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90's - Page 4

  • Dark City Director's Cut (2009)

    Un film de Alex Proyas

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    En 1998, date de sortie du film d'Alex Proyas, personne n'était prêt pour assister à un tel spectacle : on a pu dire aussi pudiquement que "le film n'a pas trouvé son public" ; on se rappelle pourtant bien la grosse impression que le film nous avait laissé en salles, pourtant vu en version française (indigne quand on connaît la version originale), et en pleine fête du cinéma, entre fille d'attente interminable et coincé dans un planning chargé entre Les visiteurs 2 et Vampires de John Carpenter. Bref, rien n'indiquait que Dark City devienne avec les années l'objet cinématographique sur lequel la majorité des cinéphiles aujourd'hui tiennent pour un authentique chef d'œuvre. 

    Préfigurant un courant de films dépeignant des mondes impersonnels, préfabriqués vécus comme des prisons (Truman Show, Matrix), Dark City nous plonge dans une odyssée ténébreuse assez fascinante, que son réalisateur n'a malgré tout pas façonné à son envie lors de la sortie en salles. 

    Démonté par des projections-tests pourtant pas si désastreuses, le studio New Line a imposé à Proyas l'ajout d'éclaircissements et de déplacements de séquences entières dont le cinéaste se serait bien passé. Déjà pas très à l'aise face un dépassement de planning conséquent (le tournage, des 65 jours initialement prévu, dura finalement presque trois mois), il prit sur lui de rajouter une voix-off dès la séquence pré-générique, montrant le personnage du docteur Shreber déambuler dans Dark City. Elle détaille alors le monde de l'obscurité laissé au mains des Etrangers, conduisant des expériences sur leurs habitants.
    Juste après cette narration éliminant les zones d'ombres du début, on est témoin d'une première scène, durant laquelle tous les habitants tombent comme endormis, le temps lui-même se figeant à minuit, comme en témoigne de nombreuses horloges. Comprise comme une démonstration logique des fameuses expériences dont nous a averti la fameuse voix-off, le spectateur, s'il reste fasciné par la facture visuelle du passage, n'est pas vraiment décontenancé. Il en sera tout autre dans la version Director's Cut qui arrive ces jours ci dans les bacs : oubliée, la voix-off explicative et la première séquence, déplacée jusque dans le second acte du film. Bienvenue à une ambiance bien plus mystérieuse, où le regard du spectateur épouse totalement celui de Murdoch (Rufus Sewell), en quête de son identité, comme il se demande aussi dans quel monde il est tombé.
    Murdoch évolue comme dans une sorte de jeu vidéo d'exploration, dans lequel chaque lieu est visuellement identifié par une signalétique et des artefacts singuliers (l'Automat, l'hôtel, la piscine, et le lieu qui cristallise la réponse à toutes les questions, Shell Beach). Sur fond de cette quête d'identité, et celle, sous-jacente, de savoir si les souvenirs font de l'homme ce qu'il est, on assiste à une intrigue mêlant adroitement polar, science-fiction et fantastique. Comme avec Truman Show ou d'autres films de SF claustrophobiques, la mer représente une porte de sortie universelle (parfois illusoire), un espace des possibles là où l'horizon, comme l'avenir, peuvent exister sans limites (voir aussi La planète des singes, Les fils de l'homme, Passé virtuel, etc.).

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    Dark City se caractérise dès son titre comme un film noir, selon l'appellation canonique des critiques français des années 40 et 50. La ville est un véritable personnage, vivant, remodelée à l'envi, remplie de rues d'un noir d'encre, rehaussée d'une lumière jaune industrielle, dans laquelle errent des personnages archétypaux : Anna, la chanteuse de cabaret (Jennifer Connelly, qui retrouve pour le Director's Cut sa voix originale lors des chansons), Bumstead le flic (William Hurt), la prostituée, et les méchants en longs manteaux et chapeaux mous, échappés d'un cauchemar de Proyas. L'esthétique générale doit beaucoup aux films des années 40, entre les voitures, les vêtements, l'allure des magasins... La confrontation de cette esthétique avec la présence des Etrangers compose l'ambiance rétro-futuriste propre aux récits de science-fiction.

