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80's - Page 5

  • Star Trek II : la colère de Khan (1982)

    Un film de Nicholas Meyer

    5419248116_d5eaa1d05c_m.jpgIl y a longtemps, dans la même galaxie, j'avais subi le premier épisode cinématographique de la série Star Trek : le fait que Robert Wise œuvrait au poste de réalisateur, me laissait penser que ça ne devait pas être si mauvais. Bien mal m'en a pris, car deux heures durant, un ennui féroce, de ceux qui vous énervent, m'avait envahi. Ne connaissant pas l'univers touffu de Gene Roddenberry et tentant de dévorer tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la science-fiction, je décidai récemment de m'y remettre avec ce numéro 2. Et cette fois, ça a pris.

    Après un générique contemplatif nous faisant voyager aux confins de l'espace, le film commence par une séquence atypique, montrant une femme aux commandes de l'Enterprise, le vaisseau historique de Kirk et Spock. Il s'agit de la mimi Kirstie Alley, charmante avec ses oreilles pointues. On avait laissé le vaisseau dans les mains du vieillissant équipage des origines (le même depuis la série télé originelle de 1966) à la fin de Star Trek, le film ; or là un vent de jeunisme semblait souffler. Cette première séquence cachait un test pour les nouvelles recrues de la compagnie. L'épisode est ainsi marqué par une réflexion sur la vieillesse, Kirk le premier ayant l'impression tenace d'être dépassé, lui autrefois symbole de l'aventure à risques, aujourd'hui forcé de chausser ses lunettes pour lire, cantonné au rôle d'instructeur pour la génération émergente (bien qu'il s'agisse d'une promotion, sur le strict plan hiérarchique).

    Parallèlement au questionnement de Kirk sur le sens qu'il peut encore donner à sa vie, resurgit du passé Kahn, homme que Kirk a autrefois laissé végéter sur une lointaine planète (vu dans un des premiers épisodes de la série, il est incarné dans les deux cas par Ricardo Montalban). L'ennemi, comme le héros, est vieillissant, mais fait montre d'une énergie certaine à l'exécution de sa vengeance. Sa tenue étrange, offrant un décolleté généreux, préfigure les combinaisons Fremen de Dune (David Lynch, 1984) ; le film est ainsi marqué dans son look par les années 80, offrant un aperçu de ce que seront les bad guys excentriques de Mad Max 2 (George Miller). Au passage, on observe la torture inventive et dérangeante imposée à des membres de Starfleet : des vers s'introduisent dans leurs conduits auditifs, transformant les opposants en de dociles agneaux prêts à offrir leur services.

    Le cœur du film est une machine de terraformation, Genesis, qui permet de transformer n'importe quelle planète aride en oasis foisonnante. La démonstration de son fonctionnement occasionne par ailleurs une des premières séquences d'effets spéciaux de synthèse, réalisée par ILM, qui s'avère encore aujourd'hui tout à fait convaincante. Les plans composites montrant une partie de planète verdoyante participent aussi à rehausser un ensemble visuel autrement courant. 

    Le film revendique sa dimension serialesque, avec ses méchants caricaturaux, et le regretté Ricardo Montalban, habitué des séries (La planète des singes, L'île fantastique) offre tout son panache et sa démesure pour incarner un personnage si excentrique.

    James Horner, qui signe la musique du film, y invente des mouvements qu'il reprendra dans Aliens (James Cameron, 1986) quelques années plus tard ; son accompagnement s'avère efficace, mais est surclassé par ses travaux ultérieurs. 

    Les relations Kirk / Spock trouvent dans le film une résonance particulière, concernant la trajectoire du Capitaine historique et pour la fin du film, qu'on ne dévoilera évidemment pas. La bonne tenue de cet ensemble encourage en tous les cas à la récidive dans cet univers, Nicholas Meyer (le très bon C'était demain, 1979, avec Malcolm McDowell en H.G. Wells) réussissant à donner corps à une dramaturgie limpide même pour les novices de l'univers, tout en rendant proche chacun des personnages. 

