Un film de Clint Eastwood
Clint Eastwood réalise L'épreuve de force (The Gauntlet) en 1977 ; L’inspecteur Harry en est alors à un troisième épisode qui n’a plus grand chose à voir avec le concept de base (le personnage devient limite comique), et Ben Shockley - Eastwood, personnage principal de L'épreuve de force, symbolise un peu le nouveau Harry. Dans cette histoire de transfert de prisonnière qui tourne à la mission-suicide, nombreuses sont les similitudes entre l'inspecteur Harry et Shockley, policier alcoolo et négligé ; au début du film, son collègue lui demande de faire attention à sa tenue et au moins, de se raser. On se souvent d'une réplique similaire dans le premier Inspecteur Harry, où c'était sa coupe de cheveux qui était pointée du doigt. Ici, toujours aidé d’une petite fiole de whisky, il est utilisé par ses supérieurs pour faire capoter un procès, ces derniers pensant qu'il n’arrivera jamais à mener à bien sa mission. C’est vrai qu'il n’est pas aidé par la prisonnière, une jeune femme irascible qui le met en garde contre les dangers du transfert ; les policiers, pourris, ne l'aident guère, allant même jusqu'à lui tendre une embuscade dans la maison isolée de la prisonnière. Première scène over the top : une armada de policiers fait un véritable carton en prenant pour cible l'habitation, qui finira, criblée de balles, par s’effondrer. On est dans la surenchère la plus totale en ce qui concerne les fusillades, qui s’offriront un bouquet final lors d'une ultime séquence surréaliste.
Enchaînement non-stop de course-poursuites (en voiture, à moto, en bus !), de rencontres louches et d’une violence sèche digne du film noir lors de la narration que Gus, la prisonnière, fait de son viol, le film s'inscrit également dans la veine d'un western moderne, avec ces étendues désertiques à perte de vue. La façon dont le couple doit affronter les épreuves, se préparant un véritable char d'assaut pour la séquence finale (2ème séquence énorme) rappelle les duels au six-coups chers à la mythologie de l’Ouest, avec en prime un éloge à la détermination et au dépassement de soi. Shockley, tête brûlée, est un personnage que la vie a perdu en route, et qu'il va retrouver grâce à la prisonnière. Sondra Locke, qui avait déjà tourné pour Eastwood dans Josey Wales et qu'il retrouvera aussi pour Le retour de l'inspecteur Harry, est intéressante dans l’expression de sa nervosité et de son regard halluciné ; elle exprime bien toute l’urgence et la démesure, voire l'absurdité de la situation. L'association des deux tempéraments, assez antinomiques, donne certaines scènes de disputes assez réalistes. A l'époque, ensemble dans la vie, le couple se doit ici de finir par bien s'entendre... Doté d'une réalisation classique qui met vraiment en valeur les lieux désolés comme les atmosphères plus urbaines, L'épreuve de force fait figure de road-movie déjanté en même temps qu'actioner bourrin, témoin d’une époque où les films d’actions assumaient au premier degré leur côté too much.