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    Dark City superpose une ambiance très film noir à quelques personnages et objets issus de la science-fiction, et c'est dans ce mélange réussi que Dark City prouve son importance, grâce à des décors gigantesques superbement éclairés par Darius Wolsky (directeur de la photo des derniers films de Tim Burton). Entre les seringues d'implants, très présentes dans le récit, l'espèce de savant fou (Shreber) joué par Kiefer Sutherland et la véritable apparence des Etrangers, la dimension science-fictionnelle n'est présente que par petites touches durant le récit, pour mieux exploser dans le final. Tout le film durant, c'est plutôt un feeling fantastique qui étreint le spectateur. Sherber et Murdoch sont d'ailleurs des personnages qui se répondent l'un l'autre, étant les seuls humains à ne pas subir le gel du temps ; est-ce également un hasard si leur oeil droit est à moitié fermé ? Malgré leur potentiel avantage sur le reste de la population, ils demeurent aveugles sur leur passé. Comme les autres certes, sauf qu'ils ont conscience de l'avoir perdu.

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    Le fantastique vient de la rupture entre un univers plausible, ressemblant à celui que l'on expérimente chaque jour, et des événements extraordinaires qui mettent à mal les lois fondamentales du monde : ici, l'arrêt du temps, et l'endormissement instantané de toute la population joue ce rôle de rupture qui provoque l'étrangeté du récit et donc la curiosité du spectateur à en savoir plus. En déplaçant la séquence d'endormissement dans le second acte, Dark City sembla apporter une partie de réponse au spectateur tout en lui en intimant d'autres, plus prégnantes encore : la raison d'être de tout ce cirque. 

    Ce qui dessert le film est certainement son aspect trop construit, trop cérébral, échappant trop à la réalité justement, la majorité des spectateurs manquant de points d'accroches pour apprécier l'intrigue. Effectivement, les personnages agissent comme des sortes de clichés, principalement par le rythme précipité de la version cinéma. Le Director's Cut, ajoutant quelques brefs passages supplémentaires, notamment lors de simples conversations (entre Shreber et Anna dans son bureau, entre Bumstead et Anna), humanise grandement les personnages. Des intrigues secondaires (la fixation sur les empreintes en spirales, la fillette de la prostituée) contribuent également à la plus grande richesse du film, œuvrant dans le même temps pour une meilleure cohérence. Pour un film déjà bon, encore meilleur dans cette version initiale visible des années après.

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    Film de genres, Dark City est aussi, au final, un grand film romantique, dont les accompagnements musicaux ne trompent pas lors de séquences entre Murdoch et Anna. Aux sonorités métalliques, industrielles et violentes (mais néanmoins mélodiques), s'opposent des tonalités plus douces qui font la véritable fin de Dark City, dans une toute dernière séquence offrant un contrepoint sensible et espéré, pas évident cependant ; mais bien intégré dans la continuité. Les êtres, changeant, se retrouvent tout de même comme si, malgré la mémoire, une forme d'attrait universel unissait les âmes à travers le temps. Après tout un film dans le noir, il fallait oser, et ça aurait très bien pu ne pas passer : ici c'est juste magnifique, grâce aux dialogues à l'économie et au couple d'acteurs. 

    Le blu-ray sorti chez Metropolitan nous sert une copie perfectible, pour cause d'abus de Digital Noise Reduction (les contours des personnages sont surmontés d'un surcontour blanc, les détails des textures sont amoindris). Outre ce défaut certes rédhibitoire, c'est la première fois qu'un support français nous propose le Director's Cut, qui plus est accompagné de la version salles.

    Les bonus sont éclairants, à commencer par une très intelligente fonction de notes tout au long du film détaillant les différences entre les deux versions, décodant aussi certains symboles semés au gré des décors. Deux documentaires, l'un très sincère sur les difficultés du processus de création du film, l'autre analytique, complètent le programme de façon très a propos. C'est tout simplement un indispensable.

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    Source images : capture dvd Metropolitan - version cinéma

  • Hot Spot (1990)

    Un film de Dennis Hopper

    4834691557_9d916fe97f_m.jpgRéalisé à l’orée des années 90, Hot Spot dégage un parfum encore typiquement années 80 : mettant en vedette un Don Johnson en sueur (symbole même du clinquant 80’s avec Deux flics à Miami) terriblement tenté par un duo de jeunes femmes que tout oppose (la douce et enfantine Jennifer Connelly, la tempétueuse et sulfureuse Virginia Madsen, version réelle de la Jessica de Roger Rabbit), Hopper donne vie à un revival du film noir très à la mode dans les années 80. On voit en effet à peu d’années d’intervalle La fièvre au corps (Lawrence Kasdan, 1981), le remake de Mort à l’arrivée (Annabel Jankel, 1988) ou encore celui du Facteur sonne toujours deux fois (Tay Garnett, 1946), dans lequel Jack Nicholson et Jessica Lange remplacent John Garfield et l’incendiaire Lana Turner. Angel Heart (Alan Parker, 1986), L’année du Dragon (Michael Cimino, 1985) ou Revenge (Tony Scott, 1991) témoignent aussi d’un démarquage conscient du film noir en ces années 80. Ces films ont en commun une peinture plus explicite (moins classe, plus directe) de l’attirance sexuelle, celle-là même détournée à cause du Code de Production Cinématographique en vigueur des années 30 à 60 à Hollywood. Ce n’est pas un hasard si ce genre très codifié connaît une renaissance dans les années 70, décennie de la défiance aux autorités et du malaise social (crises financières), pour donner ensuite de ses nouvelles dans les années 80 où le reaganisme est critiqué.

