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  • Dossier : La planète des singes (1968) - troisième partie

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    A l'origine, les babouins devaient figurer la quatrième race de singes, qui aurait constitué les singes les plus opprimés ; cette idée fut néanmoins abandonnée, peut-être pour rendre la parabole moins transparente qu'elle ne l'aurait été. Cela paraît plutôt logique, tant cette "quatrième race" peut être entendue comme celle des humains, réduits à l'état... d'animaux.

    La hiérarchie n'est pour autant pas figée, et l'on pressent que les gorilles vont faire parler leur instinct guerrier lorsque la véritable nature de Taylor sera révélée. Pareillement, Zira, à l'aune des résultats de ses travaux, ne peut que contester la croyance en laquelle l'homme n'a aucune intelligence : l'arrivée de Taylor est une aubaine scientifique qu'elle ne laissera pas passer. Il va sans dire que Zira est avant tout fasciné par cet humain, auquel elle trouve de beaux yeux. Cornelius, de son côté, est bien plus prudent, et tend à minorer les faits révolutionnaires induits par l'arrivée de l'étranger (la fabrication de l'avion en papier, son langage instruit). Cette dynamique aura tendance à s'équilibrer lors de la fameuse scène du procès, au cours duquel Cornélius fait part de son expédition dans la Zone Interdite.

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    La scène du procès stigmatise la suppression de la liberté de parole et de mouvement, les tensions entre science et religion, entre croyance et faits, les mensonges officiels cachant la vérité au plus grand nombre (voir le drôle de plan singeant la repésentation des trois singes de la sagesse). Cette scène trouve un écho évident dans la croisade du sénateur McCarthy, dont Michael Wilson, le scénariste, a fait les frais, tout comme l'actrice Kim Hunter. 

    Un travail visuel de premier ordre épaule cette allégorie : la ville des singes est inspirée des cités troglodytiques de Turquie, dessinant un époque moyen-âgeuse, raccord avec les costumes et les armes, les matériaux utilisés. Cette époque, voulue par les producteurs (une ville futuriste comme dans le roman aurait été bien trop coûteuse), ajoute à la puissance du film par son décalage. Décalage d'avec le monde réel, avec celui qu'a quitté Taylor, et enfin brouillage du genre de l'anticipation, qui veut qu'un voyage dans le futur (nous sommes en 3978) soit accompagné d'un monde au décor ad hoc. 

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    Les maquillages prodigieux de John Chambers (ancien prothésiste dans l'armée) participent grandement de l'ancrage du film dans les consciences. Simples et ciné-géniques en diable, elles laissent voir l'identité des acteurs sous le masque (aspect qu'a peaufiner Rick Baker jusqu'à la perfection dans La planète des singes de Tim Burton, la seule chose valable là-dedans d'ailleurs). Chambers, qui gagna un oscar d'honneur pour son travail, aura fait dans le même temps progresser la reconnaissance de ce type d'effet spécial, depuis lors récompensé dans une catégorie à part entière chaque année pour la cérémonie des Oscar. Et ce n'est qu'un des nombreux apport de ce séminal film de SF... 

    La planète des singes - partie 1

    La planète des singes - partie 2

  • Dossier : La planète des singes (1968) - deuxième partie

    6069091604_890ebca909.jpgLe lent cheminement qui accompagne le spectateur dans sa découverte a pour modèle le King Kong de 1933. Le producteur, Jacobs, voudrait accélérer les choses, mais se range finalement à l'avis de Schaffner, pour qui cette première étape fait partie d'un tout indissociable jusqu'à la vision du premier singe : une régression progressive des hommes. Ceux-ci, minuscules êtres face au gigantisme de la nature (roches, étendues désertiques) et à ses pouvoirs (orage tonitruant, chutes de pierres), sont loin de l'image du pionnier que l'on a entrevu dans la scène pré-générique.