  • Un film, une séquence (2/2) : Brainstorm (1983)

    Suite de la chronique commencée ici

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    Au détour d'un mouvement on ne peut plus anodin, Lillian voulant se saisir de sa cigarette laissée fumante sur un cendrier, elle se se brûle le bras sur un des nombreux appareils qui envahit le cadre et fait transparaître son premier signe de douleur véritable. Cet enchaînement, signifié par des plans très brefs visualisant le choc (la brûlure au bras, le sursaut de Lillian, la radio qui tombe en morceaux),  questionnant le spectateur sur la nature même de la blessure, amène une ambiguité car ce signe de souffrance n'a pas de lien direct avec le premier "avertissement", mais contribue à la gradation des sensations de malaise ressenties par Lillian. A partir du moment où la radio tombe, toute musique s'arrête, et Lillian paraît surtout en colère pour sa maladresse, laissant retentir un "Damned!" de mécontentement. A cet instant précis, la prime douleur au cœur semble s'effacer devant la douleur plus forte de la brûlure, et la colère. Mais, au détour d'un plan encore une fois relativement banal (Lillian voulant ramasser la radio), la première douleur revient, lui irradiant le bras. L'absence de musique joue également un rôle dans cet enchaînement rapide et étrange, la menace surgissant sans avoir été annoncée, graphiquement ou musicalement, mais juste par la soudaine succession de plans brefs. 

    Avec le masque de douleur de Lillian se réveille la musique de James Horner soulignant le danger. L'air en sourdine, plutôt heureux, de l'opéra, fait ainsi place aux accents tragiques d'un ostinato, forme rythmique inlassablement répétée dans une musique d'orchestre puissante, assommant virtuellement Lillian. La musique est ici la transcription musicale de la douleur, frappant fort et par à-coups. Puis, la musique se replie au second plan, laissant Lillian, crispée et tremblante, étouffer un terrible cri de douleur. Elle comprend que c'est la fin, mais veut tout de même se battre, en même temps qu'elle saisit l'inéluctable vérité. Ces instants sont tragiques, le personnage agonisant seul, sans autres témoins que des écrans luminescents, inertes et silencieux.

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    Solitude qu'elle essaye, malgré tout, de combattre, en appelant Michael (Christopher Walken) au téléphone. Puis, se laissant gagner par l'évidence de ses sensations, elle lâche le téléphone dans un sanglot, terrifiée et souffrante. Dans ce même plan fixe, elle, si immobile, va agir. Sa dernière action, cœur d'impulsion du reste du film. Évitant, comme dans tout le film, toute facilité explicative (on ne nous dira jamais vraiment de que fait la machine, ni encore quelles applications militaires vont en être dérivées), Trumbull perd un peu spectateur, mais la fascination prime alors. Fasciné par cette séquence où la musique dirige la narration, et par la performance juste incroyable de Louise Fletcher, dont on croit toutes les souffrances, et la mort prochaine.

    Pour appuyer cette poussée énergétique, les quatre notes mineures assénées par l'orchestre reviennent. Lillian poussent les ordinateurs, se défait de la posture dont elle était prisonnière, pour choisir son dernier lieu. Une sonorité plus physique, incarnée par les trompettes qui martellent l'ostinato, se font entendre, comme matérialisant la force dont doit faire preuve Lillian. On revient, enfin, à un travelling, un cadrage en mouvement, s'opposant aux plans fixes précédents, qui montrent Lillian quitter sa chaise, descendre les quelques marches qui la séparent de l'espace d'enregistrement. Elle arrive à redevenir maître d'elle même, temporairement libérée des spasmes de l'arrêt cardiaque ; elle se serre la poitrine, la caméra pivotant pour dévoiler un nouveau siège, celui de l'expérience. Car on l'a compris depuis quelques secondes, elle décide de dédier ces derniers instants à sa technologie pour laisser un héritage, un témoignage, unique : les sensations de ses derniers instants, et de son départ. Avant cela, elle met toute la machinerie en route, toujours accompagnée par les ténébreuses notes de James Horner, auxquelles s'ajoutent une ligne mélodique inédite, comme un murmure de violons alternant deux notes lancinantes, comme prêtes à s'éteindre. 