    Lorsque Hot Spot débute, le spectre du Facteur sonne toujours deux fois ne tarde d’ailleurs pas à nous hanter tant l’intrigue est similaire : un homme arrive dans une bourgade perdue, se fait embaucher en un instant (station service pour l’un, vente de voitures d’occasion pour l’autre), et tombe en émoi devant la femme du patron (bien plus jeune que son mari dans les deux cas). Hopper complexifie ces postures en intégrant une deuxième femme qui attire tout autant Harry Maddox (Don Johnson), le plaçant dans un jeu d’équilibrisme risqué, surtout compte tenu des pressions pouvant être exercées par Dolly Harshaw (Virginia Madsen).

    Roublard, Maddox incarne une figure orgueilleuse et solitaire, opérant pour son seul profit. Son job apparaît comme une couverture, camouflant des vols répétés dans la banque du coin. Pas ce qu’il y a de plus net comme bonhomme, Don Johnson n’aurait qu’un pas à franchir pour passer du côté obscur, ou être rattrapé par la candeur juvénile de Jennifer Connelly. Les apparences vont tomber, les unes après les autres, pour dévoiler la spirale classique du film noir : celle d’un homme piégé par son désir, et l’apparent contrôle qu’il semble apporter.

    Presque trop sexuel pour être honnête, Hot Spot est pour autant un très bon moment qui manie bien le spectateur et ses attentes. Le jeu des possibles et la véritable hésitation, puis le choix (s’il peut en faire un) qui en résulte mène la danse. Le décorum joue également un rôle prépondérant, agissant comme l’incarnation d’un arrière-plan émotionnel à tous les personnages. Hopper réalise ici un polar moite et torturé, dans lequel aucun personnage ne représentant le bien (si tant est qu’il y en est un) ne survivra. Un film marqué par son époque, qui se déguste encore aujourd’hui avec un vrai plaisir de cinéma.

    Disponibilité vidéo : DVD/Blu-ray - éditeur : Wild Side Video

  • Ciné d'Asie : Succession par l'épée (1992)

    Un film de Eric Tsang

    4798642120_dd810e9ef7_m.jpgProduction Tsui Hark lorgnant vers les racées Histoires de fantômes chinois, Handsome Siblings est l’occasion de revoir la belle Brigitte Lin Chin Hsia (Zu, les guerriers de la montagne magique, Tsui Hark, 1984, Les cendres du Temps, Wong Kar Wai, 1994), Même si l’on convient qu’elle est moins bien mise en valeur que pour Swordsman 2, réalisé la même année par Ching Siu-Tung. Suivant un sillon identique, héroïque et fantaisiste, peuplé de démons et de dieux à forme humaine qui veillent sur les humains, le film est d’une beauté typique de cette Fantasy chinoise. Vols en apesanteurs, boules d’énergies, rubans colorés flottant au vent lorsque apparaissent les dieux et démons sur Terre (magnifique première séquence dans un forêt ténébreuse, qui pompe cependant terriblement sur les Histoires de fantômes chinois, toujours elles).

    Un grand guerrier meurt au combat pour protéger une bande de voleurs, des vrais bras cassés, qui recueillent un enfant. Ce dernier deviendra un combattant hors pair et va participer à un grand tournoi qui a lieu tous les 18 ans. En chemin, il fait la connaissance d’une femme travestie en homme (grand classique HK, remember le conte des amants papillons, maintes fois adapté) ; une romance compliquée commence… Le clan des voleurs offre plusieurs moments de comédie très typée difficilement supportable, humour débile à la clé. C’est le jeune Andy Lau (l’un des deux infiltrés de Infernal Affairs) qui se lie avec Brigitte Lin. La magie imprégnant tout le métrage, elle se loge aux quatre coins du cadre ; personnages pliés en quatre, apparitions fantomatiques, une débauche d’effets qui distrait un temps, mais déçoit rapidement après la première scène d’anthologie dans la forêt. Les twists sont éculés, et l’humour totalement lourd nuit à la gravité et au romantisme échevelé de l’amour naissant entre les deux jeunes gens. C’est pourtant dans ce mélange qui nous est si peu familier que se forme les films HK, s’efforçant de concilier différentes sensibilités dans le résultat final. Un petit film bancal, qui bénéficie tout de même du soin des production de la Film Workshop de Tsui Hark.

