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L'étrange créature du lac noir (1954)

Un film de Jack Arnold

3263905310_aefd070a95.jpg?v=0Profitons du revival du cinéma en 3D qui va sévir en 2009 (on aura notament droit à Destination finale 4 et Meurtres à la saint Valentin, donc a priori des chef-d’œuvres en puissance) pour renouer avec cette folle épopée qui vit son apogée dans les années 50, et dont  le but était de contrer une télévision terriblement populaire. L’homme au masque de cire, Le crime était presque parfait, et L’étrange créature du lac noir sont parmi les plus connus aujourd’hui. Exploité en DVD, ce dernier se retrouve en deux dimensions et ne perd pas de son charme, bien au contraire. Le film avait d’ailleurs fait les beaux jours de la Dernière séance où il fut diffusé en 3D, le journal télé de l’époque (en 1982 si je ne m’abuse) proposant les lunettes adéquates. L’exercice ne fut pas, ou peu reconduit pour d’autres films.

L’étrange créature du lac noir est avant tout une série B, produite dans la continuité des films d’horreur made in Universal des années 30 : Le Dracula de Browning, le Frankenstein de Whale et leurs suites, le Loup-garou de George Waggner ou La momie (Karl Freund, 1932). A l’image ses illustres aînés, le film accède au rang des chef d’œuvres du cinéma fantastique / épouvante de l’époque ; le look de la créature, très en avance sur son temps et façonné des pieds à la tête, inaugure d’une certaine façon les maquillages d’Alien. Le lagon possède une force évocatrice rare, à la fois dangereuse (les forts contrastes rendent l’eau vraiment noire et des arbres morts parsèment son bord) et exotique, témoin d’un lointain passé qui attire l’homme, que ce soit à des fins scientifiques (une expédition part à la recherche de traces fossilisées d’une espèce inconnue) ou de loisirs (la baignade de Kay, empreinte d’une grâce divine). Les séquences sous-marines, remarquables, que l’on doit à James C. Havens, captent bien la poésie visuelle de cet univers angoissant et onirique.

La musique occupe une place importante dans le récit, soulignant l’horreur (les apparition du monstre, toutes ponctuées du même ta-ta-ta-TA envahissant) ou la découverte et le parfum d’aventure. Henry Mancini, compositeur génial plus tard souvent associé à Blake Edwards, écrit ici des mélodies enlevées très réussies (non créditées au générique).

Le récit, mettant en face-à-face des scientifiques et un chaînon manquant de l’évolution, est classique, et illustré la plupart du temps assez banalement, mais donne à voir des thèmes purement fantastiques (le monstre désirant l’humaine, rappelant King Kong) et terriblement révélateurs de la nature humaine -le monstre a beaucoup plus de raisons valables de se défendre que les humains qui viennent troubler son écosystème préhistorique. La fameuse séquence de baignade sus-citée, véritable danse de séduction malgré elle, est révélatrice de la poésie que peut déployer certains moments du film. Les mouvements de Kay, guidés par l’apesanteur étrange du milieu marin, sont peut-être les meilleurs moments du métrage.

Les hommes sont vénaux et agrippés à un rêve de gloire complètement déplacé devant le spectacle qui s’ouvre devant leurs yeux. Comme dans Tarantula, comme dans L’homme qui rétrécit, la dimension fantastique s’associe d’une critique sociale plus ou moins déguisée : même si l’imagerie déployée suffit à rendre le film pérenne, cette valeur ajoutée est certainement pour quelque chose dans la réputation toujours d’actualité de Creature from the black lagoon. Deux suites furent tournées, preuve du succès populaire de l’original, dont une réalisée par Jack Arnold, qui ne sont pas restées dans les annales (je ne les ai pas vues). L’étrange créature du lac noir, quoi qu’il en soit, diffuse encore aujourd’hui un délicieux parfum de nostalgie et de mystère. N’hésitez pas à y (re)plonger si le cœur vous en dit !

Commentaires

  • Directe, naïve et économe, modeste et efficace à la fois, pleine certes de tous les tics de la SF d’époque (que ce soit dans le fond (benoîts et fauchés scientifiques frappés d’enthousiasme aigu contre chasseurs volontiers inconscients) ou dans la forme (hors-champs, effets sommaires et répétitifs)) mais enrobée en retour d’une poésie certaine (ainsi que d’un évident sens érotique et vénéneusement émouvant) pas si étrangère à celle des Tarzan première manière, la pépite de Jack Arnold, pièce culte de l’Histoire de la Télévision Française (remember la 3D de La Dernière Séance ?), jalon quasi-fondateur pour les plus prolifiques artisans du genre futur (Stephen King, Joe Dante,…), ne sait décidément pas prendre la moindre ride (idem de sa Tarantula ou de son Homme Qui Rétrécit). Y sont pour quelque chose sans doute ce prodigieux N&B, net et lumineux, servant avec précision des décors opérants et fichtrement immersifs (les plans sous-marins sont tout bonnement renversants), mais aussi cette patine un rien coloniale (bêtement rassurante) et le vent chargé de désirs qui fait naître et bruire tant de grisantes vaguelettes sur cette trouble Amazone, théâtre aquatique d’une version plus ouvertement sexuée - et aqueuse donc - qu’à l’accoutumée d'un King Kong amphibien !
    Une perle indémodable, pittoresque et volontiers kitsch (le lagon en question, donné pour noir, est en réalité un véritable eden hollywoodien hygiéniste fort peu réaliste), dominée par une Julia Adams plus hypnotique encore que l’étrange bébête (inspirée par une statuette d’Oscar et d’obédience résolument anti-gothique) - sur laquelle Marilyn Monroe s’apitoie d’ailleurs dans 7 ans de Réflexion (avant que sa robe ne s’envole pour la postérité !) -, assumant un revivalisme vaguement conandoylien matiné d’inquiétude écolo so 50’s, et de refoulement –donc- total-freudien. Rien que ça.


    Et nous nous sommes laissés dire que Mancini avait fort peu travaillé à cette BO, laissant le plus gros du boulot à ses co-signataires Hans Salter et Herman Stein). Livrant en outre la musique de 15 films pour cette seule année 54...

  • Il est vrai que la participation d'Henry Mancini semble restreinte ; comme son travail reste non crédité, il est difficile d'en savoir plus... 15 films dans l'année, c'est tout bonnement surhumain !

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