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    Dans un plan fixe, cadrée de face, Lillian va alors sombrer, et le fond sonore qui l'accompagne n'est plus la symphonie tonitruante et répétitive de l'orchestre, mais le bruit mécanique et et tout aussi cyclique, des bobines qui enregistrent et des signaux d'ordinateurs qui crépitent. Un très gros plan de la cigarette de Lillian, qui s'est consumée entièrement et tombe, confirme la mort. Mais, pour autant, un panoramique vertical va montrer que tout n'est pas terminé.

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    Alors que le silence et l'immobilité sont les témoins habituels manifestes du décès, les machines qui ont accompagné Lillian continuent à produire un spectacle son et lumières signifiant : si elles continuent à enregistrer, c'est bien que quelque chose se passe ! Pour accompagner le mouvement (tableaux clignotants, écrans animés, cliquetis ininterrompu de la bande), l'enchaînement des plans se fait plus rapide. Et la musique de souligner à son tour se qui se produit, l'orchestre laissant sa place à des choeurs d'enfants d'inspiration ouvertement mystique. Cette vision très judéo-chrétienne de la mort (ou du chemin vers...) passe sûrement moins bien aujourd'hui, trop 1er degré. Il n'empêche, chaque élément a une véritable raison d'être dans la séquence, y compris dans ses toutes dernières secondes. Et quand, enfin, la bande elle s'arrête, Lillian va se retrouver nimbée de lumière blanche... mais c'est juste Michael qui ouvre la porte, faisant pénétrer la luminosité du dehors, pour découvrir le corps sans vie de sa partenaire. 

    Alors, tant pis si la vision finale de ce mystérieux enregistrement du voyage entre la vie et la mort décevra par son classicisme : ces seules cinq minutes terrassantes resteront dans les mémoires.

    A lire : la critique de DevilDead et la très belle chronique du score de James Horner chez Underscores.

  • Un film, une séquence (1/2) : Brainstorm (1983)

    Le dernier voyage de Lillian

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    Brainstorm est le deuxième et dernier film de cinéma de Douglas Trumbull, légende vivante des effets spéciaux, ses travaux précurseurs sur 2001, l'odyssée de l'espace (1968) ayant été récompensés. A l'heure de Brainstorm, il a derrière lui l'expérience de Silent Running, film de SF écolo qu'il a réalisé, avec Bruce Dern dans le rôle principal. Peu de succès au rendez-vous, hélas, pour un film au scénario pourtant abouti et aux effets spéciaux convaincants.

    Brainstorm est centré sur l'idée d'un dispositif permettant d'enregistrer les sensations perçues par tous les sens d'un individu, et de les restituer à un autre grâce à un casque, comme si ce dernier vivait la séquence à la première personne ; ces scènes donnant lieu à des vues en caméra subjective (représentant une poignée de minutes sur la durée du film), dans un format large, alors que le reste du film reste coincé dans un format plus carré. Ceux qui n'ont pas vu le film auront peut-être un air de déjà vu, James Cameron s'étant grandement inspiré de Brainstorm pour le scénario de Strange Days (1995) que réalisa sa compagne d'alors, Cathryn Bigelow. Une séquence a tout particulièrement attiré mon attention, celle de la mort de Lillian, personnage joué par Louise Fletcher (l'exécrable infirmière Ratched dans Vol au dessus d'un nid de coucou, de Milos Forman), événement qui trouve tout son sens par rapport à l'appareil central du film. Séquence à la fois intimiste et opératique, sombre et lumineuse.

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    Au bout de 50 minutes de film, qui nous montrent entre autres la relation entre Michael le scientifique (Christopher Walken), son ex-femme avec qui des liens renaissent (Natalie Wood, dans son dernier rôle avant de disparaître tragiquement) et son actuelle compagne aussi scientifique (Louise Fletcher), on retrouve cette dernière, seule dans le laboratoire, grande pièce truffée d'appareillages en tous genres. La séquence dure 4 minutes 30 secondes pour 25 plans, et est majoritairement composé de plans assez longs, entrecoupés d'autres très courts accélérant soudain le rythme. La colonne vertébrale de la séquence est la somptueuse musique composée par James Horner, mêlant symphonie tragique et choeur d'enfants mystique, qui transmet à cette suite de plans une force tonitruante et ravageuse.

