Un film de Buddy Van Horn
Alors, mon bon Buddy, raconte-nous comment tu est arrivé à faire un Inspecteur Harry qui ressemble à un Derrick (R.I.P.) sous perfusions d’éclairages fluo et de déviances grand guignolesques ? Comme je n’ai pas l’ami Buddy sous la main, je vais me charger de critiquer ce dernier Dirty Harry de sinistre mémoire, auquel j’avais su échapper jusqu’à la nuit dernière.
Pour Eastwood comme pour Callahan, cette cible, même si c’était belle et bien la dernière, était le coup de trop ; il oscille péniblement entre paresse et grand-guignol, avec quand même deux perles, deux moments over the top que même le bus blindé du final de L'épreuve de force (dont on avait parlé il y a quelques semaines) n’arrive pas à devancer : une course-poursuite rendant "hommage" à Bullitt (Peter Yates, 1969) entre la voiture de Harry et une ... voiture télécommandée (au passage, faudrait que Buddy m’explique comment ce jouet peut rivaliser avec la conduite sportive de l’inspecteur) et un harponnage en règle du méchant tueur de l’histoire. Deux grands moments de rigolade si on est très bon public et si l’on oublie qu’on regarde Clint Eastwood, alias le dernier des grands acteurs et réalisateurs de sa génération.
Le centre nerveux de l’histoire se la joue mise en abîme, avec Peter Swan, un réalisateur de film d’horreur et autres clips de hard-rock (interprété par Liam Neeson, qui décidément a touché à tout dans les années 80, entre le grand film d’aventure avec Mission (Roland Joffé, 1986), la fantasy avec Excalibur (John Boorman, 1981), le pionnier des films de super-héros actuels avec Darkman (Sam Raimi, 1990), le film de pirates avec Le Bounty). Van Horn pousse le vice à faire de La dernière cible un film de Peter Swan, plongeant ainsi dans le n’importe quoi le plus permissif ; oser reprendre le générique de Sudden Impact, alias Le retour de l'inspecteur Harry, c’est déjà un signe, mais calquer toute une scène (dialogues compris) sur un autre épisode de la série, c’est le summum : Harry a un nouvel équipier et il lui ressort la même rengaine : "mes équipier finissent soit blessés, soit morts, alors est-ce que ça te va ?" (phénomène qui va effectivement se vérifier). De plus, ce nouvel équipier est un expert en arts martiaux, ce qui nous donne droit à de graciles jeux de pieds qu’on pourrait croire sorti d’un Karaté Kid.
Croiser au détour d’une scène un Jim Carrey fou furieux hurlant dans des éclairages fluo rappelant un clip de Cure (ou des Inconnus, je ne sais plus) résume bien ce qu’on peut penser du résultat : une catastrophe ou une bonne bidonnade. Ce bon vieux Callahan a perdu de sa superbe et c’est peu de le dire, balançant comme un automate ses expressions favorites, Swell (Magnifique !) en première ligne, ou sortant son colt à tout bout de champs : tout cela est un brin répétitif. Ajoutez à cela une charge contre l’invasion des médias dans la vie quotidienne aussi fine qu’un combat de catch entre deux beuglants décérébrés, et le tableau est à peu près complet. On me dira, attaquer La dernière cible sur son échec artistique, c’est enfoncer des portes ouvertes : c’est vrai, mais ça défoule et c’est proportionnel à la déception d’un dernier épisode qui aurait dû être un chant du cygne en bon et due forme ! Alors, so long Harry !