Un film de Nacho Vigalondo
Profitons de la sortie en DVD il y quelques semaines de Los Cronocrimenes (Timecrimes par chez nous) pour en dire quelques mots. Commençons par avancer qu’il est scandaleux que ce film tout à fait honnête, projeté avec succès de festivals en festivals, n’ait eu finalement droit qu’à une sortie direct en DVD, à l’instar des pires navetons d’un Steven Seagal. Bref, passons.
Film modeste par les moyens, il n’en développe pas moins, après une introduction qui pourrait faire pencher la balance vers le slasher, une trame typiquement science-fictionnelle sur le voyage dans le temps. Cependant, avec son personnage entouré de bandages, semblant sorti d’une BD (et dont l’apparence ressemble à s’y méprendre au Darkman de Sam Raimi), on restera toujours raccroché à une dimension serial killer / thriller ; le film nous offre là une astucieuse déconstruction des codes du genre, où le mutisme habituel de ce type de personnage est remplacé par ses questionnements incessants ; l’identité du mystérieux individu, source de tant de conjectures et d’interrogations d’autres métrages, nous sera ici dévoilé très rapidement, jouant avec les attentes du spectateur, pour mieux bifurquer dans le sentier SF.
Le voyage dans le temps ne cesse de fasciner le cinéma, car lui seul peut le rendre tangible, existant ; Retour vers le futur donna le ton contemporain, alliant un immense aspect ludique tout en réussissant à faire éprouver le vertige des paradoxes temporels. Cependant, bien des fois, d’autres films se prennent à leur propre piège et se mordent la queue (Terminator, Minority Report). Ici, c’est la maîtrise et l’emboîtement sans faute qui surprend le plus ; chaque action prend sens une fois le film terminé. Loin de jouer la carte de la facilité, le cinéaste multiplie les strates temporelles, et malgré cela tout est compréhensible.
Une fois la première surprise passée, celle du changement de genre et du dévoilement de l’identité du personnage mystère, s’organise un jeu de rôles vertigineux dont le spectateur connaît les grandes lignes ; cependant, par petites touches apparemment anodines, l’enchaînement sait surprendre. Ce mélange de prévisible et d’imprévisible a garantit mon intérêt constant pour les personnages et leurs destinées, ainsi qu’une grande envie de le faire découvrir ; un moment de cinéma à la télévision ( ?!) tout à fait respectable.
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Dossier : la cinéphilie et le DVD, partie 3
Continuant le travail commencé ici puis là, voici la troisième partie de notre réflexion sur les rapports étroits entre un objet, le dvd, et un concept, la cinéphilie.
II. Le DVD, un nouveau rapport au film
A. Le descendant du Laserdisc
Pour parler du support DVD, il faut remonter quelques années en arrière, jusqu’à l’avènement de la cassette vidéo. Le support transformait le film en un objet qu’on pouvait tenir dans une main, garder, échanger. L’essor de la vidéo donna naissance à une nouvelle industrie : la domestication du film, induisant de nouveaux usages cinéphiliques en dehors de la salle de cinéma. La seconde révolution des usages vint avec le premier support pensé pour le cinéphile : le Laserdisc. Lancé en 1987, il s’éteindra une dizaine d’années plus tard. Il avait pourtant certains arguments pour supplanter la VHS enregistrée, qui furent repris par le DVD : en premier lieu une définition supérieure de l’image, un son numérique et la possibilité de choisir entre la version française et la version originale. De plus, c’est avec ce support qu’est né le concept du bonus. Le cinéphile pouvait pénétrer à l’intérieur de l’univers du film, avec making-of, explications de toutes sortes, filmographies, etc.
D’imposantes barrières se sont vite opposées à une réelle démocratisation du support et finalement à son succès. Un prix prohibitif, un encombrement certain (le support avait la taille d’un disque vinyle 33 tours et le lecteur était imposant), qui faisait aussi qu’un film à durée "standard" (autour de 2 heures) occupait les deux faces du disque, impliquant le changement en cours de visionnement. Bref, le Laserdisc, tout en faisant office de support cinéphilique pionnier, devait être supplanté par une nouvelle révolution : le DVD.
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