    Un travelling latéral nous présente donc Lillian seule au milieu de ce grand laboratoire, s'affairant dans un temps qu'on ne saurait définir (jour ? nuit ?), l'espace étant en grande partie dans la pénombre. On entend en sourdine la voix d'une femme chantant un air d'opéra. Lillian travaille, dans la solitude du scientifique, à l'écart du monde extérieur.

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    Dès le second plan, alors que cette petite musique, au ton lent, continue de soutenir la concentration du personnage, cette dernière s'offre un instant de détente, puis éprouve une légère douleur à la poitrine. De manière très calme, sans douleurs apparentes, elle prend un de ses cachets ; rien de grave, vraiment. Elle est assise, cernée par les différents appareils, écrans, bande d'enregistrement, claviers, qui l'emprisonnent, la découpent dans l'espace. La menace est invisible, n'apparait pas flagrante, tel un couperet à l'image, mais est bien présente. Le plan va à l'encontre d'une scène choc, cadrant fixement une personne tout aussi immobile. La cantatrice fait toujours résonner sa voix puissante, pour ce qui se révèlera être une source de sons diégétique, présente au sein même de l'action, puisqu'un plan quelques secondes plus tard viendra cadrer une radio, que fait accidentellement tomber Lillian. Événement qui va donner un coup d'accélérateur à la séquence... La suite

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    Sources images : dvd Warner Bros.

  • La Forteresse noire (1983)

    Un film de Michael Mann

    5241807639_4659a14066_m.jpgUn autre monde ; une réalité alternative, à l'atmosphère étouffée par une brume omniprésente, d'où surgissent les parois irrégulières et menaçantes d'une forteresse, lieu quasi-unique de l'action. C'est la proposition audacieuse - le mot est faible - que nous fait Michael Mann, qui commence comme un film sur la guerre (en 1943, les nazis investissent un mystérieux domaine fortifié), se déroule comme un film fantastique et finit en tragédie aux résonances mythologiques, allégorie sur la lutte éternelle entre le bien et le mal. Ne sachant rien du film avant sa vision (si ce n'est son aura de film maudit, écourté de moitié par le studio, et invisible en DVD), ce dernier m'a retourné, estomaqué, captivé, du premier au dernier instant. La surprise y est pour beaucoup, mais pas que.

    La forteresse en elle-même est ahurissante, avalant la lumière du cadre, plongeant dans une pénombre d'ébène les protagonistes, les étouffant, les anéantissant. Le film aurait pu se dérouler au moyen-êge ou dans l'Antiquité, peu de choses en seraient sorties modifiée, tellement peu d'éléments de décors extérieurs entrant dans le cadre (l'hôtel où séjourne Eva). La place de la forteresse dans la construction cinématographique du film me rappelle celle du MacBeth de Welles, hantant les grottes antédiluviennes de son château. Hautement symbolique et aux propriétés étonnantes, la forteresse, qui donne son nom au titre en franças comme en version originale (The Keep), est bosselée sur le dehors, laissant voir des points d'appui, et entièrement lisse sur le dedans... Elle protège donc, contrairement à l'usage commun, l'extérieur contre une menace enfermée à l'intérieur. Avides de richesses, des militaires nazis entreprennent de voler une croix d'argent, mais libèrent par la même occasion une puissance maléfique sur les environs. Rien que pour la forteresse, le film vaut le coup d'oeil. Mais c'est sans compter le look de la fameuse puissance maléfique, dessinée par Enki Bilal et très influencé par le groupe formé dans Métal Hurlant : on retrouve dans l'allure de l'entité les yeux rouges typiques des dessins de Druillet, qui passe assez bien à l'écran. Sa première apparition, enveloppé de volutes de fumée, est saisissante.

    Le film n'a, malheureusement, pas que des côtés positifs : sa musique ne joue pas en sa faveur (c'est Tangerine Dreams aux claviers, pour une sauce "synthétiseurs tous azimuts" très en vogue à l'époque, remember Moroder ou Vangelis) ; les coupes dans la narration sont parfois cruellement visibles, comme la progression (quelle progression ?) de la romance entre Eva et Glaeken. La tenue visuelle du film, bien que soignée, renvoie à une esthétique tenant plus du clip tape-à-l'oeil, couleurs fluos et machines à fumée à tous les étages, qu'à d'autres choses plus cinématographiques. Mais c'était les années 80, et Mann a montré qu'avec une esthétique eighties et  de la maîtrise, il a pu façonner un très bon Sixième Sens.

