Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Chasseurs de dragons (2008)

    Un film de Arthur Qwak & Guillaume Ivernel

    3999940953_2f0c16e335_m.jpgJ’aime le cinéma d’animation. L’univers de tous les possibles, qui a inspiré au cinéma de prises de vues réelles ses plus extravagantes visions, via les différentes possibilités de trucages qu’il permet. Quand on aime l’animation, on en peut que saluer la réussite évidente de ces Chasseurs de dragons, ambitieuse production hexagonale -adaptée d'une série d'animation- que j’avais trouvée originale et éminemment sympathique lors de sa projection en salles. Après quelques visions en DVD, voici la première en HD, grâce au blu-ray édité chez Bac Vidéo. Force est de constater que l’habillage visuel du film, tout en image de synthèse, trouve son juste écrin sur le support HD.

    Il serait dommage de réduire le film à une banale succession d’actions propres à mettre en valeur les chasseurs et leurs proies, comme le laisse entendre un titre par ailleurs trop passe-partout. Il se dégage du métrage une atmosphère beaucoup plus étrange et étonnante qu’on pourrait le croire, notamment par l’intermédiaire d’un décor tout bonnement fantastique, auquel échoue le premier rôle, loin devant tous les autres. Terre en apesanteur, bâtisses qui se délitent et dont les débris sont, eux aussi, soumis à une gravité particulière, entraînent le spectateur sur le sentier d’une poésie apocalyptique singulière. Le monde du merveilleux, dans lequel baigne le récit, trouve ici un digne représentant cinématographique français, occasion assez rare pour la signaler. Le visuel combiné des décors et d’un bestiaire fantastique foisonnant (la chenille, les effrayants "dragons gégènes", la nuée rouge, le dragon final) donne à voir une richesse et une finesse apportée au visuel comme rarement. De plus, la musique accompagnant les images possède un pouvoir évocateur certain, notamment lors d’un sublime passage mélancolique du groupe Jalan Jalan, aérien, accalmie au cœur de la tempête (de l’action, des mots, des monstres), petit joyau de relation image / son. Cette dernière me rappelle Ghost in the Shell de Mamoru Oshii (1995), où, après une première demi-heure très chargée en action, le major Kusanagi déambule dans les rues d’un Tokyo futuriste, au ralenti, épaulée par une musique au ton et objectif cinématographique similaires (même si les implications psychologiques sont différentes).

    Film d’images, Chasseurs de dragons est aussi fait de personnages et de mots. Personnages bien caractérisés, bien distribués (Vincent Lindon et Patrick Timsit sont parfaits), entre lesquels une vraie complicité voit le jour. Sans parler de la petite Zoé, contrepoint enfantin dans un monde de cupidité dont Gwizdo (Timsit) se fait le porte-parole ultime. Les phrases cultes s’entrechoquent ("Mais... reste pas à portée de vomi !" "Allez ! on va ramasser la caillasse à tonton !") dans une course au bon mot qui est remporté haut la main par Timsit -toujours lui- au mieux de sa forme. Son personnage, toute proportions gardées, ressemble à celui de Crapoux, que l’acteur incarnait dans Azur et Asmar (Michel Ocelot, 2006). Les lunettes à double foyer, ainsi qu’une forte attirance pour tout ce qui touche à l’argent, fondent les deux personnages.

    Même si l’histoire est relativement simple -deux hommes errants et une fillette vont tenter de terrasser le bouffe-monde, créature apocalyptique qui signe l’arrêt de mort prochain de toute vie-, l’amorce de mise en abîme est suffisamment suggérée (le héros de la jeune Zoé est Chevalier Gothique, dont les aventures et l’apparence sont assez similaires avec Lian-Chu, le chasseur de dragon), pas trop exagérée pour donner un vrai relief à l’ensemble.

    Film d’ambiance, c’est celle-ci qui nous emporte à la re-vision, Chasseurs de dragons se bonifie à chaque vision, ce qui semble indiquer que le duo de créateurs a réussi son pari en adaptant leur série d’animation pour le grand écran.

