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Yakuza (1975)

Un film de Sydney Pollack

3221404413_371ebfdb9c.jpg?v=0Giri. Obligation morale, fardeau, parfois même Dieu : c’est la définition qui nous est donnée de ce mot dans le film, sans équivalent littéral dans d’autres langues. C’est aussi le cœur de son propos, qui nous plonge dans un Japon où les traditions ne veulent pas céder face à la modernité du monde qui les entourent. Si plongée est le mot juste, c’est qu’il ne s’agit nullement ici d’une représentation de pacotille uniquement basée sur un décorum cliché ; Pollack, en allant tourner au Japon et s’entourant d’une équipe quasi-exclusivement locale, arrive à une représentation de ce pays lointain qui apparaît extrêmement crédible, respectueuse, et jamais sacrifiée sur l’autel du spectaculaire ou des conventions cinématographiques.

Kilmer (Robert Mitchum, monolithique) rend service à un ami, dont la mafia japonaise a enlevé la fille, en retournant au Japon plaider sa cause : cette simple décision va l’engager sur une voie dangereuse, où l’honneur s’écrit en lettres de sang...

La rencontre des deux civilisations, contrairement à nombre de films qui cèdent à la dynamique de l’opposition, s’engage ici dès le premier instant dans un respect de l’occidental invité pour le pays d’accueil. Le personnage de Kilmer n’est pas novice, car il connaît très bien le Japon et les règles strictes qui le régissent. Mitchum et Ken Takakura forment un duo empreint de respect mutuel et de force morale tout à fait exceptionnel.

Le rythme du film est relativement lent, voire contemplatif, tout en étant tout à fait ancré dans le cinéma américain des années 70 : la tradition japonaise apparaît comme dépassée, elle qui aurait raté le coche d’une société progressiste et a plus de problèmes à résoudre que de joie à vivre l’instant présent. Très tourné vers le passé, avec en figure de proue un Robert Mitchum usé qui repart pour un dernier tour de piste, on peut noter la proximité du film avec le courant du film noir, alors en état de renaissance après un passage à vide dans les années 60. Kilmer est d’ailleurs un détective privé à la retraite, personnage-étendard du noir au fil des années (bien que peu représentatif). Tourné dans un 2.35 plus propice à l’horizontalité, le film arrive néanmoins à exploiter la verticalité des images, Pollack composant des plans à lignes de forces verticales, où réussissant à isoler une partie du cadre qui révèle une architecture verticale ; en ce sens, il illustre le sens d’écriture japonais. Le générique d’ouverture est d’ailleurs symptomatique de cette volonté.

Les rituels (notamment la façon de boire le thé) et autres pratiques martiales (maniement du sabre) sont exécutés et filmés avec une sorte de grâce qui force le respect : on imagine bien à ce moment-là Pollack derrière la caméra qui, émerveillé de découvrir ces manières ancestrales, arrive à les transmettre telles quelles, grâce à des choix toujours judicieux en ce qui concerne les échelles de plan, le rythme du montage ou l’éclairage de la scène, très soigné notamment dans les intérieurs de maisons japonaises.

Jamais cliché, ce très bon polar est à ranger aux côtés des autres chefs-d’œuvre des années 70 comme Le privé (Robert Altman, 1973), avec qui il partage ce parfum de film noir période 70's.

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