi responsable de toutes les superstitions du monde. Magie, sorcellerie, esprits frappeurs : les thèmes du film nous rappellent à quel point les responsables de la Hammer étaient versés dans l'occulte, eux qui sortiront l'année suivante un des chef-d’œuvre de Terence Fisher, Les vierges de Satan (The devil rides out). Comme dans le premier film, une des clés du mystère sera dévoilée lors d'une projection de film retrouvé, qui laisse cependant voir des effets spéciaux d'une pauvreté sans appel. Ce sera malheureusement là où le bât blesse durant tout le film, les révélations tonitruantes du film étant très souvent désamorcées par une cassure de la suspension d'incrédulité particulièrement chère au cinéma fantastique. Roy Ward Baker n'a cependant pas démérité en livrant un spectacle cohérent avec les deux autres opus de la saga,  et et ne manquant pas d'émouvoir -la musique stressante de James Bernard étant ici remplacée par celle de Tristram Cary, plus mélancolique et tragique. Bref, un Hammer film comme on les aime, old school mais pas dépassé.