Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

90's - Page 8

  • Le cheval venu de la mer (1992)

    Un film de Mike Newell

    3110098570_2376b321be.jpg?v=0

    Le cheval venu de la mer est réalisé en 1992, deux ans avant le triomphe du film suivant de Mike Newell, Quatre mariages et un enterrement. Ce n'est qu'à l’occasion de la sortie française de cette comédie que Le cheval venu de la mer nous parvint.

    Le film est un conte initiatique particulièrement fin dans les thèmes qu’il aborde, que ce soit le deuil, la mort, la famille ou bien l'appel de l’aventure. Le quotidien d’une famille de nomades irlandais est bouleversé par l'arrivée d’un magnifique cheval blanc. Le père, alcoolique (Gabriel Byrne, excellent), voit ainsi ses deux garçons partir à l'aventure à dos de cheval, à la découverte de leurs racines. Le film est à la fois une comédie et un conte sur fond de drame humain. La peinture des conditions de vie de la famille donnerait en effet froid dans le dos si elle n’était pas secondée par une musique folklorique sautillante et des images d'une beauté si simple qu’elle en deviendrait surréelle.

    Le titre français, comme le début du film, insiste sur la dimension fantastique du récit, à l'aide de l’apparition extraordinaire et du décalage entre le cheval et la civilisation qui l'accueille. Les premières images installent d’ailleurs le film dans une sorte d’intemporalité, mettant en présence la mer, une plage, le cheval, un vieil homme et sa calèche. Le choc de l'apparition des tours d’immeubles du quartier irlandais désolé duquel la famille est proche n'en devient que plus fort. Ce sentiment d'intemporalité pourrait bien nous conduire vers le Western, genre pour lequel le titre original (Into the west) a beaucoup d'importance. Les enfants sont marqués dès leur plus jeune âge par l’idéal du Cow-boy et du Western, auxquels, nomades et marginaux, ils s'identifient sans mal. L'arrivée du cheval dans ce contexte les rapprochera de leur rêve de western. Car Into the west symbolise autant l'Ouest américain fantasmé que l'Ouest réel de l'Irlande, région dans laquelle ils vont effectuer leur périple.

    Road-movie, conte initiatique, le film de Mike Newell lorgne aussi vers la comédie surréaliste à la Kusturica lors de nombreux passages extrêment réjouissants ; citons ici une séance cinéma clandestine et privée où nos deux cow-boys se font la projection de Retour vers le futur 3 avec leur inséparable cheval.

    Pour les jeunes garçons, qui n'ont que leur père alcoolique et leur grand-père, le voyage qu’ils entreprennent a un autre enjeu que le simple appel de l’Ouest, enjeu inconnu à leurs yeux jusqu'à la presque toute fin : c’est là qu'on retrouve la thématique du deuil, par ailleurs présente tout le long du film, fort bien traitée dans ce film destiné avant tout à un public familial et très jeune. Depuis sa sortie, il est ainsi régulièrement proposé lors de travaux en classes de primaire, à même d’aborder des questionnements pas évidents dans l’esprit d’un enfant. De quoi passer un bon moment !

  • Aeon Flux - la série (1995)

    Une série animée de Peter Chung

    3090264230_14356fe677.jpg?v=0

    Série d'animation complètement atypique, Aeon Flux ne ressemble à rien d'autre : narration elliptique, personnages concepts, design anguleux (rappelant le travail de l'excellent Bill Plympton), tout cela est parti d’une commande de MTV pour son émission Liquid TV. Peter Chung -connu désormais du grand public comme réalisateur d'un segment de l’anthologie Animatrix- a alors réalisé des histoire très courtes (4 ou 5 minutes), privilégiant l'action non-stop et une intrigue réduite au minimum où Aeon Flux, héroïne habillée mode cuir-SM qui a dû beaucoup marquer les frères Wachowski, évolue au sein de décors industriels ou désertiques (on saisit vaguement que deux camps s'opposent, Aeon dans l'un et le despote Trevor Goodchild dans l'autre, ce dernier étant aussi l'amant de Aeon, s'adonnant à des élans sexuels assez "autre"…).

