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La fille de Ryan (1970)

Un film de David Lean

Dès les premiers instants du film, on est littéralement saisi. Transporté par la beauté magistrale de cette côte irlandaise, de cette plage de sable fin et de cette eau turquoise qui semble baigner tout le cadre. Dégageant un lyrisme et un romantisme certain, ces couleurs convoquent le souvenir des films de Douglas Sirk, souvent soutenus par les teintes d’un flamboyant Technicolor.

Histoire d’amour sur fond de 1ère guerre, récit sur la perte de l’innocence, La fille de Ryan subjugue d’abord par l’adéquation entre le fond et la forme. Cette plage irréelle, véritable paradis, symbolise les espoirs de la jeune Rosy, amoureuse de son maître d’école... qui, contre toute attente, ne va pas poser beaucoup de problèmes pour la prendre pour femme. Rosy est donc déjà sous le coup d’un interdit dans son petit village traditionnel, mais, au moins, elle a ce qu’elle désirait. Ou plutôt... elle ne sait pas vraiment ce qu’elle veut. Son père dit d’elle, dès le tout début, qu’elle a "tous ces hommes dans sa tête", et se rendra compte lors d’une discussion avec sa fille à quel point elle est désorientée.

Son rêve n’est pas vraiment conforme à son idéal, tel son amour de Professeur, qui prendra 30 secondes de la nuit de noces, pour lui faire découvrir les joies (fatiguées) de l’amour charnel. De son plein gré, elle s’est enfermée dans une vie qui ne lui plaît guère, elle, pleine de l’insouciance et de la vigueur de la jeunesse. Lorsqu’un nouveau major anglais arrive dans le campement proche du village, elle décidera de se tourner vers lui pour obtenir une plus grande satisfaction, et faire prendre corps à son rêve, déçu jusque là. Elle entérine alors un nouvel interdit, car son village est un nid de résistance face aux anglais, et cette liaison est signe d’une trahison manifeste pour les esprits échauffés par la bière que sont les habitants de ce bourg perdu. Les trajectoires, décisions des personnages se font soit dans l’inconscience des conséquences, à l’image de Rosy, ou, à l’inverse, dans la trop grande conscience des effets de ces actions, comme Ryan, le père de Rosy, qui, comble de la contradiction, permet à la fois à la résistance de triompher dans un premier temps, puis à la police d’arrêter lesdits résistants.

Ryan, entre deux eaux, car à la fois informateur des anglais et digne serviteur de la résistance, occupera cette double tâche jusqu’au bout de notre histoire. Le personnage du major est aussi intéressant, tout en silence, traumatisé par les horreurs de la guerre passée au front, exprimant un besoin de réconfort tel, que la scène de sa rencontre avec Rosy est comme un éclair dans sa nuit.


Les tonalités de couleurs accompagnent, soulignent les états d’âme de la jeune Rosy, passant de franches couleurs éclatantes lors de ces doux moments à des teintes grisâtres lorsque la réalité reprend le dessus, notamment dans toutes les scènes au village. On a une opposition caractéristique entre la côte et son étendue d’eau semblant se poursuivre à l’infini, lieu de tous les espoirs, possibilité d’évasion par le corps ou par l’esprit, et le village boueux et rempli de qu’en dira-t-on et de méchantes commères (les filles de joie), se refermant comme un cachot derrière les aspirations romanesques de la jeune fille.

Un personnage du village, ceci dit, est une bête magnifique, un quasimodo simplet, qui joue un fou du roi à la perfection et constitue le réceptacle de la haine viscérale des villageois envers la différence, l’altérité. La relation qu’il nouera en pointillé avec Randolph Doryan, le major anglais, est touchante dans un effet de vérité surprenant.

Péchant cependant par trop de longueurs, les errements de Rosy, du maître d’école (très bon Robert Mitchum, qui a sûrement la plus grande scène du film, celle où il est le témoin fantasmé de la ballade de sa femme et de son amant sur la plage) et du major naviguent encore longtemps dans les esprits après sa vision. Preuve, s’il en est besoin, de sa puissance d’évocation.

Commentaires

  • Très bonne critique de ce film que je viens de voir pour la première fois. Et pourtant, j'en ai vu des films.

    Je suis d'accord, quelques longueurs, notamment dans la deuxième partie.

    Mais j'ai été époustouflé par 2 choses, outre, bien sûr, la patte de David Lean, sa maîtrise et son style grandioses.

    D'abord, Sarah Miles, prodigieuse. Ce n'est pas une actrice, c'est le diable.

    Ensuite et surtout, les deux scènes d'amour, celle du 1er baiser dès la 1ère rencontre, et la scène d'amour physique dans la forêt. Ces scènes ont toute leur place dans une anthologie du cinéma, surtout la première vraiment extraordinaire. A tomber assis par terre.

    Dans cette excellente critique, un point, à mon avis, mérite d'être rectifié : elle ne décide pas de se tourner vers l'officier anglais pour obtenir une plus grande satisfaction, ce qui semblerait impliquer une démarche réfléchie et consciente de sa part. Elle est emportée instantanément, dans sa naïveté, par une passion fulgurante.

  • Bonjour jouvin, bienvenue sur le blog.

    Longtemps après avoir découvert ce film pour la première fois, j'en garde un souvenir vivace, notamment de la scène du "rêve" de la plage (image en entête de l'article). La beauté plastique du film reste gravée dans mon esprit, mais également son ton si particulier, centrée sur le personnage féminin joué par Sarah Miles. Vous avez raison pour votre dernier point, il ne s'agit pas d'une décision réfléchie (on a l'impression qu'elle fait tout à l'instinct, poussée par une terrible envie d'autre chose).

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