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60's - Page 7

  • Chitty Chitty Bang Bang (1968)

    Un film de Ken Hughes

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    Adaptation d'un roman de Ian Fleming, commandé par le producteur Albert R. Broccoli (déjà à l'origine de la saga James Bond du même auteur), ce film au titre improbable se veut la reproduction du succès de Mary Poppins, sorti en 1964. S'attèlent donc au projet les frères Sherman (Robert B. & Richard M.), déjà responsables des plus belles chansons de Disney, notamment pour le magnifique Livre de la jungle (1967). Les chansons de Chitty Chitty Bang Bang, sans être aussi mémorables que les meilleures Disney, sont tout à fait dans le ton, tantôt enjoué jusqu'à l'euphorie la plus absolue (souvent), puis tristes et mélancoliques, comme la chanson de la dame aux pigeons dans Mary Poppins. La ressemblance entre certains airs est assez frappante ; la chanson-titre réussit même à s'imposer durablement, à l'image de cette ritournelle qu'on entend en boucle dans les parcs Disney (et qui rend fou !), "It's a small, small world..." 

    Mais ce n'est pas tout : les numéros musicaux, nombreux, sont chorégraphiés par Marc Breaux et Dee Dee Wood, tous deux occupant déjà ce poste sur Mary Poppins. Et il n'est pas exagéré de voir que des passages entiers sont repris à l'identique (le "ballet des balayeurs" renvoyant à la chorégraphie des ramoneurs bondissant sur les toits), malgré la réussite visuelle du spectacle.

    Enfin, le rôle principal n'est attribué à personne d'autre qu'à Dick Van Dycke, fabuleux ramoneur artiste dans... Oui, toujours Mary Poppins. Mais il occupe cette fois le premier rôle, et c'est une bonne idée, tant ce comédien à la gestuelle inspirée a été sous-employé par la suite. Il incarne ainsi Caractacus, un inventeur fantasque qui élève seul ses deux enfants. On croisera d'ailleurs lors d'une scène une machine à faire le petit-déjeuner dont s'est manifestement inspiré Tim Burton pour Edward aux mains d'argent en 1992 (l'appareil à fabriquer des cookies de Vincent Price). Caractacus va acquérir une voiture, une véritable épave, qu'il retape pour en faire un petit bijou coloré.. et magique. Et, comme il est bon conteur, il embarque ses enfants et la fille d'un riche industriel dans un univers loufoque. 

    Doté d'un budget confortable, le film fait montre d'une richesse de tous les instants (décors, tournage en Allemagne et en France, figuration nombreuses, guest stars, film tourné sur pellicule 70mm Todd-Ao), qu'il met cependant rarement au service de la mise en scène. Pour preuve, la vision du transfert massacré par MGM (16/9 2.20 recadré en 1.33 4/3!) ne gêne pas outre mesure : pas de tête coupée, d'action significative absente du cadre.  

    Le cœur scénaristique de l'affaire est assez maigre, le fil rouge consistant à échapper au sbires de Vulgarie, qui veulent bec et ongles la voiture de Caractacus, Chitty Chitty Bang Bang (oui, le titre improbable provient du son caractéristique produit par la voiture, et, par extension, devient son nom). Le film est découpé assez clairement en trois parties égales, les trois premiers quart d'heures étant dévolus à la présentation des personnages et leur rencontre, la deuxième partie montre le début du voyage fantastique avec la fabuleuse auto (appuyé avec force chansons euphoriques), le troisième acte étant plus sombre, nos amis capturés par l'infâme roi de Vulgarie -Gert Fröbe, le Goldfinger de James Bond. Manifestement, c'est le second acte qui pêche, épuisant les oreilles et allongeant la trame déjà fine.

    La dimension onirique -les deux tiers du film n'étant q'une histoire racontée par Caractacus- déjoue les enjeux du films, devenant nuls. Le délire ambiant, alignant des séquences au gré du vent, sans réelle progression, préfigure Les aventures du Baron de Munchausen (Terry Gilliam, 1988), en même temps qu'il copie, encore une fois, la structure de Mary Poppins, aujourd'hui encore le plus long film jamais produit par la firme aux grandes oreilles (2h15). Certains numéros musicaux sont tout de même magnifiques (la danse pour le roi de Vulgarie), et les décors du château d'Allemagne pour la dernière partie sont excellents. L'apparition de Benny Hill, loin du rôle comique auquel il devra sa célébrité, aux accents pittoresques bien placés, est aussi très réussie. 