    L'ambiance générale est tributaire des récits cyber-punk, explorant les liens homme-machine et la nébuleuse des réseaux de communication. Il faut préciser qu'il a été décidé assez tôt dans ces courts de faire mourir l'héroïne à la fin, autorisant dès lors toutes les fantaisies car l'épisode suivant constitue une réinvention totale. Le procédé permet également de n'en voir qu’un sans être trop perdu. Ces courts ayant été récompensé par une forte audience, Peter Chung eut l'opportunité de développer son univers dans une série de 10 épisodes de 26 minutes, qui constituent ici le cœur du programme du très bon DVD sorti en 2006. Ma préférence ira quand même aux premiers courts réalisés, qui, grâce à l’éditeur, sont aussi présent dans ce beau coffret. Dans l'optique de la série, le concept premier n'a pas été gardé (faire mourir l'héroïne à chaque épisode), changeant dès lors l’orientation du show. On se doit de suivre une intrigue plus "construite", plus complète, donc par là moins mystérieuse, elliptique. Cela dit, il est toujours difficile de comprendre ce qui se passe à l’écran ! Que cela ne décourage personne de découvrir cette série à nulle autre pareille ; les 5 premiers épisodes de 26 minutes sont vraiment très réussis, et arrivent à conserver l'ambiance vraiment étrange des premiers courts.

    Les cinq derniers sont à mon sens bien en dessous ; en effet, Chung a voulu donner une continuité à l’intrigue, et c'est paradoxalement là que ça devient moins intéressant, car au moment où il faudrait vraiment suivre le déroulement, des personnages récurrents d'épisodes en épisodes, je n'ai plus compris grand chose... Il s'agit néanmoins d'un ensemble d'épisodes qui gagne à être revus, car on est toujours surpris de trouver une nouvelle donnée, de décoder certains aspects qui nous avaient totalement échappé lors de la première vision.

    Au niveau purement "animé", on y trouve un mouvement segmenté très hypnotisant. Élément-clé, la bande sonore très recherchée de la série nous fait bien ressentir l'inquiétante étrangeté de cet univers différent, et néanmoins tout à fait fascinant.

    Disponibilité vidéo : DVD zone 2 - éditeur : MTV Music Television

  • Un film, une séquence : Eyes Wide Shut (1999)

    L'orgie

    7392115.jpg

    Environ à la moitié du film-testament de Kubrick intervient une séquence magique, onirisme brumeux aux couleurs de feu. Bill, tourmenté par l'aveu de tromperie de sa femme Alice, se rend à une soirée privée dont il ignore tout, mais qui est fondamentalement tout ce qu'il recherche : un interdit, un mystère, et une promesse de débauche sexuelle, lui dont la vie était si cadrée, si prévisible, si normale. Norme balayée d'une phrase de sa femme, dont il ne se serait douté. Bill arrive donc au terme d’un voyage nocturne dans une résidence somptueuse, dont il soulève le voile.

    Il pénètre dans un bal masqué sonorisé par une musique mystique, accompagnée d’une voix gutturale. La musique est en fait jouée sur un clavier électronique, tout n'est qu'illusion. Des rituels de sélection assemblent certaines jeunes femmes avec des personnes de l’assemblée silencieuse, qui, comme le spectateur, sont plutôt observatrices qu'actrices de l'événement. Bill se fond dans la masse des masques, semblable à tous, donc incognito. Mais quelque chose cloche : on lui fait signe, il est reconnu. Il doit partir car il n’est pas le bienvenue ("You don’t belong here", tu n’est pas à ta place ici, l’avertit une jeune femme). Il va poutant pouvoir regarder le spectacle qui s’offre à lui, et les lents travellings l’accompagnent au sein de salles aux teintes pourpres.

    6487474.jpg

    Des pantins s'y embrassent, déshumanisés, animalisés aussi. L'acte sexuel, omniprésent mais laissant la plus grande place à la foule passive, est théâtral, peut-être même est-il simulé. La musique aux tonalités orientales est la bande-son d’une orgie scénographiée, une performance, forme d’art, un "cabinet de curiosités" vivant, qui fait de Bill un spectateur déambulant dans un musée des pratiques sexuelles. Lui seul a la posture d’un être en mouvement, tous les autres prenant la pose, faisant partie du décor. La séquence apparaît dès lors comme une représentation de l'esprit de Bill, obnubilé par l'infidélité d’Alice, revoyant toujours les images qu’il s’est inventé. Démasqué, il devra subir le jugement d'une cour improvisée, pouvant rentrer in-extremis chez lui mais échappant à on-ne-sait-quoi. Dans cette séquence hallucinatoire, réside tout l'art de Kubrick sur le théâtre des apparences.

    2530263.jpg