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L'orphelinat (2008)

Un film de Juan Antonio Bayona

3398337666_fa70ed17f4_m.jpgL’Espagne est la terre promise du cinéma fantastique actuel. Ce premier film en est la nouvelle preuve, alignant sur un canevas classique de maison hantée un drame familial et personnel assez réussi.

Film de fantômes sans fantômes, L’orphelinat utilise nombre de concepts déjà vu : le pouvoir hautement anxiogène des poupées, marquant car figeant dans une immobilité mortuaire les figures de très jeunes enfants ; une maison de bois aux multiples recoins dont l’imposante façade rappelle Psychose (Alfred Hitchcock, 1960) ; l’usage de la parapsychologie afin de mettre au jour les esprits vadrouilleurs, entouré d’un dispositif technique élaboré (évoquant L’emprise de Sidney J. Furie ou L’exorciste II de John Boorman). Les caméras installées dans toutes la maison, déjà vu dans le bon La chambre du fils -non, pas celui de Moretti, mais bien le segment de l’anthologie Historias para no dormir, réalisé par Alex de la Iglesia), instaure la volonté de multitude de points de vues, voir plus, voir mieux, et aussi de déceler l’invisible dans le visible. Les caméras, avec leur vision infra-rouge, rendent l’environnement habituel fantastique et cauchemardesque, un moment dans l’espace où l’immatérialité du rêve peut prendre une forme tangible. On a récemment vu le même procédé -avec les mêmes résultats- dans la dernière partie de [REC], du duo Balaguero-Plaza. Ceci dit, L'orphelinat ne propose pas, à l'image de [Rec], une idéologie du visible, tout montrer (et tout démontrer) pour faire naître la peur ; il préfère laisser le soin au design sonore (les cris d’enfants, les tocs-tocs dans les cloisons, les grincements métalliques) de provoquer l’imaginaire du spectateur, qui crée de lui-même les manifestations physiques qui découlent de l’ambiance environnante. Délaissant une approche démonstrative du fantastique (à base de maquillages horrifiques et de grand-guignolesques apparitions fantômatiques), le film surfe sur un malaise psychologique, celui de Laura, hantée par la perte de son fils. Thématique clé du genre, qu’on avait suivi avec terreur dans le tétanisant La secte sans nom (Jaume Balaguero, 1999). En minimisant les plans d’horreur graphique, le film a su également s’attirer un public différent, beaucoup plus large que son genre ne lui laissait présager (il est aujourd’hui le film le plus vu au cinéma en Espagne).

On assiste dans le film à une véritable régression : la volonté de Laura, de retourner dans cet orphelinat qui a bercé son enfance et dont elle garde un excellent souvenir, opère comme un retour en arrière, un retour aux sources pour solutionner un problème existentiel. On remarque ainsi que le film, ainsi  que d’autres exemples du cinéma fantastique espagnol (Ouvre les yeux, Les autres, A louer, Fragile), sont ancrés dans le passé, avec aucun espoir pour le futur, pour une résolution qui amènerait les personnages à mieux vivre leur existence après les événements survenus. Laura est tout de même très combative dans sa quête, dont l’extrémisme peut passer pour de la folie pure. Elle ressemble à ces héroïnes très fortes dont la Ripley d’Alien reste le parent commun. Son parcours, laissant peu à peu de côté son mari, rappelle celui de La chambre du fils - encore lui-, mais dans son opposé parfait : le film de Alex de La Iglesia voyait le mari délaisser sa femme, l’homme se faisant contaminer par une paranoïa sur la caractère maléfique de leur nouvelle demeure.

Hormis ces caractéristiques somme toute classiques du genre, on trouve que l’ensemble marche plutôt bien, et l’idée du jeu de piste d’indices à la Amélie Poulain version flippant est vraiment efficace : là encore, la "preuve" du fantastique n’est pas amenée par des apparitions éthérées, ou des manifestations clairement dues à un élément surnaturel, mais jaillit de la matérialité la plus entière. L’orphelinat est donc une réussite, cependant peut-être trop héritière de certains lieux communs du genre.

Commentaires

  • C'est très efficace, parfois un peu trop avec cette mise en scène qui en rajoute beaucoup à l'image et sur la bande son. Mais le récit nous tient, jusqu'à un dénouement "tout bête" et d'autant plus gonflé et déchirant.
    Que ce film de genre de bonne facture soit le plus gros succès qu'ait connu le cinéma espagnol laisse songeur au pays des "Bronzés 3" et des "Chtis".

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