Un film de Roy Ward Baker
"We are the martians now !"
Quatermass and the Pit renoue avec le bon docteur et ses aventures fantastiques 10 ans après le deuxième volet cinématographique, La marque ; dans le laps de temps, beaucoup de changements se sont opérés, dans le monde du cinéma et pour la firme Hammer qui produit le film. Ainsi, l'on passe du noir et blanc à la couleur, signe distinctif des productions Hammer à partir de Frankenstein s'est échappé (Terence Fisher, 1957). Le moustachu Brian Donlevy, auparavant interprète froid et colérique du personnage principal, est remplacé par Andrew Keir et sa barbe épaisse mais taillée avec soin, qui donne une toute autre tonalité au rôle : plus chaleureux, il apparaît plus humain, se souciant de protéger le plus grand nombre de découvertes potentiellement explosives, jusqu'à l'épuisement total. Il tente toujours, comme dans les deux autres films, de défendre son projet lunaire, devant des représentants du gouvernement qui n'affichent pas une once d'intérêt. Contrairement à son prédécesseur, il n'est ici que le second rôle, la tête d'affiche étant tenu par James Donald (Le pont de la rivière Kwaï, David Lean, 1957, La grande évasion, John Sturges, 1963), qui interprète le scientifique conduisant les recherches. Ultime Hammer Girl, Barbara Shelley incarne son assistante. L'abbaye de Westminster, après avoir été le théâtre du climax du premier film, trouve encore ici sa place.
On retrouve au scénario Nigel Kneale, créateur du personnage, qui signe ici l'histoire la plus ambitieuse de la trilogie, les implications des découvertes excavées d'une bouche du métro londonien allant très, très loin.
Quatermass intervient alors qu'au coeur de Londres, dans la station Hobb's End, sont retrouvés des squelettes humanoïdes. Ils s’avéreront être ceux des ancêtres des hommes, aillant foulés la Terre il y a des millions d'années. Face au scientifique qui a la charge des recherches, s'oppose rapidement l'armée, qui déterre un objet au fuselage bleu d'apparence métallique qu'ils prennent pour un missile... celui-ci devant être désarmé.
La multitude de personnages, l'opposition des forces en présence, puis la menace potentielle de l'artefact découvert porte clairement le film sur le terrain du genre catastrophe, dont l'âge d'or ne débutera qu'à l'orée 1970. Les monstres de l'espace brille notamment par une scène de bousculade d'anthologie dans le dernier tiers, la presse et le public ayant été conviés dans la bouche de métro, au moment où se produit un phénomène destructeur.
Pas effrayé par l'ampleur de la narration, Kneale remonte tout simplement aux origines de l'humanité pour chambouler la tradition darwiniste. Ouvrant sur une intrigue d'une rare richesse, Kneale introduit des créatures présentes sur Terre depuis des millénaires, faisant évoluer l'homme -ou expérimentant sur les autralopithèques - vers ce qu'il est aujourd'hui, les aliens étant aussi responsable de toutes les superstitions du monde. Magie, sorcellerie, esprits frappeurs : les thèmes du film nous rappellent à quel point les responsables de la Hammer étaient versés dans l'occulte, eux qui sortiront l'année suivante un des chef-d’œuvre de Terence Fisher, Les vierges de Satan (The devil rides out). Comme dans le premier film, une des clés du mystère sera dévoilée lors d'une projection de film retrouvé, qui laisse cependant voir des effets spéciaux d'une pauvreté sans appel. Ce sera malheureusement là où le bât blesse durant tout le film, les révélations tonitruantes du film étant très souvent désamorcées par une cassure de la suspension d'incrédulité particulièrement chère au cinéma fantastique. Roy Ward Baker n'a cependant pas démérité en livrant un spectacle cohérent avec les deux autres opus de la saga, et et ne manquant pas d'émouvoir -la musique stressante de James Bernard étant ici remplacée par celle de Tristram Cary, plus mélancolique et tragique. Bref, un Hammer film comme on les aime, old school mais pas dépassé.