    Source image : jaquette DVD © Metropolitan Video

  • Highlander 2 : Renegade Version (1991)

    Un film de Russell Mulcahy

    4734188960_75f3ca60ac_m.jpgQuelques années après un premier épisode au succès évident, Russell Mulcahy remet le couvert pour cette suite. Dès lors, la route sera semée d’embûches pour toute l’équipe –et notamment la paire de producteurs Davis / Panzer, qui n’avaient déjà pas eu de bol sur Osterman Week-End, au point qu’on se demande s’ils gèrent vraiment bien leur affaire-. En effet, le premier film se finissait avec la victoire de MacLeod sur le dernier Immortel, et comme on le sait, il ne pouvait en rester qu’un, celui-ci redevient mortel. Dès lors, le concept en prend un coup. Comment faire redevenir MacLeod immortel ? Premier souci. Deuxième souci, l’option plus que dangereuse prise par les producteurs, avec un scénario out of this world dans lequel l’origine des immortels s’explique par leur nature… d’extra-terrestres de la planète Zeist ! On touche au summum du n’importe quoi, tout est bon pour justifier la suite et trouver une explication un tant soit peu originale à l'immortalité des personnages.

    On remarque, dans la bonne édition DVD sortie chez Opening en France, que le documentaire présenté en bonus est beaucoup plus intéressant que le film lui-même… Il nous apprend que, dernier problème, le film est tourné en Argentine, afin de réduire les coûts de production. La région offre, de plus, des décors utilisables dans un cadre rétro-futuriste, où des bâtisses néo-classiques et des vieilles voitures semblent correspondre aux choix de Mulcahy (bien qu’on se doute que la réflexion lui soit parvenue une fois considérées les économies budgétaires possibles). Mais le pays est victime d’une inflation qui appauvrit chaque jour sa monnaie, ce qui produit une hausse vertigineuse du budget. Du coup, à partir d’un moment (avant la fin du tournage, donc), les crédits financiers s’arrêtent net. Bref, tout ça n’augurait rien de bon, personne ne rempilant de bon cœur à part les producteurs, qui en font depuis leur seul fond de commerce (la série télé, les autres films, jusqu’au film d’animation par Yoshiaki Kawajiri, quand même !). Et le moins qu’on puisse dire… c’est que malgré une version revue et corrigée de l’intrigue (exit les extra-terrestres), du visuel -la Terre de 2024 est recouverte par un bouclier qui la protège du soleil... en CGI- et de la musique, c’est toujours aussi indigeste ! Les (més)aventures du film font d’ailleurs penser à Superman II, une autre suite ratée, Richard Lester reprenant le siège vide de Richard Donner renvoyé, qui devait tourner les deux premiers d’affilée. Les gros méchants d’Highlander 2 font d’ailleurs penser, par leurs comportements caricaturaux, à Zod et son comparse. De la même façon, la star (Marlon Brando, ou Sean Connery dans le cas qui nous intéresse) fera son difficile pour apparaître dans le film, et un complet remontage du film selon les souhaits de son réalisateur verra le jour bien des années plus tard. Si, pour le Donner’s Cut de Superman II, la hausse qualitative est sensible, on ne saurait en dire autant d’Highlander 2. Le carton d'introduction arrive tout de même à nous gâcher un élément de scénario qui ne sera dévoilé que bien plus tard...

    MacLeod retrouve donc sa jeunesse et son immortalité par le biais d’une séquence cheap, tant au niveau des effets spéciaux que de son scénario. On ne comprend pas vraiment l’utilité de Sean Connery dans le script (ah si, à la fin il sauve son pote par un ni vu ni connu j't’embrouille d’anthologie), pas plus que Virginia Madsen, qui occupe une place uniquement décorative. Elle aura pourtant  quelques rôles sympas, entre le Dune de David Lynch, le brûlant Hot Spot de Dennis Hopper, ou dans l’horrifique Candyman de Bernard Rose et Clive Barker. Et ce n’est pas Michael Ironside, cabotinant en ersatz de Jack Nicholson, qui fera prendre la sauce.