    Une caméra mobile suit leur pérégrinations, et permet de montrer ce qu'ils ne voient pas (des êtres ont repérés leur arrivée et les suivent à  la trace). Assoiffés, ils commencent à perdre confiance, et l'on se demande si la folie ne commence pas à frapper à la porte de l'un d'eux, lorsqu'il plante un drapeau miniature dans la terre de la nouvelle planète. Plus loin, le petit groupe peut apprécier un moment de détente au détour d'un lac. Désormais nus, passant d'astronautes à hommes sans étiquette, il se défont d'une part supplémentaire de leur humanité civilisée ; leurs vêtements sont dérobés. Enfin, en suivant les guenilles laissés sur un sentier, tels des cailloux semés par un chaperon bienveillant (mais peu soigneux), il arrivent à la plantation de maïs où il découvrent hommes et femmes habillés de seules peaux de bêtes. L'esprit de conquête, comme un réflexe pavlovien, resurgit et fait dire à Taylor : "s'ils ne sont pas plus agressifs que ça, dans six mois nous sommes les maîtres de cette planète". 

    L'esprit conquérant, indissociable de l'homme (et de la mythologie américaine), est mis à mal de façon fulgurante lors de la première apparition des singes. Ils sont les maîtres de cette terre où les humains fuient au seul bruit - des coups de feu, un cri de ralliement - de leur approche... Cette apparition progressive est très belle, ménageant un suspense alors même que la nature de ces personnages est inscrite dans le titre. Leur capacité à parler sera, plus loin, l'ultime preuve de leur avance, alors que les humains semblent privés de cette possibilité. Même les ex-astronautes se font prendre dans la rafle : la perte de leur nature d'êtres civilisés est alors avérée, et renforcée par la perte de parole de Taylor, atteint à la gorge par un tir de singe.

    Le personnage de Taylor est rendu antipathique, et ce dès la première séquence ; il est blasé et cynique, réduisant à néant les espoirs de ces compagnons d'infortune. L'unique membre féminin de l'équipe, que le voyage interstellaire a tué, n'a pas droit à plus d'égards. Plus tard, lorsque Nova, jolie autochtone, lui tiendra compagnie, il la considère comme un animal sans cervelle et l'envoie bouler à la première occasion. Sa faiblesse par rapport aux singes est encore appuyée lorsqu'il se fait facilement reprendre ; comme si le règne sans partage de l'homme sur la terre était révolu. Ce n'est qu'après avoir souffert les mauvais traitements des singes et pris conscience de la place qu'il prendrait dans cette société, que le héros américain renaîtra. Heston / Taylor redeviendra le défenseur des valeurs humaines, lui qui les méprisait au début du film : Heston retrouve Heston.

    La civilisation que Taylor découvre est magistrale toute aussi organisée que celle qu'il a quittée : les orangs-outans incarne le pouvoir politique et religieux, qui commande aux armées - les gorilles sont les militaires, en accord avec leur impressionnante carrure. Un peu à l'écart, les chimpanzés incarnent la caste des intellectuels, dont Cornelius (Roddy McDowall) et Zira (Kim Hunter) sont les premiers représentants. Scientifiques, ils ont une vue plus tolérante envers les humains, Zira la première, qui les a pris comme sujet d'étude. Cette attitude de recherche l'amène à considérer l'homme presque comme une personne à part entière. 

    Dossier la planète des singes - partie 1

    Dossier La planète des singes - partie 3

  • Dossier : La planète des singes (1968) - première partie

    Un film de Franklin J. Schaffner

    6069008038_188bc19228_m.jpg10 Août 1967. Après trois mois de tournage, une dernière scène est tournée pour le prochain film de la 20th Century Fox, La planète des singes, adapté du roman à succès de Pierre Boulle. Il s'agit du prologue du film. Charlton Heston interprète Taylor, le commandant d'une expédition spatiale. Il aura son mot à dire sur beaucoup d'aspects du film, notamment sur le choix du réalisateur Franklin J. Schaffner, qu'il conseille en remplacement de J. Lee Thompson, initialement prévu ; bonne idée. Lors du tournage de la dernière scène, où Taylor ajuste les paramètres de navigation du vaisseau et enregistre un dernier message ("[…] Une question cependant : est-ce que l'homme, cette merveille de l'univers, ce paradoxe plein de gloire qui m'envoie parmi les étoiles, fait toujours la guerre à son  frère ? Affame les enfants de son voisin ?"), il se rend dans son caisson d'isolation et ne doit être tiré de son sommeil que bien plus tard. Alors que l'équipage se réveille enfin, leur barbe a poussé, témoin de l'écoulement du temps. Une autre idée de Charlton Heston, rapidement adoptée. Sauf que... leurs cheveux n'ont pas poussés ! Une petite incohérence qui ne viendra pas gâcher la magnifique aberration darwinienne qu'incarne La planète des singes : un voyage aux confins de l'espace dans lequel on ne parle malgré tout que de l'humain...