    Cherchant à reproduire un film qui avait été un succès mondial, Chitty Chitty Bang Bang n'a pas connu la même carrière, mais mérite d'être redécouvert aujourd'hui (dans une copie au format, si possible, le blu ray sortant courant février 2011), même s'il n'a pas le même impact intemporel que son modèle, malgré une reprise récente pour la scène, à Broadway.

  • Avec Django, la mort est là (1968)

    Un film de Antonio Margheriti

    5158895888_57a841981b_m.jpgAussi appelé Vengeance, ce titre, signé par Margheriti sous le pseudo de Anthony Dawson, embraye le pas au Django originel de Sergio Corbucci. Sa parenté avec ce dernier doit être levée, fruit de la traduction française ; le héros de Vengeance s'appelant Joko (on voit d'ailleurs ses initiales sur sa valise). Dans d'autres pays, il sera nommé Rocco ou Roko. Il s'agit donc d'un faux Django parmi d'autres, légion après le succès du film de Corbucci. Dans le rôle de Joko, Richard Harrison joue lui aussi un double de Clint Eastwood dans les films de Leone, le modèle entre tous, comme Franco Nero dans Django. Ce dernier avait malgré tout un charisme bien supérieur à Harrison, qui n'a que la barbe naissante, la peau basanée et un costume de cuir pour rivaliser : c'est maigre, mais déjà ça. Un des personnages principaux de l'intrigue n'est autre que Claudio Camaso, le frère de Gian Maria Volonte (il entretient une ressemblance certaines avec son parent). On essaye ici de trousser un double d'un autre film, les éternelles sources d'inspiration étant Corbucci et Sergio Leone.

    Il sera donc question de vengeance ici, oui ma bonne dame. Des mauvais mexicanos ont troué la peau des pote à Django et ce dernier se fait un devoir de leur rendre un dernier hommage par le sang. Ce qui n'est tout de même pas mal, c'est que le héros et ses "copains" décédés -d'après une ligne de dialogue en français, magnifique : "Il a tué mes copains. Et il va le payer de sa vie" sont tout de même déjà des crapules finies, prises aux piège lors d'un casse. Les tueurs que poursuit Django sont donc, encore plus qu'eux, de salauds irrécupérables et sadiques !

    Les décors, loin des espaces colorés (rouges, orangés, ciel bleu azur) des films américains, sont comme délavés (ou alors, autre possibilité, c'est la copie qui l'est, celle proposée par Seven 7 sur le DVD n'étant pas de première jeunesse), terreux, d'ungris uniforme. La mort semble déjà avoir fait son œuvre dans le village où atterrit Django. Comme le disent les autochtones, "les seuls divertissements du coin sont les enterrements". Et Django va leur en donner... Ce dernier, dans sa quête de vengeance, n'hésite pas à revêtir l'étoile de shérif, uniquement dans le but de descendre un chef de bande impliqué dans la mort de ses compagnons. Sitôt le boulot accompli, il rendra son permis de tuer. Rusé, aussi taciturne et laconique que l'Homme sans nom, il traîne sa carcasse à  travers un pays désolé dans lequel il pourrais bien mourir : rien ne semble compter si ce n'est son sombre dessein. Jane, une prostituée qui joue de la guitare, se rapproche de lui mais il n'est pas sensible à ses charmes ; de là à se demander quels liens unissaient vraiment la bande d'amis, il n'y a qu'un pas, d'autant que, dans le flash-back réglementaire (passage obligé du genre expliquant les tenants et aboutissants de l'intrigue), on voit que le jeune Ricky intéresse Mendoza, le troisième larron, de façon autrement qu'amicale. Les liens qui les unissent sont donc forts, ils le seront encore dans la mort.

    Il est amusant de voir cité à tour de bras un côté fantastique dans ce western qui n'en contient … aucun ! Un décor un tant soit peu original (les tréfonds d'une mine de soufre) n'ayant jamais invoqué une atmosphère fantastique à lui tout seul. Ce dernier, tout de même, est bien photographié et propose un final original à la tuerie rédemptrice du héros. En effet, si dans un premier temps, il a l'air autant à la poursuite des tueurs que du trésor qu'il a volé avec ses compères, on s'aperçoit vite qu'il a juste soif de vengeance.