    A force de trop vouloir forcer les choses (et à cause de l’Argentine, aussi torride et fêtarde que victime d’une grave crise financière à l’époque), on ne peut pas aboutir à un résultat décent, même en tripatouillant au montage et à la palette graphique les quelques images qu’on aura tourné. Non, décidément, s’il ne devait vraiment en rester qu’un, faites que ce ne soit pas celui-là…

  • Passé Virtuel (1999)

    Un film de Josef Rusnak

    4729119443_ac16f1bbfe_m.jpgAu rayon films de SF méconnus, dans l’ombre de Dark City, Matrix ou eXistenZ, Passé Virtuel (The Thirteen Floor, titre original abscond) se pose là. Il s’agit de l’adaptation d’un récit court des années 60, Simulacron 3, écrit en 1964 par l'américain Daniel Galouye. Rainer Werner Fassbinder l'avait déjà adapté en téléfilm, désormais sorti en vidéo, Le monde sur le fil. Doté d’un réalisateur et d’un casting d’inconnus, Passé Virtuel débarque en plein dans la période des films cyberpunk sur les réalités virtuelles, caractéristique du tournant des années 2000. 

    Passé Virtuel constitue donc un petit film, pas dépourvu d’ambitions pour autant ; un peu ce que pouvait être à l’époque un Planète Hurlante (Christian Duguay, 1996), voire Cypher plus récemment (Vincenzo Natali, 2003). Le film de Rusnak surprend notamment par la reconstitution (pas si) virtuelle du Los Angeles des années 30. La tête pensante d’une société de recherches cybernétiques crée en effet une simulation du monde de son enfance, dans laquelle les êtres humains investissent un avatar, doubles d’eux-mêmes, qui leur permet d’interagir avec des "unités cybernétiques autonomes".

    Mélangeant une société contemporaine hautement technologique et un passé nostalgique bien moins avancé, Rusnak recrée une ambiance steampunk (et son imagerie rétro-futuriste). Mais finalement, il est aussi question de voyage dans le temps, dans les souvenirs, tout en superposant sur ce canevas une intrigue aux tonalités film noir très marqué. Equilibriste des genres, tout cela, mal dosé, aurait pu donner un genre de Timecop (Peter Hyams, 1994) qui vieillit bien mal. Mais les indices, bien amenés, permettent au film de faire montre d’une belle dynamique. Le décorum, ainsi que les personnages (dont la belle Gretchen Mol, typique femme fatale) maintiennent la tension tout du long. On remarque même que c’est hors des scènes à effets spéciaux que se nouent les plus belles choses ; on pense à cet échange de regard à la caisse d’un supermarché où officie la jeune fille. Sa classe un peu hautaine a fait place à une commune vulgarité, et les personnages sondent ses yeux pour y déceler un indice… une belle séquence, inspiré du grand film d'Hitchcock, Sueurs froides (Vertigo, 1958).

    Hannon Fuller, le créateur de l’univers, rapidement passager d’un aller simple pour le -vrai ?- monde des morts, sera cependant de nouveau à l’image, son double virtuel servant de guide à Douglas Hall, son futur successeur dans la simulation (interprété par Craig Bierko, habitué des séries télé et des films parodiques). Il apporte d’ailleurs une part bien sombre du métrage, ne hantant la simulation que pour batifoler avec des jeunes filles, assouvissant ses impérieux besoins de sexe. Le thème n’est malheureusement qu’effleuré lors des scènes d’un bar-cabaret luxueux, fréquenté par des riches bien ventrus, cigare au bec : une certaine vision de l’aristocratie.

    Un intéressant jeu de miroir est de mise entre les deux mondes, un personnage commençant un geste que son avatar termine, ou des lignes de dialogues qui se renvoient la balle, se répétant en écho. Fuller disait avoir fait une découverte fondamentale, et le film nous donnera une réponse. Mais l’on peut également penser que la découverte, faite aussi par Hall, serait que les entités artificielles sont douées des mêmes facultés que les "originaux", en cela à considérer comme des individus bien réels, et non des marionnettes manipulables en tous sens. Ce même jeu évente d’ailleurs un peu vite le coup de théâtre final, et c’est bien dommage. Fonctionnant sur un schéma typique du jeu vidéo, le film nécessite une immersion totale. La plongée dans le virtuel est réussie, et reste différenciée du reste par des teintes plus monochromes, que remarque le spectateur comme les personnages. Le brouillage des cartes, propre à cette confrontation, opère naturellement, certes sans brio, mais efficacement. Passé Virtuel est donc un film honnête, ne se prenant pas pour plus fort qu’il n’est, nous offrant de bons moments de cinéma.