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2010's - Page 15

  • The Lovely Bones (2010)

    Un film de Peter Jackson

    4371864215_5472664a18_m.jpgLe réalisateur du Seigneur des Anneaux nous revient avec une oeuvre qui, si elle n’est pas un retour aux sources à proprement parler (pour cela, il lui faudrait revenir à des délires grand guignolesques comme Braindead ou Bad Taste), a tout d’un interlude récréatif, entre un monstrueux King Kong (2005), les prochaines aventures numériques de Tintin, ou encore l’adaptation de Bilbo Le Hobbit qu’il produit.

    L’histoire de Susie Salmon est dramatiquement simple : assassinée, elle va essayer de guider son entourage depuis l’au-delà pour démasquer son meurtrier. Enfin, l’au-là, pas tout à fait : une zone d’entre-deux, car elle peut entretenir un lien ténu avec les vivants (rappelez-vous de Ghost, avec Patrick Swayze). Elle évolue donc dans des décors colorés et naïfs comme des dessins d’enfants : elle façonne elle-même son univers. De l’autre côté, se joue un drame familial (les effets de la perte d’un enfant), doublé d’une intrigue policière à la Desperate Housewives -la crainte constante du voisinage, le poids des rumeurs. Le tout est saupoudré d’une bonne dose d’humour un peu fou, délivré par la grand-mère de Susie (Susan Sarandon).

    Chacune de ces orientations pourrait constituer un film à elle seule. Or, Peter Jackson nous sert un mélange où le mot-clé est rupture. Rupture sur le fond et sur la forme.

    Le film fonctionne ainsi sur d’innombrables ruptures de tons, passant sans ambages du thriller à suspense, au drame psychologique, au conte fantastique, jusqu’à la comédie déjantée. Le passage de l’un à l’autre n’est jamais progressif, mais dur comme un couperet, une cassure manifeste. Cette accumulation ne produit cependant pas la synergie espérée, le spectateur ayant à chaque fois l’impression de voir un autre film, déconnecté du reste. Le film peine ainsi à avancer en dépit de très belles séquences prises indépendamment, et l’on se demande souvent quel est l’objectif de telle ou telle scène. De même, les ruptures sont aussi pensées au niveau de l’articulation du scénario, qui bifurque constamment vers une direction inattendue : décisions des personnages, réalité aménagée (le retour chez elle de Susie saine et sauve alors qu’elle a bien été tuée : Ghost, on vous dit !)...

    A ces ruptures de tons s’adjoint un procédé qui court sur tout le film : on nous montre tel personnage, puis tel autre à un autre endroit, sous-tendant que les deux actions ont lieu en même temps, rapprochées par ce montage dit parallèle. Si proches et si éloignés, Susie et sa famille tente conjointement de dire adieu à leur présence respective. Pour Susie, l’enjeu est aussi de faire le deuil d’une vie à peine commencée, pas réalisée. La réalisation de certains caps sera aussi abordée dans le mælstrom du film, sorte de tourbillon où tout se mélange.

    Pour les décors et la lumière, on est évidemment bien loin du faste des épopées de Tolkien, mais la multiplicité des ambiances et des réalités (réel ancré dans les années 70, reconstitution discrète et efficace, fantastiques espaces de l’entre-deux mondes) permet un voyage varié. Le fil rouge, la traque du meurtrier, est assorti de tensions très bien gérées, tout en ayant dévoilé très tôt au regard du spectateur le visage du criminel.

    La naïveté de certains dialogues a beaucoup de mal à passer (la dernière phrase déclamée par l’héroïne, sortie d’un album de Martine : Vivez heureux et passez une longue vie, ou un truc du genre...), et la symbolique trop forcée (la fin du criminel) rate vraiment son coup. Constamment inégal, pour un résultat tout aussi difficile à situer, The Lovely Bones ne constitue pas la réussite qu’on était endroit d’attendre de Peter Jackson.