    Le métrage est souligné par une musique fort peu inspirée de Carlo Savina, qui, une foid encore, tente de pomper l'univers de Leone. Avec ses instrumentations minimalistes (dès que la tension survient, un petite suite de notes gratées à la guitare, toujours identique, vient nous prévenir, sans démontrer de talent mélodique, au contraire des chants de Morricone. Lors des scènes plus enlevées (passage de diligence, course dans les grands espaces), l'accompagnement musicale devient une sorte de cavalcade qui crie "vengeance". Tout cela est finalement assez marrant si on l'attaque au second degré. Loin d'être une grande réussite du genre, on ira plutôt revoir un Tire encore si tu peux ou Le dernier face-à-face, réalisés à la même période par Giulio Questi et Sergio Sollima.

  • L'Arrangement (1969)

    Un film de Elia Kazan

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    D'Elia Kazan, nous n'avons vu que Baby Doll (1956) et Un tramway nommé Désir (1951). Ces deux films ont pourtant suffi à imposer l'image forte d'un réalisateur sensible, dépeignant sans concessions des univers où l'homme semble comme prisonnier de ses propres aspirations. Devant L'arrangement, l'on est instantanément saisi par la même puissance, les frustrations et l'indécision minant la psychologie d'un homme à qui tout, pourtant, semble réussir... sauf pour l'essentiel, peut-être. Mais quel peut-il être ? 

    Un publicitaire de renom crashe sa voiture dans un tunnel, en s'engouffrant sous un camion. Cette scène inaugurale pose les bases du sentiment d'enfermement dont le personnage (Kirk Douglas) veut se défaire, au péril de sa propre vie. Sa voiture étant cernée  par des camions de part et d'autres lui bouchant toute perspective, il comprend que son rêve de vie, sa véritable aspiration, lui ont échappées, lui qui voulait devenir écrivain et finit par composer des slogans publicitaires pour faire croire qu'une cigarette Zéphyr ne donne pas le cancer.

    Le film, débutant quasiment par cette scène, semble ainsi se dérouler à l'envers. Cette tentative de suicide sonne comme la fin d'un film déjà entamé, dont l'élément perturbateur a eu lieu bien avant. Et cet élément, central dans la dramaturgie ne prend par la forme d'une action, d'un accident, mais prend corps dans une personne : celle que va rencontrer Douglas (Gwen, jouée par Faye Dunaway), qui l'éloigne de sa vie bien ordonnée, aux côtés de sa femme (Deborah Kerr) et d'un boulot bien vu. Le rythme du film, tout en allez-retours temporels parfois dans la même image, illustre le labyrinthe psychologique de Eddie. Comme pour la scène où, alors au lit avec Deborah Kerr, il a des flashs de Faye Dunaway, cette dernière, le rêve, le fantasme de réalité, l'excitant beaucoup plus que celle qu'il est en train de vivre. 

    Kazan est assez proche de la sensibilité du romancier Tennessee Williams, les quatre collaborations artistiques entre les deux hommes en étant la preuve. On retrouve dans ce film la torture psychologique subie par le personnage central, à l'image du prêtre défroqué dans La nuit de l'Iguane (John Huston, 1964), ou le jeune Brick (Paul Newman) dans La chatte sur un toit brûlant (film de Richard Brooks sorti en 1958, d'après la pièce d'abord mise en scène par Kazan). Gratter le vernis de la réussite sociale, qui n'a de réussite que l'image globalement acceptée et valorisée par la société, là est le cheval de bataille de Kazan pour ce film-ci. Eddie n'en peut plus et erre à le recherche de son identité. Car l'arrangement du titre, Deborah Kerr fermant les yeux sur la liaison de son mari, n'était pas la solution.

    Kazan adapte son propre roman, très reconnu ; et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a mis beaucoup de lui. Le film est à l'identique : un passage de son film autobiographique, America, America (1963) est discrètement inséré pour illustrer le parcours du héros. Voulant Brando pour le rôle qu'il refuse, Kazan ne sera jamais satisfait de la performance de Kirk Douglas. Il jouait là peut-être beaucoup plus qu'il ne le voulait ; rempli d'une maîtrise formelle évidente et signé de la patte d'un vrai cinéaste. Malgré cela, on n'a pas l'impression de regarder un film complet ; fragmenté, ne donnant certes pas toutes les clés et constamment surplombé par une amertume inconfortable, la forme du film épouse la personnalité torturée du personnage, et que dans le même temps le projet cinématographique ne fonctionne pas. Les critiques n'ont pas été tendres avec le film, avec raison pensons-nous. Tout est là sans que l'alchimie fonctionne : acteurs, budget, scénario... Mais Kazan n'est pas là pour donner de solution, et c'est peut-être cela qui est frustrant.