    La planète des singes, future saga parmi les plus rentables de la 20th Century Fox, faillit ne pas voir le jour : il s’avéra difficile de convaincre les exécutifs du studio, ces derniers jugeant le scénario trop fantaisiste, malgré l'implication de Charlton Heston. La science-fiction n'est pas en vogue, tout simplement, en cette deuxième moitié de décennie 60. Le succès du Voyage fantastique, en 1966, accélère les choses et La planète des singes a son feu vert. Le film devint le premier à exploiter ses personnages via un merchandising complet (affiches, t-shirts, jouets, …), bien avant Les dents de la mer (Steven Spielberg, 1975) ou Star Wars (George Lucas, 1977).

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    Roddy McDowall entre deux plans


    "Les choses ne pouvant être dites par un homme politique peuvent l'être par un martien"

    Rod Serling

    Charles Eastman, puis Michael Wilson, et enfin Rod Serling se succèdent au scénario. C'est à Wilson que l'on doit la plus belle réussite de ce qui en découle, l'aspect politique et social, qui transpire du film et donne sa chair à la narration. Il ne sera pourtant pas crédité au générique, la chasse aux sorcières alors en vigueur ne faisant que peu de cas du talent des personnes qu'elle vise. La planète des singes déroule une allégorie puissante sur les rapports de classe, la dissimulation d'information capitales afin d'asseoir la domination politique, bref, entreprend de mettre au jour les travers les plus universels de l'humain, tout en proposant un spectacle jouissif à l'imagerie visionnaire. Rod Serling est familier des paraboles politiques et des allégories des sociétés civilisées. On retrouve dans La planète des singes les thèmes récurrents de sa série, La Quatrième dimension : la solitude et un paysage désolé dans Le solitaire, les hommes découvrant une autre planète et en deviennent les prisonniers dans Tous les gens sont partout semblables. Le rôle principal de cet épisode estomaquant n'est autre que Roddy McDowall, Cornélius dans La planète des singes ! C'est à Serling que l'on doit la scène finale, qui ancre définitivement le film dans les consciences, comme le sont aussi certains des meilleurs épisodes de sa série.

    Le film commence lentement, installant une atmosphère inédite dès son générique d'ouverture. La musique de Jerry Goldmith, sur fond de galaxies d'étoiles se distordant sous l'effet de la vitesse de l'aéronef, étonne. Une suite de notes sans gradation mélodique, puis des percussions, parfois rapides, parfois laissant des blancs, trace une musique atonale et sérielle, la première dans l'histoire des bandes originales à Hollywood. Belle idée, tant elle donne corps à l'étrangeté, à un ailleurs aux contours flous dissimulés du voile dont sont faits les mystères. Une fois arrivés, tant bien que mal, sur une planète aride (le vaisseau qui s'enfonce dans le lac donne l'occasion à Schaffner d’échafauder de magnifiques plans aériens, comme si des rapaces invisibles cernaient leur proie), trois astronautes progressent à travers des paysages désolés, sous le regard amer de Taylor.

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    La suite : La planète des singes - partie 2

    La planète des singes - partie 3

  • Le Masque de Fu Manchu (1965)

    Cliquez sur l'image ci-dessous pour accéder à la chronique :

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  • La Gorgone (1964)

    Cliquer sur l'image pour consulter la chronique du film de Terence Fisher, La Gorgone (1964) :

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