  • Gainsbourg (vie héroïque) (2010)

    Un conte de Joann Sfar

    4307679070_e983f149f0_m.jpgLa vie d’un musicien se prête bien au genre du film biographique, en cela que sa production artistique prend la place de bande originale. Ainsi donc, c’est la musique qui rythme la vie de celui-là même qui l’a composée. Comme les morceaux de Gainsbourg portent en eux une beauté mélodique assez irrésistible, de ce côté-là c’était un peu gagné d’avance. Et, l’on peut avancer sans crainte que la bande originale se promène toujours un cran au-dessus du film qu’elle illustre.

    Le jeune réalisateur prévient dès la séquence générique : nous allons assister à "un conte de Joann Sfar" lui qui aime tant cette forme d’expression. N’a-t-il pas remis au goût du jour Le petit Prince de St Exupéry, ou publié dernièrement un récit s’apparentant de façon évidente au genre ? Dès lors, toute considération donnée sur un film biographique traditionnel s’en trouve balayée : fini, l’objectif d’être au plus près de la vie de l’artiste, et bienvenue dans un monde qui tient beaucoup plus de celui du Sfar-auteur de bandes dessinées que de son réel personnage principal. Le générique d’introduction est ainsi un mini film d’animation, utilisant les dessins d’un Gainsbourg Sfarisé ; durant une bonne partie du film, un double-marionnette suit le chanteur à la trace, Juliette Gréco a un chat qui parle avec la voix d’Anna Mouglalis... Ce décalage fait rentrer l’histoire dans une atmosphère de fantaisie, dédouanant le réalisateur des attentes démesurées dont le projet a pu faire l’objet. Le Gainsbourg dessiné par Sfar est ce personnage de conte, avec sa face solaire, dont le monde adoube le génie, et sa part torturée, qui nourrit encore aujourd’hui les argumentaires destructeurs des réfractaires. Comment leur en vouloir ? L’homme n’est pas facile à cerner, pas facile à aimer. Le film, non plus.

    L’intérêt trop marqué de Sfar pour la jeunesse de l’artiste est révélateur de l’empreinte qu’il veut imposer, se servant du Gainsbourg peintre aux Beaux Arts pour garnir le cadre de ses propres créations. Pour autant, la période (et l’enfant, qui récite machinalement son texte) ne sont pas ben exploitée et n’ont d’autre utilité que de confronter par l’image le regard du Lucien enfant, et du Serge adulte.

    Le film se décline alors en un collage de scènes connues, où défilent les guests (nombreuses dans la vie de Gainsbourg), qu’on attend et par lesquelles on est que rarement transporté. J’ai personnellement vraiment accroché à la seule séquence d’introduction de Bardot - Laetitia Casta, qui reproduit un cadrage et un montage assez sixties - seventies, et qui seul parvient à (me) transmettre l’effervescence du moment. Pas de moments mémorables à part cela, sauf peut-être la scène marrante où le producteur (Claude Chabrol et ses gros yeux) découvre Je t’aime moi non plus, pavé dans la mare du bien pensant et des bonnes mœurs. La faute de goût étant tout de même atteinte par l’interprétation de Sara Forestier dans le rôle de France Gall, qui passe pour une demeurée handicapée mentale. Mais bon, c’est un conte, alors... Sfar se sent d’ailleurs obligé de s’en excuser à la fin du film, expliquant maladroitement qu’il est trop admiratif pour se mesurer à la vérité du mythe, et lui préfère le traitement du mensonge. Justification passe-partout qui ne suffit pas à justifier des faiblesses du film...

    Ni une vraie réussite, ni profondément mauvais, Gainsbourg (vie héroïque, ah bon ? Je ne voit pas le rapport...), au final, fait basculer l’aiguille du côté froid, à mon sens à cause d’un manque d’audace dans le choix des scènes narrées. Je ne parle pas de l’acteur principal, Eric Elmosnino, qui mérite tout de même une citation, tant le film, sans lui, aurait du mal à exister.

    Sans transition, à suivre prochainement : du Bis made in Hammer Film & Shaw Brothers !