  • Colorado (1966)

    Accédez à la chronique du film de Sergio Sollima, Colorado (La resa dei conti).

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  • Ciné d'Asie : Le sabreur solitaire (1969)

    Un film de Chang Cheh

    4747694939_1db9c96eb0_m.jpgHave sword, will travel (Bao Biao dans son idiome d’origine) marque la première collaboration de Ti Lung et David Chiang chez Chang Cheh. Ils incarnent deux épéistes émérites qui, au fil de leur rencontres, s’évertuent à se tester pour connaître leur limites respectives, et pour savoir qui de l’un ou de l’autre a l’ascendant. Il apparaît très rapidement que David Chiang, le sabreur solitaire du titre, est très supérieur à Ti Lung dans le maniement des armes ; dans la réalité, ce serait plutôt l’inverse, les deux combattants ayant chacun de réelles aptitudes au combat. La rivalité martiale cache en fait un affrontement sur le terrain sentimental, Li Ching, la promise de Ti Lung, trouvant très à son goût le vagabond qu’est David Chiang ; ce qui semble réciproque. Semble, car ce dernier, chevalier errant mutique (le titre anglais traduit les intentions de Chiang : un professionnel itinérant transportant ces propres outils et offrant ses services) est guidé par sa seule honnêteté qui s’adjoint mal d’être aidé par qui que se soit. Refusant systématiquement toute assistance, il n’a pour lui que sa pauvreté (à part son cheval, qu’il vendra pour se nourrir, et son épée, son "outil de travail"). Le triangle amoureux ainsi formé se reconstituera quelques années plus tard pour le baroque La rage du tigre (The New One-Armed Swordsman, Chang Cheh, 1971), avance lentement mais sûrement, les deux hommes étant en posture antagoniste. Si la femme est au centre du triangle, ce ne sera plus le cas dans La rage du tigre, où David Chiang occupe cette place.

    Déambulant dans la campagne chinoise, approchant par nécessité deux camps opposés, la démarche du sabreur solitaire épouse celle de l’homme sans nom dans Pour une poignée de dollars (Sergio Leone, 1964), même s’il n’est pas guidé par l’appât du gain. Cette attitude, ainsi que la nature même du personnage est directement influencé par les westerns italiens de Leone, Le sabreur solitaire en proposant sa propre lecture. Sa réserve et son talent martial, jaillissant en un éclair, ne peut que mettre tout le monde d’accord (les personnages comme le spectateur). Doté d’une gestuelle fine, coulée, mais sans arabesques inutiles, David Chiang esquisse un personnage fort, bluffant mais pas flamboyant : rentré, tout en intériorité, le visage souvent crispé voire neutre, il serait presque désincarné sans la tendresse qu’il prodigue à son cheval, un excellent animal qui dénote avec son rang social tout en révélant son véritable potentiel, une position sociale fantôme qui transparaît lorsqu’il combat. Ainsi, le chef du clan des bad guys (l’éternel Ku Feng) lui fera remarquer qu’il ne comprend pas sa situation de pauvre hère, lui qui est si doué et pourrait en tirer autrement plus de profit. Son honnêteté, qui justifie cet écart, en fait un personnage incorruptible, mais désigne bien dans le sous-texte que seuls les voleurs et les brutes font du profit et deviennent importants. Facile, mais bien amené par l’interprétation de David Chiang, excellente.

    Les affrontements, nombreux, sont filmés énergiquement, flots d’hémoglobine généreux compris. On retiendra surtout la bataille finale, dans une tour à sept étages, chaque niveau dissimulant une horde de guerriers aux armes variées ; le principe sera repris dans l’inachevé Le jeu de la mort (Robert Clouse, 1978), le dernier film de Bruce Lee.

    Film séminal de Chang Cheh, Le sabreur solitaire contient en germes tout un pan de la carrière prolifique du réalisateur (allant jusqu’à tourner 9 films par an !). Une découverte qui s’imposait.