  • Doux oiseau de jeunesse (1962)

    Un film de Richard Brooks

    3993653960_54c071e0cd_m.jpgAdaptation du dramaturge Tennessee Williams, le film est représentatif de son oeuvre : tendue, constamment sur la corde, regardant les comportements et les relations humaines là où ça fait mal. Les intrigues font la part belle aux secrets de famille et à l'impossibilité de communiquer, fêlures qui cassent les personnages de l’intérieur. Ici, Paul Newman incarne un homme qui se rêve vedette, tout au au-delà figé, et qui pense pouvoir arriver à se rêve en faisant le gigolo. Son inspiration n'est jamais clairement énoncée ou expliquée, ce qui laisse le personnage dans un flou paralysant.  il veut vraisemblablement être acteur, courant après une audition. Dans ce cas-là, ses supposés talents de jeu ne sont jamais mis en valeur, ni même évoqués. En réalité le personnage n'est rien d'autre qu'un gigolo qui se vend auprès d'actrices qui, espère-t-il, lui permettront d'accéder à la notoriété, par un effet de ricochet extraordinaire.

    Le film tend un miroir peu flatteur à la face du rêve hollywoodien. Le récit connecte ainsi son flagrant désespoir, et sa folie latente, à l'immense Boulevard du crépuscule (1950) de Billy Wilder. Newman et Geraldine Page sont des bouteilles la mer, de pauvres diables à la dérive, perdus par leurs ambitions sans rapport avec leurs possibilités. Geraldine Page, paraissant, tout du long, la plus mal en point, cache en fait un Paul Newman manquant de perspectives, attendant toujours la réalisation d'un rêve qui dépend uniquement de la volonté des autres, non pas de la sienne. L'homme est bien fait, bien mis, au hâle parfait, soulignant par son aspect la toute-puissance de l'apparence, celle-la même qui fait régner les étoiles d'Hollywood Boulevard. Dans La chatte sur un toit brûlant, Paul Newman était faible, hanté par des maux invisibles, dont il joue ici une prolongation évidente. Son physique de jeune premier offre un beau contrepoids à son instabilité émotionnelle permanente. La fin du film, bien que différente et aseptisée comparée à celle de la pièce, et finalement cohérente thématiquement (même si elle aurait gagné à être plus sombre, plus raccord avec l'ambiance générale).

    Il est intéressant de situer la réussite des pièces de Williams (et dont les multiples adaptations pour le cinéma se font l'écho) dans la peinture acerbe d'une psychologie de la chambre. Les scènes les plus terribles, les plus éprouvantes psychologiquement pour les personnages, se situent de façon privilégiée dans ce temple de l'intimité qu'est la chambre. Ainsi, autour du lit, du chevet, voire de la garde-robe, ce nouent les drames les plus violents, les prises de consciences, les discussions les plus importantes. C'est particulièrement flagrant dans La chatte sur un toit brûlant (également réalisé par Richard Brooks en 1958), et ce Doux oiseau de jeunesse, bien que moins évident dans Le visage du plaisir (José Quintero, 1961). Dans La nuit de l'iguane (John Huston, 1964), Richard Burton, agenouillé dans sa chambre, conjure son dieu de le laisser tranquille avec ses addictions, alors que Sue Lyon, toujours dans son trip Lolita, fait son entrée ; la tension sexuelle est à son comble, tout se joue dans ce moment d’intimité, presque violé, presque à demi donné, voire demandé.

    Espace de la crudité des sentiments, l'oeuvre de Tennessee Williams passe bien dans ce cinéma américain des années 60, tant de la restructuration, de la reconstruction d'un système en péril. Le public y reconnaissait également une vérité, peut-être rarement atteinte, si ce n'est avec d'autres adaptations de dramaturges géniaux, tel Elia Kazan et son moite Baby Doll (1956). Un cinéma qui, aujourd'hui, paraît un peu lourd, son absence d'artifices lui faisant paradoxalement accuser le poids des ans. Reste toujours une force, certes peu solaire, mais s'épanouissant dans les craquelures du vernis, qui, si elles ne sont pas belles à voir, sont peut-être nécessaires.

  • La baronne de minuit (1939)

    Cliquer sur l'image pour consulter la chronique du film de Mitchell Leisen :

    3978786205_50bea79360_m.jpg