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  • La blonde explosive (1957)

    Un film de Frank Tashlin

    208_194106.jpgRéalisé dans la foulée du très drôle La blonde et moi (The Girl Can't Help It) déjà avec Jayne Mansfield, La blonde explosive alias Will Success Spoil Rock Hunter met la barre plus haut. Livrant une critique acerbe de la télévision et de la publicité, Tashlin aligne dès son excellent générique des vignettes qui font mouche : la démonstratrice s'arrache des touffes de cheveux en peignant sa chevelure traité au shampoing corrosif, la ménagère lave sa vaisselle avec un produit radioactif (!), ...  Si le ton est donné, il ne sera pas si déjanté que celui de La blonde et moi ; les gags visuels sont présents mais ne constituent qu'une partie congrue du métrage. Tourné dans un beau Cinémascope, mettant en valeur chaque décor, chaque texture dans un ensemble stylisé -nous sommes dans le milieu des publicistes, dont le look a du servir de référence dans la série Mad Men- le film rapelle le chef d'oeuvre Sept ans de réflexion (Billy Wilder, 1955), tiré du même auteur.

    La composition de Jayne Mansfield, tout en cris et soupirs de jeune starlette, est difficilement supportable sans un second degré constant. Il n'est pas pour autant unidimensionnel : elle maîtrise finalement tout le jeu médiatique créé autour d'elle, jouant de son attractivité sexuelle (même le héros, qui ne cessera d'aimer sa promise, est sous le charme - voir la courte séquence après son baiser, où tel un somnabule, il manque de se faire renverser). Saisissant à bras le corps les idéaux de beautés féminines et de réussite sociale, Tashlin réussit, dans un film volontairement too much porté par des caricatures, à dessiner des trajectoire intéressantes pour les personnages, dont chacun sort grandis. Oui, l'on aura droit au bon vieux happy end, mais pas forcément celui que l'on pourrait d'abord imaginer. La critique sociale pointe son nez dès qu'elle le peut (aliénation de l'individu par le travail, prépondérance de l'acomplissement personnel par le matériel, obsession de la réussite sous toutes ses formes), l'humour qui s'en dégage n'étant que plus percutant. Les visages sont radieux, les décors saturés de couleurs, (presque) tout paraît... conforme. Si ce n'est ces trouvailles visuelles qui doivent beaucoup au passé d'animateur pour la Warner. Pop corn qui explose sous l'effet du désir, un ersatz de Tarzan qui perd ses poils, ... Les idées fusent, jusqu'à inclure un nombre impressionnant de références cinématographique sur le panorama d'alors (dont sur La blonde et moi, plusieurs fois cité !). Lorsqu'un réalisateur en arrive à faire des auto-citations, c'est qu'il a tout de même un univers bien ancré, identifiable. et dans cet univers, on y retournerais bien... pour se replonger dans la sophistication jubilatoire de l'ensemble, un cocktail bien frappé digne des meilleures comédies de situation !

  • L'étoffe des héros (1983)

    Un film de Philip Kaufman

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    Philip Kaufman, réalisateur plutôt rare (12 films en 40 ans), aura sûrement atteint son meilleur avec L'étoffe des héros, récit au long cours suivant les quelques pilotes américains qui permirent les débuts couronnés de succès de la conquête spatiale. Ainsi Chuck Yeager (premier homme à franchir le "mur du son" dans un bruit assourdissant qui a étonné les gens d'alors), John Glenn, Alan Shepard, Gordon Cooper, Virgil Greesom et Walter Schirra furent recrutés pour participer au programme Mercury, dont le but était d'envoyer des hommes dans l'espace.

    Adaptant lui-même un livre de Tom Wolfe, Kaufman a la bonne idée de ne pas entrer tout de suite dans le vif du sujet, mais plutôt de développer les personnages au travers de leur carrière d'origine, des pilotes de vitesse. Risquant leur vie pour le dépassement de soi, ils poursuivent tous la performance ultime, celle qui restera dans les mémoires. Ainsi, Yeager (Sam Shepard) se livrera à une course à la performance pour conserver son titre d'"homme le plus vite du monde" ; elle fera écho à la course à l'espace, puis course à la Lune que se livreront les Etats-Unis et la Russie. De même l'esprit de compétition sous-tend tout le film et s'illustre à de nombreuses reprises ; les éprouvants tests d'entrée dans la NASA en font évidemment partie, entre une Durant ses séquences de vol, l'impression de vitesse, comme celle du danger, est particulièrement palpable : utilisation des sons off, cadrages serrés des pilots dans leur cockpits, premier plan défilant sur fond statique -les nuages-, plans brefs et survoltés d'une caméra comme en roue libre -lors des pertes de contrôles des appareils. Dans ces moments, on comprend bien la dose d'inconscience qu'il est nécessaire d'avoir pour dépasser certaines limites ; car, pour faire ce qu'aucun homme auparavant n'a tenté, il faut qu'ils aient un petit grain de folie.

    Pour incarner ces véritables kamikazes, là encore Kaufman signe un grand casting : des tronches de cinéma et des tempéraments bien trempés, à commencer par Dennis Quaid avec son air un peu fou, Scott Glenn tout en colère rentrée, et Sam Shepard, la force tranquille. La sensation de groupe constitué et solidaire est prégnante, ainsi qu'une empathie généralisée. Ces critères fondent l'adhésion à l'élan patriotique des héros, qui est somme toute assez risqué en fiction. 

    Kaufman signe donc un récit au long cours (3h05 au compteur tout de même), qui passe comme un éclair, alternant entre les destinées personnelles et communes, l'Histoire en train de s'écrire en même temps que celle, pas moins importante, de ses fondateurs. L'autre bonne idée du réalisateur est d'immiscer de temps à autres des images d'archives sur les débuts de la conquête spatiale. Si la démarche n'est en rien nouvele, elle atteint ici une sorte de perfection dans la façon que ces images ont de coller parfaitement au reste de la fiction, comme si, par elles, le film entier prenait un air de documentaire, magnifié par la rhétorique cinématographique. Décors reconstruits à l'identique, intervention de personnages célèbres (JFK, Gagarine), L'étoffe des héros est ainsi deux films en un. Une réussite incontestable à tous les niveaux.

    Un sujet trouve un réalisateur, à un moment donné dans sa carrière. A ce moment-là, L'étoffe des héros est apparue, une étoffe que possède, à n'en point douter, Kaufman, qui n'a, de plus, pas que ce titre de gloire à son actif (L'invasion des profanateurs, L'insoutenable légèreté de l'être).