    Grâce à une utilisation intelligente de son concept et de la toile de fond, le film fonctionne comme un conte, revendiquant à plein tube une certaine artificialité pour toucher à la nature des mythes, à une abstraction nécessaire imposée par le décor. Nous faire entrer dans un autre monde, un monde qui connaît, comme l'humanité a connu, des croque-mitaines de cauchemar bien réels. Note pour plus tard (mais pas trop quand même) : lire le roman à l'origine du film, Le dongeon, de Francis Paul Wilson.

  • Forbidden Zone (1980)

    Un film de Richard Elfman

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    Quelle ne fut pas ma surprise de voir programmé, à la MJC de Novel d’Annecy, ce film inclassable à l’acide parfum de culte qu’est Forbidden Zone, rare film du frère de Danny Elfman ; à l’année, la programmation de cinéma de patrimoine dans la ville est tout de même anémique, c’est le moins que l’on puisse dire, malgré son glorieux passé cinéphile. C’est donc avec une joie non dissimulée que j’entrais dans la salle ce mercredi, pour pouvoir découvrir ce Forbidden Zone dont la sortie vidéo quelques années auparavant par Le chat qui fume m’avait alléchée.

    Devant un public d’irréductibles, somme toute réduit, se déroule la bande tant convoitée. Noir et blanc, format 4 :3, une maison en carton pâte, sur lequel un autre (carton) nous dicte le faible argument : au sous-sol de cette maison, il y a une porte. Derrière cette porte, se cache la redoutée 6ème dimension, aussi appelée… la Forbidden Zone. La musique tonitruante de Elfman frère (le connu) et de ses Oingo Boingo, sorte de New-Wave pop gothique (qui me rappelle aussi Oui-Oui, le groupe créé par Michel Gondry) sert de catalyseur dynamitant le film de l’intérieur.

    Une famille de dégénérés (celle qui vit juste au-dessus de la fameuse porte) va donc se retrouver aux prises avec cette fameuse Forbidden Zone. Femmes fouettées, institutrice adepte de la mitraille, amours contre-nature (un crapaud, ça vous tente ?), chandeliers planant, reine digne de Alice au pays des merveilles avec son petit roi obsédé sexuel (Hervé Villechaize de la série L'île fantastique), à l’instar de tous les personnages du film, c’est un défilé non-stop de personnages et situations délirants. La joyeuse farandole, tantôt dansée, tantôt criée, nous prend par la main pour que l’on vibre avec elle, d’un rire d’enfant pas sage face à d’autres qui s’en donnent à cœur joie. La break dance, exécutée par une caricature de mac dans une salle de classe, conjugue ainsi beauté du geste et apparente désinvolture, donnant vie à un amusement public de haut vol.

    On se croirait passager d’un train foutraque conduit par Ed Wood, et l’on imaginerait bien Thor Johnson, le colosse chauve, débarquer avec sa peau de bête. Le passage de l’entre-deux mondes, une sorte de trou du lapin sorti d’Alice au Pays des merveilles, là encore, prend l’apparence d’un intestin, d’où les heureux voyageurs sortent en vociférant "Shit !" dans un bruitage sans équivoque.

    Et, quand on rencontre enfin le taulier, c’est une taulière, toute droite sortie d’un film de John Waters (ou de Russ Meyer), sexuelle et enragée. Forbidden Zone mène sa barque à un train surréaliste, ballade onirique où les vitres sont faites en papier mâché. La galerie de portraits est, elle, déjantée pour de vraie, le freak délicieusement joyeux. Du culte concentré sur pellicule, avec une bonne barre de rire en sus ; un mélange qui déménage et fait bien plaisir, bousculant les normes (qu’est-ce qu’un film ?) et la normalité, thème que Danny Elfman continuera d’illustrer avec bonheur, notamment dans l’excellent Batman, le défi et son pingouin libidineux.