Un film de Terence Fisher
Troisième épisode de la saga Dracula renouvelée par la Hammer Film, Dracula Prince of Darkness est réalisé quelques 7 ans après le premier opus, récemment chroniqué (et de belle manière !) par Mariaque sur son EightDayzaWeek. Entre temps, Terence Fisher aura réalisé nombre de chef d’œuvres, dont Le chien des Baskerville (1959), La nuit du Loup garou (1961) et le très bon Les maîtresses de Dracula (1960), où, malgré le titre, le sanglant Comte n’apparaît pas, à la différence de Van Helsing, interprété comme dans le premier film par Peter Cushing.
Ce troisième essai ne m’avait pas vraiment plu à la première vision, il y a de ça quelques années, lors de la sortie en numérique d’une vingtaine de péloches estampillés Hammer chez Metropolitan Video (néanmoins, que grâce leur soit rendue pour ces découvertes en série). Ma préférence va plutôt vers l’originalité du cycle Frankenstein, du même Terence Fisher. Celui-là allait pourtant entreprendre avec ce Prince des ténèbres, une suite avec Christopher Lee en tête d'affiche, pourtant bien mort (décomposé, pourrait-on dire) devant nos yeux à la fin du Cauchemar de Dracula. Gageure qui, aujourd'hui, n'effraie aucun scénariste, ressuscitant à tour de bras certains personnages sans aucun états d'âme. Ainsi, Christopher Lee est bien peu présent dans ce film-ci, du à sa résurrection tardive (qui reste d'ailleurs la meilleure scène du film), mais également à cause de ces différends avec la production ; Lee reprochant une trop grande distance avec les écrits de Bram Stoker. On le verra donc une poignée de minutes, son rôle entier réduit à quelques borborygmes inintelligibles. Magie de la promo, c'est pourtant sur son nom qu’est vendu cette suite.
Comme pour confirmer sa parenté avec Le cauchemar..., grand succès de 1958, ce Dracula-là débute par la fin de l'autre film, montré au sein d'un voluptueux écran de fumée colorée. Dès lors, ce sont quatre jeunes gens, issus de l'aristocratie, qui vont, de leur plein gré, pénétrer dans le château sans vie du comte. Vide ? Pas si sûr, Klove, le serviteur à la mine patibulaire veillant au grain. L'absence du rôle-titre durant une grosse moitié du métrage donne la sensation bizarre au spectateur de se promener dans un décor fantôme, en attente de la star du show, subissant péniblement la naïveté des proies qui pensent que rien de mal ne va leur arriver. Le décor joue ici, peut-être plus que dans d'autres films Hammer, un rôle primordial, au vu de l'absence réelle de péripéties. La salle à manger, le corridor qui mène aux chambres, les rideaux de velours qui cachent des portes dérobées, tout cela est finement détaillé et, comme toute production Hammer qui se respecte, richement orné. C'est, comme on l'a dit, au moment de la résurrection de Dracula que le film commence véritablement. Mais il est un peu tard, et l'absence de dialogues signifiants précipite cette sensation de non-histoire, juste prétexte aux coups de dents bien sentis du cher comte.
Parmi tous les personnages, s'il y en a un qui est intéressant, c'est celui endossé par Barbara Shelley ; elle reste la seule qui est véritablement terrorisée par l'ambiance du château, celle qui refuse le plus cette aventure des plus macabres. La logique retorse du scénario voudra pourtant qu’elle soit choisie par Dracula pour être sa compagne. Le contraste entre sa terreur d'alors, et son plaisir d'après (les yeux mi-clos, dans une tunique vaporeuse) est l’évolution la plus signifiante du film, et la plus représentative du pouvoir charmeur et inéluctable du vampirisme. La scène où elle est faite vampire est d’ailleurs une des plus suggestive filmée chez Fisher, dont l’impact est tel qu’elle sera reprise telle quelle dans le Dracula de F.F. Coppola.
Ma première vision, bien que tempérée, n'était pas si erronée ;et ce, malgré le torrent d'éloges que se voit régulièrement offrir le film, alors que d'autres opus considérés comme mineurs (Dracula et les femmes, Freddie Francis, 1968) sont, à mes yeux, bien plus captivants.